Plus pauvres à Noël
21 000 $ : c’est, résumé simplement, la somme que la hausse de 300 points de base du taux directeur de la Banque du Canada a retranchée à la valeur nette nationale par habitant entre le premier et le troisième trimestre.
Les ménages arrivent à la période des Fêtes sensiblement appauvris financièrement. La forte hausse des taux d’intérêt accompagnant la poussée de fièvre inflationniste a été particulièrement ressentie dans le bilan, plombant l’actif et gonflant le passif. Sans compter l’effet de tout cela sur le budget.
Sous un angle plus macroéconomique, la valeur nette nationale, soit la somme du patrimoine national et de la position d’actif net étranger du Canada, a diminué de 3,3 % entre le deuxième et le troisième trimestre pour inscrire un recul de 578 milliards de dollars, soit la plus forte érosion depuis le quatrième trimestre de l’année de crise financière 2008. Ainsi, la valeur nette nationale par habitant affiche un repli de 3,8 % pour se chiffrer à 438 815 $. Par rapport à son sommet d’avant l’amorce du mouvement haussier du taux directeur de la Banque du Canada, en mars, la ponction se chiffre à 4,6 %, ou à 21 000 $.
Par ménage, l’avoir net — soit l’actif moins le passif — a poursuivi sa contraction, « annulant les progrès réalisés durant la pandémie », retient Statistique Canada. Elle s’établissait à quelque 15 100 milliards de dollars, soit un recul de 332 milliards ou de 2,1 % par rapport au deuxième trimestre. Comparativement au sommet de janvier-mars, le plongeon du patrimoine des ménages atteint les 7,7 % ou plus de 1260 milliards, traduisant en cela la triple correction des cours observée sur les marchés boursiers, obligataire et immobilier.
Avec une valeur des actifs financiers ne diminuant que légèrement au troisième trimestre, le gros de l’impact est venu du recul de 271 milliards de la valeur des biens immobiliers résidentiels, le marché des logements continuant de jongler avec une hausse rapide des taux d’intérêt. La poussée de 175 points de base, à 3,25 %, du taux cible du financement à un jour de la banque centrale au troisième trimestre a engendré une diminution de 3,4 % de la valeur des biens immobiliers, qui est venue s’ajouter à celle de 5,1 % mesurée au deuxième trimestre. Statistique Canada prend toutefois soin d’ajouter que cette valeur reste supérieure de plus de 2000 milliards de dollars, ou de 35,4 %, au niveau enregistré à la fin de 2019, ce qui, greffé à la forte augmentation du coût de l’emprunt, vient peser sur l’accessibilité de la propriété.
Sur ce thème de l’abordabilité du logement, la valeur des biens immobiliers représentait 525 % du revenu disponible des ménages au terme de la période de juillet à septembre. Certes, l’on parle d’une deuxième baisse trimestrielle d’affilée. Ce pourcentage s’établissait toutefois à 452,7 % à la fin de 2019.
Le revenu ne suit pas…
Le revenu ne suit donc pas le rythme de l’augmentation du coût de la vie et du loyer de l'argent. Au troisième trimestre, la rémunération des ménages en valeur nominale a augmenté de 1,2 % après avoir progressé de 1,9 % au deuxième trimestre pour ainsi inscrire sa plus faible croissance « depuis le deuxième trimestre de 2020, lorsque la pandémie de COVID-19 a été déclarée et que le taux de chômage a affiché une hausse marquée ». Le taux d’épargne des ménages a pu croître légèrement, à 5,7 %, mais cela découle d’une augmentation de 0,8 % du revenu disponible ayant dépassé la hausse plus modérée, de 0,5 %, de la consommation des ménages, récession oblige.
… et les paiements d’intérêts explosent
Le tout est à mettre dans la perspective d’une augmentation de l’endettement et du poids de ces emprunts. La dette des ménages en proportion du revenu disponible est passée à 183,3 % au troisième trimestre contre 182,6 % trois mois plus tôt. Ce ratio demeure inférieur au sommet record de 184,6 % atteint en 2018, mais il est accompagné d’une hausse à près de 14 % du ratio du service de la dette. Ce rapport du total des paiements du capital et des intérêts sur la dette en proportion du revenu disponible se situait à 13,5 % au deuxième trimestre. « La croissance du revenu disponible des ménages avant les paiements d’intérêts (+1,8 %) a été contrebalancée par la hausse record des paiements de la dette (+5,6 %) », explique Statistique Canada.
Pire, « dans l’ensemble, les paiements d’intérêts ont augmenté de 16,2 % au troisième trimestre, soit la plus forte augmentation des paiements d’intérêts totaux jamais enregistrée, alors que les paiements obligatoires du capital ont diminué de 3,7 % ». Par conséquent, les paiements d’intérêts en pourcentage de l’ensemble des paiements de la dette ont augmenté de 46,7 % au deuxième trimestre à plus de la moitié (51,3 %) au troisième trimestre, souligne Statistique Canada.
Il faudra ajouter à tout cela une augmentation additionnelle de 100 points de base du taux directeur au quatrième trimestre et les effets à plus long terme de l’augmentation totale de 400 points de base depuis mars.