La loi 96 ne suffira  pas

Dans son discours d’ouverture de la 43e législature à l’Assemblée nationale, le premier ministre François Legault a reconnu que l’application des dispositions de la loi 96 sur la langue commune, adoptée en mai dernier, ne suffira pas à stopper le déclin du français. « On ne doit pas en rester là », a-t-il dit.

À juste titre, François Legault estime qu’il « est impératif de mettre fin à ce déclin et de renverser la tendance ». Il y voit son « premier devoir » comme premier ministre du seul État à majorité francophone en Amérique du Nord. Ce déclin est en effet « existentiel », comme il l’a affirmé, dans le sens qu’il détermine l’existence même de la nation québécoise.

Le premier ministre a mandaté le titulaire du nouveau ministère de la Langue française, Jean-François Roberge, pour concevoir un « tableau de bord » affichant des indicateurs et des projections mis à jour tous les ans sur l’état de la situation linguistique au lieu de s’en tenir aux données quinquennales produites par Statistique Canada. Les mesures seront ainsi ajustées afin de « remettre le Québec sur la trajectoire d’une relance du français ». Mais ça reste du domaine de l’intention.

Devant les refus répétés de Justin Trudeau, François Legault n’a pas tout à fait renoncé à obtenir davantage de pouvoirs en immigration de la part d’Ottawa. Mais, il semble évident que ses attentes sont aujourd’hui réduites. Avant la campagne électorale, le premier ministre se faisait fort d’obtenir d’Ottawa un transfert de pouvoirs en immigration pour éviter la « louisianisation » du Québec. Aujourd’hui, il demande à Jean-François Roberge, qui est aussi le ministre responsable des Relations canadiennes, d’élaborer, avec la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, « une base de négociation précise » afin d’entamer des discussions avec le gouvernement fédéral sur les enjeux de la langue et de l’immigration.

Avant de réclamer davantage de pouvoirs au gouvernement fédéral en matière d’immigration, encore faut-il utiliser pleinement ceux que Québec possède déjà. On parle beaucoup du seuil de 50 000 immigrants admis annuellement, c’est-à-dire le nombre de nouveaux arrivants, souvent déjà présents sur le territoire, qui obtiennent leur résidence permanente. Mais on oublie l’immigration temporaire, que ce soit les travailleurs et les étudiants. Par exemple, plus de 60 000 travailleurs étrangers sont présents au Québec en vertu du Programme de mobilité internationale administré par le gouvernement fédéral. Selon une évaluation du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, environ la moitié de ces travailleurs étrangers travaillent en anglais. On compte également plus de 90 000 étudiants étrangers dans nos cégeps et universités, dont 45 % fréquentent des établissements de langue anglaise. Il est temps que le gouvernement québécois exerce pleinement ses prérogatives en vertu de l’Entente Québec-Ottawa sur l’immigration.

C’est un début : le gouvernement Legault entend s’impliquer dans la sélection des immigrants temporaires qui, par la suite, sont admis de façon permanente. Il souhaite attirer davantage d’étudiants étrangers au Québec pour qu’ils décrochent un diplôme de cégep ou d’une de nos universités de langue française. Pour y arriver, il devra convaincre les autorités fédérales de cesser leurs pratiques discriminatoires qui empêchent des étudiants africains francophones, admis dans nos établissements d’enseignement supérieur, d’entrer au Québec.

Dans son discours, François Legault a aussi abordé la question des demandeurs d’asile qui entrent par le chemin Roxham. On en attend 50 000 d’ici la fin de l’année. Les services publics et les organismes communautaires sont submergés, tandis que les autorités fédérales prennent plus de deux ans pour traiter ces demandes irrégulières, sans parler des procédures d’appel. Le Québec est prêt à faire sa part, a dit le premier ministre. Mais il faut lui donner raison d’exiger qu’Ottawa mette fin à une situation qui ne peut durer éternellement. À voir le gouvernement Trudeau octroyer des contrats à des amis libéraux pour construire des résidences sommaires afin d’accueillir les demandeurs d’asile, on doit douter de son empressement.

On ne peut que constater « la forte attractivité de l’anglais », comme l’a rappelé le premier ministre, ce qui complique l’intégration en français des immigrants. En ce sens, le gouvernement Trudeau devrait s’engager à cesser de nuire. Ce serait la moindre des choses.

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