Vers un doublement de la correction immobilière

Une nouvelle hausse du taux directeur de la Banque du Canada est attendue mercredi. Le scénario dominant porte sur un total de 100 points de base additionnels d’ici la fin de 2022. De quoi faire au moins doubler la correction des prix immobiliers déjà en cours.

Le taux directeur de la banque centrale connaît à ce jour une progression plutôt rapide depuis mars de 300 points de base, soit de 0,25 % à 3,25 %. Les analystes s’attendent à une hausse additionnelle de 50, voire probablement 75 points mercredi, et à une autre d’au moins 25 points lors de la réunion du comité monétaire du 7 décembre. Déjà bien engagé en zone restrictive, il atteindrait alors les 4,25 %, loin de son taux dit neutre de 3 %. Pour les économistes du Mouvement Desjardins, il devrait s’y maintenir l’an prochain pour amorcer sa descente au quatrième trimestre. À la Banque Nationale, on avance plutôt un scénario de plafonnement à 4 % pour ensuite voir la Banque du Canada commencer à jeter du lest au cours du deuxième semestre de l’an prochain.

Quelle que soit la cible atteinte, et avec l’effet décalé du resserrement monétaire, la correction en cours des prix de l’immobilier résidentiel est loin d’être terminée. L’indice des prix des maisons Teranet-Banque Nationale, publié la semaine dernière, affichait un deuxième recul de 2 % en septembre, égalisant celui d’août, pour aligner une cinquième contraction mensuelle de suite. L’indice s’inscrit en recul de 7 % depuis son sommet de mai. À titre de comparaison, lors de la crise financière de 2008, les prix avaient cumulé un repli de 6,2 % sur la même période. Et de 9,2 % au total sur huit mois. Compte tenu du resserrement monétaire plutôt musclé de la Banque du Canada, la Nationale prévoit cette fois une diminution cumulative record de 15 % à l’échelle canadienne d’ici la fin de 2023. Une correction évidemment davantage ressentie dans les marchés ayant connu la plus forte surchauffe lors de la pandémie.

Oxford Economics a été plus loin dans ses dernières prévisions en évoquant une correction de 30 % du sommet au creux également à l’échelle canadienne, combinant les effets de la montée rapide des taux et du ralentissement de la croissance de l’emploi.

Hypothèque à taux variable

La hausse du loyer de l’argent n’est pas sans avoir des répercussions plutôt sensibles pour les détenteurs d’une hypothèque à taux variable et pour ceux qui auront à renouveler la leur au cours des prochains mois. Statistique Canada indiquait, le 12 septembre, que parmi les nouveaux prêts hypothécaires résidentiels contractés au deuxième trimestre, 51,1 % étaient à taux variable, et que ceux-ci représentaient 32,5 % de la dette hypothécaire totale, une hausse par rapport aux 29,8 % du trimestre précédent. Simplement en guise d’ordre de grandeur, l’on retient que chaque hausse de 25 points de base du taux hypothécaire ajoute au paiement un peu plus de 6 $ par mois par tranche de 50 000 $ d’hypothèque.

Le tout s’insère toutefois dans un contexte de ménages déjà secoués par une inflation s’obstinant à demeurer à des niveaux jamais vu depuis quelque quarante ans. Uniquement sur la facture d’épicerie, Statistique Canada a mesuré une poussée de 11,4 % des prix des aliments achetés en magasin en septembre, soit la hausse d’une année à l’autre la plus intense depuis celle de 11,9 % d’août 1981. Et si le prix de l’essence a poursuivi sa décélération (d’un mois à l’autre) pour un troisième mois de suite, d’une année à l’autre, les automobilistes devaient composer avec des prix de l’essence affichant une augmentation de 13,2 % par rapport à septembre 2021.

Le loyer de l’argent vient donc s’ajouter à la trame inflationniste. Un sondage réalisé récemment par Ipsos pour le compte du cabinet en insolvabilité MNP indique que six Canadiens sur dix se disent préoccupés par l’incidence de la hausse des taux d’intérêt sur leur situation financière, un sommet historique depuis la création de l’indice en 2017. Et comparativement aux propriétaires, les locataires s’inquiètent davantage de l’incidence de la hausse des taux sur leur santé financière, soit une proportion de 34 % chez les locataires contre 29 % chez les propriétaires. MNP ajoute que, si les ménages dont le revenu est inférieur à 40 000 $ sont plus susceptibles d’en subir les conséquences, la sensibilité est élevée même dans les tranches de revenus supérieurs.

Le pourcentage de répondants disant s’inquiéter de leur capacité à rembourser leurs dettes passe de 60 % pour le revenu inférieur à 40 000 $ à 52 % pour la tranche de revenu supérieur à 100 000 $. Le pourcentage de ceux qui affirment qu’une augmentation des taux d’intérêt leur causerait des ennuis financiers passe de 59 % à 44 % respectivement. L’écart demeure le même lorsqu’on leur demande s’ils craignent qu’une augmentation des taux d’intérêt ne les force à déclarer faillite, le pourcentage passant de 44 % à 29 % respectivement.

Dans la foulée, les dernières données du Bureau du surintendant des faillites indiquent que le nombre total de dossiers d’insolvabilité au Canada (comprenant les faillites et les propositions) a augmenté de 13,7 % en août 2022 par rapport au mois précédent. Le nombre de faillites a augmenté de 10,7 % et le nombre de propositions a augmenté de 14,8 %.

Par rapport à août 2021, le nombre total de dossiers d’insolvabilité déposés était en hausse de 27,6 %. Les dépôts de dossiers d’insolvabilité de consommateurs ont augmenté de 26,7 % et ceux d’entreprises, de 66,1 %.

Il faudra voir ce que la Banque du Canada fera mercredi.

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