Une première depuis la Grande Récession
La Banque du Canada est entrée en zone de taux restrictif pour la première fois depuis cet autre dépassement du taux dit neutre qui a précédé la Grande Récession de 2008.
Tout indique que ce ne sera pas le dernier tour de vis avant la pause automnale attendue. En haussant son taux cible du financement à un jour d’encore 75 points, à 3,25 %, la banque centrale a été sans équivoque. Au Canada, « abstraction faite de l’essence, l’inflation s’est accrue, et les données indiquent que les pressions sur les prix se sont généralisées davantage », alors que « les mesures de l’inflation fondamentale de la Banque ont continué d’augmenter pour s’établir entre 5 et 5,5 % en juillet ». Surtout, « des enquêtes indiquent que les attentes d’inflation à court terme restent élevées. Et plus elles le resteront, plus la forte inflation risque de s’enraciner ».
La banque centrale retient que même si les répercussions de son austérité monétaire se font déjà sentir avec, notamment, un ralentissement de la croissance en mai et en juin devant être suivi d’une contraction attendue en juillet, « l’économie canadienne demeure en situation de demande excédentaire et les marchés du travail restent tendus ». Ainsi, « compte tenu des perspectives d’inflation, le Conseil de direction juge encore que le taux directeur va devoir augmenter davantage […]. À mesure que les effets du resserrement de la politique monétaire deviendront plus évidents, la Banque évaluera jusqu’où il faudra encore relever les taux d’intérêt pour ramener l’inflation à la cible » de 2 %, lit-on dans le communiqué.
Chez les analystes, l’on s’attend désormais à ce qu’un taux directeur passé au-dessus du taux dit neutre compris dans l’intervalle 2-3 % — soit le taux compatible avec une production qui se maintient durablement à son niveau potentiel et un taux d’inflation demeurant à la cible — se traduise par un ralentissement du rythme haussier du loyer de l’argent. Avec, dans la mire, un scénario prévoyant pour l’instant une récession modérée débutant fin 2022 ou début 2023. Et si nombre d’entre eux lient la récession attendue au degré de sévérité de la correction en cours du marché immobilier résidentiel, la Banque du Canada retient plutôt que « les taux hypothécaires plus élevés entraînent un recul du marché du logement, comme prévu, suivant la période de croissance insoutenable enregistrée durant la pandémie ».
Il a déjà été dit que l’institution doit piloter avec une des économies les plus sensibles aux taux d’intérêt du G20. Elle veut éviter un désancrage des attentes inflationnistes susceptible d’engendrer une spirale salaires-prix, tout en manoeuvrant dans un contexte d’endettement élevé des ménages et de correction immobilière.
Inflation et taux à l’oeuvre
Pendant ce temps, l’inflation ainsi que les quatre hausses précédentes du taux directeur depuis mars poursuivent leur impact. Equifax Canada soulignait mardi qu’au deuxième trimestre, les soldes de cartes de crédit ont atteint leur plus haut niveau depuis le quatrième trimestre de 2019. Selon l’agence de notation, le principal changement observé en matière de crédit à la consommation concerne les personnes dont le pointage de crédit est moins élevé. « Les soldes de cartes de crédit des consommateurs dont le pointage de crédit est inférieur à 620 ont augmenté de 7,4 % par rapport au premier trimestre de 2022 et de 16,2 % par rapport au deuxième trimestre de 2021. »
Côté hypothécaire, le volume de nouveaux prêts a chuté de 16,4 % au deuxième trimestre par rapport aux sommets atteints un an plus tôt. En revanche, le montant moyen des prêts des acheteurs d’une première maison n’a diminué que de 0,5 % entre les premier et deuxième trimestres, et leurs paiements mensuels moyens ont augmenté de 10 %.
Les cas d’insolvabilité ont également atteint leur plus haut niveau depuis le début de la pandémie au deuxième trimestre. Cette situation est principalement due aux propositions de consommateur, qui ont connu une hausse de 20,7 % par rapport à l’année précédente et qui représentent 76 % de l’ensemble des cas d’insolvabilité. L’agence a également mesuré une hausse de 4 % des taux de défaillance de 90 jours et plus, soit le troisième trimestre de suite où une augmentation est constatée.
La tendance s’est poursuivie en juillet. Le Bureau du surintendant des faillites indique que le nombre total de dossiers d’insolvabilité déposés a augmenté de 19,1 % par rapport à juillet 2021, la hausse se chiffrant à 18,4 % chez les consommateurs, et à 45 % chez les entreprises.
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