À vos cartes de crédit

On en parlait déjà en 2011. Le ministre québécois de la Justice de l’époque avait déposé un projet de loi comptant parmi ses mesures phares l’augmentation, de 2 à 5 %, du paiement mensuel minimum exigé pour les cartes de crédit. Il a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en novembre 2017 et les mesures sont en vigueur depuis le 1er août 2019. Nous sommes aujourd’hui à 3,5 %.

On soulignait alors qu’entre 15 % et 20 % des ménages ne paient chaque mois que le minimum requis. Avec un taux de crédit variant entre 8,99 % et 29,99 %, pour se situer en moyenne autour de 19,9 %, on invitait à imaginer l’impact du jeu de l’intérêt composé sur l’accroissement de l’endettement. Selon le calculateur de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), pour un solde de 1000 $ sur une carte dont le taux de crédit est de 19,9 %, un consommateur qui ferait un paiement minimum fixé à 2 % rembourserait sa dette en 25 ans et 10 mois, en payant des frais d’intérêt de quelque 3000 $. Avec un versement minimum de 3,5 %, la période de remboursement passerait à 8 ans et 11 mois, pour une facture d’intérêt de 747,86 $. À 5 %, le remboursement s’étend sur 6 ans avec une dépense d’intérêt de 442 $.

Depuis le 1er août, le seuil minimum est passé à 3,5 % pour les cartes déjà émises. Il poursuivra sa hausse, au rythme de 50 points de base annuellement, pour atteindre 5 % en 2025. Les nouveaux contrats de carte de crédit se font, eux, au niveau plancher de 5 % depuis 2019.

Quant à l’impact, l’on retient que la hausse est graduelle et ventilée dans le temps. Aussi, que 70 % des détenteurs de carte de crédit paient leur solde en entier chaque mois. Pour ce faire, ils sont toutefois nombreux à mettre à contribution leur marge de crédit personnelle, qui commande un taux inférieur à celui d’une carte de crédit ou d’un prêt personnel, mais qui subit depuis le début de l’année l’impact de la remontée du loyer de l’argent. Et 22 % sont passés à une carte sans frais annuels l’an dernier pour éviter les coûts, nous dit la firme de service-conseil J.D. Power.

Au demeurant, plus d’une trentaine de cartes portent un taux d’intérêt inférieur à 13 %, écrit l’Association des banquiers canadiens sur son site.

L’on retient enfin que 38 % des détenteurs utilisent leur carte à des fins de comptabilité, de praticité ou de construction d’un dossier de crédit, 30 % pour les points de récompense, et 17 % pour les achats en ligne. Mais ils sont 12 % à évoquer le manque d’argent pour raison d’utilisation, selon les données de l’ACFC compilées en 2019.

Forte hausse des dépenses

 

Le tout est toutefois à mettre dans le contexte d’un recours accru à la carte de crédit, nous disait en juin l’agence Equifax Canada. Les dépenses mensuelles moyennes par carte de crédit ont augmenté de 17,5 % au premier trimestre de 2022 par rapport au premier trimestre de 2021. L’Ontario a connu la plus forte hausse de dépenses par carte de crédit, avec une progression de 20,4 %, suivi du Québec (18,4 %).

« La demande comprimée et l’augmentation des déplacements à la suite de l’assouplissement des restrictions liées à la COVID-19, combinées à la hausse fulgurante de l’inflation, ont entraîné l’une des plus importantes augmentations des dépenses par carte de crédit de l’histoire. Malheureusement pour les consommateurs, au même moment, la Banque du Canada a décidé d’augmenter les taux d’intérêt », souligne Rebecca Oakes, vice-présidente, analyses avancées chez Equifax Canada.

On observe également que le volume de nouvelles cartes a augmenté de 31,2 % par rapport au premier trimestre de 2021, et que les limites de crédit accordées sont plus élevées. « Au cours du trimestre, la limite de crédit moyenne accordée aux détenteurs d’une nouvelle carte est supérieure à 5500 $, soit la plus élevée en sept ans. »

Enfin, le solde moyen des cartes de crédit est en hausse de 9,5 % entre les deux trimestres de comparaison, soit la plus forte augmentation depuis le début de la pandémie. Faible consolation, ces soldes demeurent inférieurs aux niveaux prépandémiques, ajoute Equifax.

Endettement accru

 

Selon le portrait d’ensemble, la dette à la consommation totale a augmenté de 8,6 % au premier trimestre de 2022. Si l’on exclut les prêts hypothécaires, la dette à la consommation moyenne par personne s’établit à 20 744 $, ce qui représente une augmentation de 1,5 % par rapport au premier trimestre de l’an dernier.

« Il s’agit de la première hausse sur douze mois depuis 2019 », précise Equifax. À noter que la dette sur marge de crédit compte pour 16 % de la dette totale des ménages et celle sur carte de crédit pour 4 %, selon les données de la Banque du Canada. Si l’on exclut le prêt hypothécaire, ce poids passe à 61 % et 15 % respectivement.

Dans sa mise à jour de juin dernier, l’ACFC faisait ressortir que 43 % des Canadiens ayant des dettes affirment qu’elles ont augmenté, contre 37 % en 2021 et 35 % en 2020. Ils étaient 42 % à affirmer disposer d’un fond équivalent à trois mois de dépenses, contre 64 % en 2019. Et 30 % disaient manquer d’argent à la fin du mois, contre 19 % en 2019.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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