La pension a mal de l’inflation
Inflation et hausse des taux d’intérêt… Les trois quarts des répondants à un récent sondage vont jusqu’à croire à l’émergence d’une crise des revenus de retraite.
Dans l’enquête menée à la fin d’avril pour le compte du régime de pension des travailleurs de la santé de l’Ontario (HOOPP, en anglais), la préoccupation par rapport au coût de la vie au quotidien a augmenté de 11 points comparativement à l’année précédente, avec 66 % des répondants se disant maintenant très inquiets. L’inflation et la hausse des taux d’intérêt nuisent à leur capacité à subvenir à leurs besoins quotidiens, alors que 85 % disent qu’elles ont un impact sur leur capacité d’épargne-retraite. Et 63 % affirment qu’ils devront en reporter la date. Aussi, 72 % des répondants estiment que l’épargne-retraite est devenue une « dépense prohibitive ».
L’effet est davantage ressenti — et de loin — chez les répondants âgés de moins de 35 ans.
Côté immobilier, 58 % des répondants non propriétaires de leur logement affichent une vive préoccupation face à l’impact de la remontée des taux d’intérêt couplée à une forte inflation persistante. Une proportion égale de propriétaires s’inquiète des conséquences de cette détérioration de l’accessibilité sur leur capacité à vendre leur propriété afin de financer leur retraite.
En conclusion, dit HOOPP, 75 % des répondants croient en l’émergence d’une crise des revenus de retraite. Une crise qui aura un impact disproportionné sur les plus jeunes.
Faible participation à un RPA
La lecture qui s’en dégage est d’autant plus sombre qu’ils sont très nombreux à ne compter que sur les régimes publics et l’épargne personnelle, tandis que 45 % des propriétaires comptent sur la vente de leur logement pour combler leurs besoins financiers à la retraite.
Selon Statistique Canada, la proportion de l’ensemble des travailleurs canadiens rémunérés couverts par un régime de pension agréé (RPA) était de 37,1 % en 2019 et de 39,7 % en 2020. Les deux tiers des participants sont couverts par un régime à prestations déterminées (RPD), 18,4 % par un régime à cotisations déterminées (RCD) et 14,4 % par un autre type de régime, tels les régimes hybrides, mixtes ou combinés.
Pour les RPD, l’inflation réalisée vient jouer directement sur les prestations et vient influencer les paiements futurs tout en augmentant le poids de ces engagements futurs sur les épaules des employés actifs. Pour leur part, les changements dans les attentes inflationnistes viendront influencer les hypothèses utilisées pour les évaluations de provisionnement du bilan, qui à leur tour peuvent affecter les besoins de financement du régime, explique le cabinet Mercer.
Aussi, en l’absence d’indexation ou de mesures de protection, un environnement inflationniste peut engendrer une pression accrue sur les fiduciaires pour qu’ils augmentent les prestations sur une base discrétionnaire, ce qui ne sera pas sans créer des tensions entre les intervenants du régime.
En outre, les RPD renfermant des clauses de protection contre l’augmentation du coût de la vie sont nombreux à offrir des garanties limitées. Sans compter le jeu du décalage dans le temps entre la poussée inflationniste et l’ajustement des prestations.
C’est pire pour les RCD, les bénéficiaires et les quasi-retraités figurant parmi les groupes les plus sensibles à l’érosion du pouvoir d’achat de l’épargne-retraite. C’est particulièrement pénible pour les retraités à revenu fixe : pour ces derniers, l’horizon temporel pour récupérer toute érosion du pouvoir d’achat par des augmentations de salaire est réduit, résume Mercer.
S’ajoute l’effet de la hausse des taux sur les rendements d’un portefeuille généralement composé d’investissements prudents et de titres à revenu fixe. D’autant que les besoins en matière de liquidités peuvent restreindre les choix en matière d’actifs plus à risque qui offrent une couverture contre l’inflation. Certes, l’impact des faibles rendements sera amoindri par des coûts d’achat de rente inférieurs sous le jeu des taux d’actualisation pour ceux qui choisissent cette avenue, « bien qu’une telle rente puisse avoir un pouvoir d’achat réduit » par rapport aux objectifs initiaux.
N’empêche, les participants à un RCD près de la retraite « qui ont l’intention de toucher une somme forfaitaire auront probablement constaté une baisse du montant prévu des prestations ». S’ils optent pour l’achat d’une rente à la retraite avec protection contre l’inflation, « un niveau plus élevé de protection réduira considérablement le montant initial de la pension ».
Difficile de s’en sortir !