Votre carte de crédit vous cache une fortune

Si vous avez l’impression que votre relevé mensuel de carte de crédit est une litanie de charabia, vous n’êtes pas seuls. Mastercard et Visa n’attendent que le signal des banques pour faire le ménage. En attendant, ça coûte inutilement cher à tout le monde : aux consommateurs, aux commerçants… et aussi aux émetteurs de ces cartes.

Il n’y a pas grand-chose de plus mystérieux comme document ces jours-ci qu’un relevé de carte de crédit. Ce n’est pas exactement un parangon de clarté, on va se le dire. Ça crée une confusion où le consommateur peut ne pas repérer tous les articles facturés en trop, malgré lui, ou sans qu’il sache trop par qui.

Il est impossible aujourd’hui de chiffrer ce phénomène, mais c’est un grave problème. On a relevé deux cas l’an dernier où un manque de clarté des systèmes de paiement a permis à quelque 200 cybervendeurs d’empocher près de 500 millions de dollars. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg.

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AMZN… qui ?

Quand un internaute tombe sur une aubaine sur Amazon et achète le produit en question, il ne va pas ensuite se vanter à son voisin qu’il vient de faire affaire avec « AMZN Co MKTP *1Q4VVE24 ». Il va lui dire : « Regarde ce que je viens d’acheter sur Amazon. »

Son relevé, lui, va indiquer « AMZN Co MKTP *1Q4VVE24 ». Il n’est pas impossible non plus, si l’internaute a franchi une frontière en magasinant en ligne, que le montant indiqué ne corresponde pas au montant qu’il pense avoir payé, vu la conversion de la devise qui se fait parfois par Mastercard ou Visa, parfois par le service transactionnel utilisé (PayPal, par exemple).

La même chose vaut sur toutes les plateformes d’achat en ligne : eBay, Etsy, Kickstarter, etc. C’est encore un peu plus mêlant pour quiconque achète régulièrement sur des sites de cybercommerçants indépendants, puisqu’une fois l’achat complété, le relevé bancaire indiquera la raison sociale du commerçant, pas le nom de son site Web. Résultat : l’information sur son relevé cadre rarement avec les détails de la transaction que l’acheteur a en tête.

Au moins, généralement, le produit acheté est le bon. 

Réabonnez-vous, qu’ils disaient !

L’an dernier, on a repéré environ 200 applications mobiles vendues sous la forme d’un abonnement mensuel ou annuel qui ont continué de facturer le service à leurs utilisateurs même après que ceux-ci ont effacé l’application de leur mobile. Les victimes de ce subterfuge ont été allégées de quelque 500 millions de dollars.

Ces abonnements se poursuivent à l’insu du consommateur pour différentes raisons. D’abord, les boutiques d’applications se déchargent de la responsabilité de mieux encadrer les abonnements vendus par des tiers. Ces derniers devraient obligatoirement s’accompagner, au strict minimum, d’une date d’expiration pas trop lointaine.

Ces montants peuvent aussi sembler négligeables sur un relevé de carte de crédit. On y repère souvent les gros achats (épicerie, restaurants, etc.) et on présume que les plus petites sommes dépensées ne sont pas si importantes. Quand on les perd de vue dans une liste de transactions sur son relevé mensuel qui peut facilement s’étirer sur trois ou quatre pages, ils finissent un jour par coûter cher.

Que font les gens qui s’aperçoivent qu’ils ont payé en trop pour un abonnement en ligne ? Ils se désabonnent, s’ils peuvent retrouver la source. Ou alors ils appellent le service à la clientèle de leur carte de crédit. Celui-ci a beau jeu de décider s’il annule ou pas la transaction.

La « fraude amicale »

Mastercard, Visa et les autres peuvent être difficiles à convaincre, car ils combattent difficilement ces jours-ci un autre genre de fraude, qui s’apparente justement à ces demandes de remboursement et qui porte un bien drôle de nom : la « fraude amicale ». C’est quand un internaute achète un produit en ligne, qu’il appelle sa banque pour une annulation de la transaction (le terme exact est une rétrofacturation), mais qu’il ne retourne pas le produit.

Quelqu’un doit payer et, dans ce modèle, c’est Mastercard ou Visa qui finit par le faire. Et ça les irrite. Avec raison : la fraude amicale compte pour 70 % des cas de fraude par carte de crédit. Elle a coûté pas moins de 132 milliards de dollars américains en 2020 seulement. Ce montant n’inclut pas la perte subie par les commerçants pour avoir expédié le produit pour lequel l’émetteur va leur demander à son tour un remboursement.

Bref, au jeu de la fraude à qui mieux mieux, tout le monde joue. Et personne ne gagne. Ou presque.

Une solution ergonomique

 

Il y a en informatique un terme trop peu souvent utilisé : l’ergonomie. En gros, l’ergonomie est l’art de placer les bonnes choses aux bons endroits pour que tout paraisse naturel (bon, d’accord, c’est une science). On peut bidouiller avec ce concept pour favoriser certains comportements. Par exemple, un site Web peut subtilement inciter ses visiteurs à acheter davantage que le seul article qu’ils ont en tête. Ça ne marche pas à tous les coups, mais ça marche assez souvent pour qu’un site comme Amazon soit aujourd’hui le géant qu’on connaît du commerce en ligne.

Or, le relevé mensuel typique échouerait à un test d’ergonomie. Pourtant, les émetteurs ont les moyens de troquer tout le charabia qu’il contient contre le nom du bon site Web, l’icône graphique de la bonne application, etc. Il est possible de séparer les achats ponctuels des achats récurrents comme les abonnements, si bien qu’ils pourraient regrouper sur un relevé numérique tous les abonnements associés à la carte. Mieux : ils pourraient offrir l’option de se désabonner d’un seul clic des services inutilisés à même le relevé.

Centraliser tout ça ferait économiser des millions de dollars à tout le monde. Un porte-parole de Mastercard croisé ce printemps nous assurait que la technologie existe. La solution est donc à portée de main. Mais elle dort dans un tiroir.

Car c’est aux banques d’adopter ces outils qui leur sont vendus par Visa et Mastercard. Et pour que les banques veuillent bien le faire, il faudrait simplement que leurs clients en fassent la demande.

Voilà, enfin, une information claire et précise !



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