Assurer ses parents
Cette semaine, je vous fait part d’une question que l’on m’a récemment soumise : « Est-il vrai qu’il est rentable d’assurer nos parents ? Si oui, j’aimerais savoir comment cela fonctionne. »
Ne vous étouffez pas avec votre thé glacé, je vous en prie ! Je suis consciente que la simple idée de se questionner sur la possibilité de « faire de l’argent » en pensant à la mort de nos parents provoque un sentiment fort désagréable.
La réponse courte est la suivante : oui, il est possible d’assurer vos parents, ou toute personne avec qui vous avez un intérêt assurable. Dans la mesure où vous pourrez fournir la date prévue de leur décès, je pourrai vous dire si cela est rentable ou non. Vous avez compris, la réponse détaillée, elle, est conditionnelle à de nombreuses variables.
Mais avant, une question importante : les parents doivent-ils être au courant ?
Selon le Code civil du Québec, « une personne a un intérêt susceptible d’assurance dans sa propre vie et sa propre santé, ainsi que dans la vie et la santé de son conjoint, de ses descendants et des descendants de son conjoint ou des personnes qui contribuent à son soutien ou à son éducation ». Puisque de nombreux parents jouent un rôle actif au bien-être financier de leurs enfants même lorsqu’ils sont devenus majeurs, tout en donnant des coups de pouce, disons-le, hautement appréciés avec les enfants à charge, démontrer un tel intérêt peut être envisageable. Le cas échéant, cela signifie qu’en théorie, vous pourriez ultimement assurer vos parents sans leur permission, si aucun examen médical n’est requis, bien sûr — contrairement à quelqu’un avec qui le lien d’assurance n’est pas automatiquement présumé.
Est-ce que c’est la voie que je vous suggère de prendre ? Je suis loin d’en être certaine, car il me semble qu’une planification successorale complète en collaboration avec vos parents permettrait, en premier lieu, de déterminer leurs propres besoins d’assurances et, ensuite, d’évaluer si leurs protections actuelles permettent de les combler. Parfois, les parents peuvent détenir des protections importantes, coûteuses ou mal adaptées à leurs besoins. Le fait de tenir ce type de discussion pourrait vous amener à reprendre une partie de leurs assurances vie actuelles et à en alléger la facture, ce qui permettrait à certaines familles avec des revenus plus modestes de maintenir les protections en vigueur.
De plus, même si les enjeux financiers ne représentent pas un obstacle pour votre famille, il se peut fort bien qu’avec l’âge, l’état de santé de vos parents les rende plus difficilement assurables, avec pour conséquence la présence de surprimes potentielles en cas de dépôt d’une nouvelle proposition auprès d’un assureur. Ainsi, le fait de réviser les polices déjà détenues par ces derniers peut être une option à considérer, surtout lorsque des produits d’assurance temporaire arrivent à échéance.
Maintenant, est-ce réellement « payant » ?
À vous de voir, déjà, si vous avez envie de vous lancer sur cette discussion parfois fortement émotive avec vos parents. Vous décidez de plonger ? La grande question qui suit est celle de la rentabilité. Vous devez comprendre que cette dernière ne pourra être calculée que selon la date de décès de la personne assurée. Elle dépendra également de la prime payée pour l’assurance. Bénéficiez-vous des coûts standards ? Une surprime sera-t-elle ajoutée en cas de problèmes de santé ? Ou encore, est-ce que la situation de vos parents fait en sorte qu’il n’est possible que d’utiliser des produits à émission simplifiée ou garantie, dont les coûts sont plus élevés ?
Il s’agit de considérations très mathématiques, et quelques calculs avec votre conseiller en sécurité financière vous permettront facilement d’y voir plus clair afin de valider le rendement projeté par âge atteint de votre parent. Dans l’éventualité où vos parents vivraient très vieux, le rendement projeté sera, dans le pire, semblable à un placement garanti (mais dans le meilleur, d’un point de vue humain).
Si cette stratégie est aussi rare ou méconnue, est-ce parce que c’est trop beau pour être vrai ? Oui, bien sûr, vous avez tout compris. En effet, il ne suffit pas d’estimer la rentabilité projetée. Il faut aussi se demander si c’est bien l’outil d’investissement le plus approprié pour atteindre vos objectifs. Si vous vous posez la question, il est fort probable que vos parents ont atteint un certain âge. Les primes d’assurance étant notamment basées sur les tables de mortalité, plus vos parents sont âgés, plus la prime sera élevée.
Si, par exemple, la prime annuelle pour une assurance de 250 000 $ sur la vie de votre maman âgée de 65 ans est de 7800 $ par année, n’est-il pas plus sage de se demander s’il s’agit de la meilleure utilisation de ce capital ? Le même budget investi dans des placements enregistrés sera fiscalement plus avantageux. S’il est utilisé pour un REEE, il permettra d’aller chercher des subventions généreuses versées immédiatement. Et si vous avez beaucoup d’emprunts dont les intérêts ne sont pas déductibles, alors n’en parlons même pas !
En résumé, il s’agit d’une stratégie à la fois très sécuritaire (vos parents vont inévitablement mourir un jour !) et spéculative (mais quand ?). De plus, je vous invite à la considérer surtout si vos revenus disponibles sont importants.
J’ajoute aussi cette mise en garde : entre la théorie et la pratique, il y a souvent bien des écarts. Un conseiller en sécurité financière vous guidera sur les éléments à considérer pour déterminer l’intérêt assurable ainsi que les rôles de titulaire et payeur.