Réel engouement électrique?
Renversement de tendance durable ou engouement de circonstance? Les véhicules électriques (VE) connaissent un fort gain de popularité dans les intentions d’achat. Doit-on y voir un premier effet de «destruction de la demande» engendré par la flambée des prix de l’essence?
En 2020, pandémie oblige, les Canadiens en avaient pour le «Budget d’abord» — cette préoccupation concernant 31 % des répondants à un sondage du cabinet EY — puis pour la «Santé d’abord» (26 %), la sensibilité à la planète étant prioritaire pour 16 % des répondants.
Dans l’édition d’octobre 2021 de l’enquête, EY parle d’une attitude ayant évolué de façon décisive, passant d’une orientation vers la santé et la capacité financière individuelles à une orientation vers le bien-être personnel et les impératifs écologiques. La planète est passée au premier rang des priorités, partagées par 26 % des répondants, contre 25 % pour la préoccupation dirigée vers l’abordabilité ou le niveau des prix.
La flambée des prix de l’essence alimentant l’inflation, ce sont désormais 46 % des personnes désirant se procurer une voiture qui regardent du côté des VE, soit un sommet et une hausse de 11 points de pourcentage par rapport à 2021. «Au Canada, il est vrai que l’intérêt pour les VE se situe sous la moyenne mondiale de 52 %, mais il dépasse les intentions d’achat des États-Unis (29 %) et de l’Australie (38 %). Ajoutons cependant que les intentions varient d’une région à l’autre. Les répondants de la Colombie-Britannique (54 %) et du Québec (51 %) ont exprimé le plus d’intérêt [...] tandis que les Prairies ont manifesté le moins d’intérêt à cet égard (25 %)», explique le cabinet EY.
Motivations environnementales?
On se réjouit de voir que les motivations d’ordre environnemental s’intensifient. Si les prix initiaux d’achat demeurent le principal frein pour 38 % des répondants, cette réticence atteignait les 66 % l’an dernier. Et ils sont plus nombreux à dire qu’ils accepteraient de payer davantage. Parmi eux, 80 % confirment être disposés à payer un supplément et près des deux tiers des consommateurs ne verraient pas d’inconvénient à payer jusqu’à 20 % plus cher, lit-on.
Or si 38 % des futurs acheteurs potentiels de VE évoquent le facteur environnemental, 37 % mentionnent l’augmentation des coûts associés aux véhicules à combustion interne, qui n’est pas étrangère à la montée des prix à la pompe. Et malgré les bonnes intentions, l’on mentionne qu’il y a encore beaucoup à faire pour la mise en place des infrastructures de recharge requises. La capacité et la rapidité de recharge, ainsi que les inquiétudes face à l’autonomie des VE, découragent les acheteurs. S’ajoutent les distorsions et perturbations de la chaîne d’approvisionnement, qui multiplient les retards et les pénuries, et les interrogations concernant les matières premières et le volume des batteries.
À l’échelle mondiale, il ressort d’une enquête publiée en mai que plus de la moitié des personnes interrogées (52 %) ayant l’intention d’acheter une voiture déclarent qu’elles iront du côté des véhicules entièrement électriques, hybrides rechargeables ou hybrides. C’est une augmentation de 11 points de pourcentage par rapport à 2021 et de 22 points comparativement à 2020.
Transport collectif, le perdant
Toutefois, la sensibilité à l’environnement ressort moins. Les raisons mentionnées relèvent d’abord de l’augmentation du télétravail et du risque hygiénique, ce qui vient pénaliser le transport collectif et la mobilité partagée. «Si la voiture — en particulier le VE — est la “gagnante” dans l’esprit des consommateurs, les transports en commun sont sûrement les perdants», écrit EY. Les déplacements professionnels en transports en commun ont diminué de 15 % dans le monde par rapport aux niveaux antérieurs à la COVID-19, et c’est une tendance dans les trois grandes régions : Asie-Pacifique, Europe et Amérique du Nord. Les déplacements professionnels en transports en commun ont chuté de 35 % en Australie, de 30 % au Canada et de 29 % en Italie. «Sur les 18 pays de l’enquête, un seul — l’Inde — a signalé une légère augmentation de l’utilisation des transports publics, en hausse de 1%.»
La réglementation aidant, l’EY Mobility Lens Forecaster prévoit que les VE domineront les ventes de tous les autres groupes motopropulseurs d’ici 2033, soit cinq ans plus tôt que prévu, poursuit le cabinet.
Cela dit, dans une perspective canadienne, l’Institut C.D. Howe indiquait en juillet 2021 que 7,7 millions de véhicules à zéro émission devraient être sur les routes en 2030, soit l’équivalent de 30 % du total des véhicules, si Ottawa veut atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES dans le secteur des transports. On en comptait 202 000 en décembre 2020. Selon Statistique Canada, le nombre d’immatriculations de véhicules à émission zéro neufs a atteint un seuil important en 2021 à 85 600, et il représente 5,2 % de toutes les immatriculations de véhicules automobiles neufs.
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