Mes pages favorites de l’année

Aucunes vacances ne sont vraiment réussies sans qu’on en retienne une lecture mémorable. Voici ce qui m’a intéressé ou amusé dans l’année écoulée. Voyez si vous en tirerez autant de plaisir que moi. Je les présente dans le désordre.

Robinson à Pékin (Urban Comics). Excellent récit en bédé de l’installation du seul pigiste francophone en Chine, Éric Meyer, à l’aube des tragiques événements de Tian’anmen. Superbement illustré par Aude Massot, l’album est le premier d’une série. On a hâte aux autres.

Moeurs. De la gauche cannibale à la droite vandale (Lux). Malgré une langue parfois un peu obscure et un pessimisme excessif sur la démocratie, l’indispensable Alain Deneault offre ici une salutaire critique de gauche des dérives du wokisme. À lire avec un expresso bien tassé.

L’horizon des événements (Leméac). Sur le même sujet que Moeurs, mais en fiction. Ceux qui s’attendent à une dénonciation du wokisme à l’université seront enchantés par le début du dernier ouvrage de Biz, mais désenchantés par la fin. Pour le reste, une plume incisive, décapante.

Les mythes de la guerre d’Espagne, 1936-1939 (L’artilleur). Ce livre de Pío Moa, succès de librairie en Espagne et cible d’une violente controverse, offre une relecture étonnante de la guerre civile espagnole et reporte sur la gauche révolutionnaire la responsabilité du conflit, à partir de sources abondantes et, à mon avis, convaincantes.

Vies parallèles (Boréal). Le lecteur indépendantiste sortira troublé de ce récit d’un Québec devenu souverain en perdant son âme. Malgré une intrigue secondaire imparfaite, on passe un bon moment avec un amoureux du Québec, Benoît Côté, qui ne manque pas d’imagination.

L’ère de l’individu tyran. La fin d’un monde commun (Livre de poche). Éric Sadin offre une réflexion essentielle sur les innovations, technologiques et autres, qui poussent à l’individualisme et qui affaiblissent le lien social. Trop univoque, oui, mais très souvent brillant et assez terrifiant.

5060. L’hécatombe dans nos CHSLD (Boréal). Un bijou de journalisme d’enquête, de maîtrise du récit, d’humanisme. Gabrielle Duchaine, Katia Gagnon et Ariane Lacoursière rendent un immense service à notre connaissance du plus grand drame de notre histoire récente. Un livre nettement plus lisible que le rapport de la coroner sur le même sujet ! 

Les quatre mousquetaires de Québec (Septentrion). Pourquoi la Révolution tranquille n’a-t-elle pas eu lieu en 1936, alors que les conditions de son envol étaient réunies ? L’historien québécois au nom évocateur, Alexandre Dumas, raconte l’essor de quatre réformistes issus de la ville de Québec qui ont permis à Maurice Duplessis de prendre le pouvoir, pour les trahir, eux et leurs espoirs, immédiatement. Ne manque qu’un traumavertissement, au début, pour les partisans du cheuf.

La grande débandade (Québec Amérique). Intense, décapant, grivois. Dans ce récit de type politico-polar, l’ami Pierre Tourangeau met en scène un journaliste dégourdi qui hume une intrigue comme l’auteur savait en dénicher lorsqu’il était l’un des journalistes les plus fouineurs au Québec. Très rafraîchissant.

Pétrole. Le déclin est proche (Seuil). Ce petit bouquin informé et clair de Matthieu Auzanneau, écrit avec Hortense Chauvin, explique comment notre sortie du pétrole sera plus rock’n’roll qu’espéré. L’offre baisse, la demande, au mieux, reste stable, donc les coûts vont exploser même si, demain, les canons se taisaient en Ukraine. Une raison de plus de passer au tout électrique.

Guy Rocher. Le sociologue du Québec (Québec Amérique). Comment un seul homme peut-il avoir un impact aussi déterminant sur l’évolution d’une société ? L’apport de Guy Rocher est immense, comme le travail de son biographe, Pierre Duchesne. 

Un libre choix ? Cégeps anglais et étudiants internationaux (Mouvement Québec français). C’est pire que vous ne le pensez. Frédéric Lacroix décortique savamment dans ce petit ouvrage le déclin passé et à venir du français dans les cégeps et les universités et montre comment le Québec a complètement perdu le contrôle de son immigration.

Le Québec. Tournants d’une histoire nationale (Septentrion). Huit moments charnières de l’histoire, démontés avec précision et nuance par l’historien Éric Bédard. De la tabagie de Tadoussac et l’alliance entre Champlain et les Autochtones jusqu’à l’adoption de la loi 101, en passant par les Filles du roi et leurs certificats de bonnes moeurs, on sort de cette lecture mieux outillés contre les clichés et les raccourcis.

Il se voyait déjà ! Aznavour et le Québec (La Presse). On peut aimer Charles Aznavour sans savoir tout ce qu’il doit, et tout ce qu’il a donné, au Québec. Mais lorsqu’on le sait, on l’aime encore davantage. Mario Girard raconte cette histoire avec clarté et compétence. À lire en écoutant le grand Charles.

Les barbares numériques (Écosociété). Alain Saulnier démonte soigneusement l’incurie québécoise et canadienne des dernières années face aux GAFAM et plaide pour une riposte qui devrait s’incarner au Québec par l’exigence d’une véritable « souveraineté culturelle ».

Sauver la ville. Projet Montréal et le défi de transformer une métropole moderne (Écosociété). Beaucoup plus que tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur Projet Montréal, de Richard Bergeron à Valérie Plante, le livre de Daniel Sanger, ex-conseiller (et fan) de Luc Ferrandez, ne manque pas de saveur. Aucun mordu de politique municipale ne devrait s’en passer.

René Lévesque. Quelque chose comme un grand homme (Moelle graphique). Excellent survol de la vie de René Lévesque, cette bédé est très inégale sur le plan graphique, mais offre plusieurs épisodes captivants. Une bonne introduction pour votre ado, une bonne évocation pour vos boomers.

 

jflisee@ledevoir.com ; blogue : jflisee.org

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