Vers des emplois mieux rémunérés
La hausse du salaire horaire moyen ne suit toujours pas le rythme effréné de l’inflation. N’empêche, les travailleurs sont toujours plus nombreux à s’orienter vers des emplois mieux rémunérés.
Il ressort des données de Statistique Canada sur l’emploi publiées vendredi que le salaire horaire moyen en avril a augmenté de 3,3 %, ou de 99 cents (à 31,06 $), sur un an, ce qui représente une croissance semblable à celle de 3,4 % (ou de 1,03 $) observée entre mars 2021 et 2022. À noter que ce salaire horaire moyen se chiffre à 33,14 $ chez les 25 ans et plus, contre 18,71 $ dans le segment des 15-24 ans. Il atteint 33,04 $ pour les hommes, soit 14 % de plus que celui des femmes, qui est de 29,03 $.
Cette parenthèse étant faite, si ces augmentations se collent à la hausse annuelle moyenne de 3,4 % qu’a connue l’indice des prix à la consommation (IPC) en 2021, elles s’inscrivent toutefois en retard par rapport à la poussée de fièvre de l’inflation qui a été observée à la fin de 2021 et qui s’est accélérée au premier trimestre de 2022. En mars, la progression de l’IPC atteignait 6,7 % d’une année à l’autre, une hausse d’un point de pourcentage comparativement au taux de croissance de 5,7 % enregistré en février. Il s’agit de la hausse la plus marquée depuis celle de 6,9 % de janvier 1991, année d’introduction de la taxe sur les produits et services.
Repositionnement des travailleurs
Ce décalage salarial masque toutefois un phénomène : celui du repositionnement de la force de travail qui favorise les emplois mieux rémunérés et que la pandémie est venue accélérer avec, en toile de fond, une remodulation des rapports de force en négociation induite par la pénurie de main-d’œuvre. Statistique Canada relève qu’au début de la pandémie, il y a eu un changement soudain dans la répartition de l’emploi par niveau salarial. Les récents résultats de son Enquête sur la population active indiquent que ce changement dans la répartition des salaires a persisté.
En avril, le nombre d’employés touchant un salaire horaire de moins de 20 $ a diminué de 1,3 million, ou 23,4 %, par rapport à avril 2019. Ce groupe de travailleurs représentait 25,9 % de tous les employés, une baisse par rapport au taux de 35,5 % rapporté trois ans plus tôt. « Les plus récents résultats de l’Enquête sur les postes vacants et les salaires donnent à penser que cette diminution sur trois ans […] est le résultat d’une baisse de l’offre — un moins grand nombre de travailleurs disponibles et disposés à toucher des salaires plus bas —, plutôt que d’une baisse de la demande. » Cette enquête indique que le nombre de postes vacants dans les professions où le salaire horaire moyen est de moins de 20 $ était en hausse de 166 000, ou de 61,4 %, par rapport au premier trimestre de 2019.
À l’opposé, le nombre d’employés gagnant 40 $ ou plus l’heure était en augmentation de 1,2 million, ou de 42,7 %, sur cette même période. Ce groupe représentait 24,5 % des employés, contre 18 % trois ans plus tôt.
Les statistiques sur l’emploi d’avril indiquent aussi que le marché du travail se serait resserré davantage au cours des derniers mois. « En plus des hausses observées dans le travail à temps plein, un aspect de ce resserrement est la baisse de la proportion de travailleurs à temps partiel qui indiquent qu’ils préféreraient travailler à temps plein. Le taux de travail à temps partiel involontaire a diminué pour s’établir à 15,7 % en avril 2022, ce qui représente le plus bas niveau jamais enregistré. » Le taux de travail à temps partiel a été élevé pendant les 18 premiers mois de la pandémie et a atteint un sommet de 26,5 % en août 2020, de nombreux travailleurs éprouvant alors de la difficulté à trouver un emploi à temps plein, lit-on dans Le Quotidien, de Statistique Canada.
Pistes de solution
Statistique Canada a évoqué certaines pistes de solution à ce climat tendu sur le marché de l’emploi. Les postes vacants dans les secteurs des services d’hébergement, de la restauration et du commerce de détail, qui emploient généralement une proportion élevée de jeunes, ont représenté 23,6 % de tous les postes vacants en février. « Dans ce contexte, les jeunes pourraient représenter une source de main-d’œuvre qui pourrait aider à diminuer la tension actuelle sur le marché du travail », suggère l’agence fédérale.
En outre, le Recensement de 2021 rappelle que le Canada fait face à un nombre record de retraites. Il est mesuré que la strate des 55-64 ans représente 21,8 % de la population en âge de travailler. Les statistiques d’avril soulignent que l’activité sur le marché du travail est demeurée stable à 31,6 % chez les femmes et à 43,5 % chez les hommes dans le groupe d’âge des 55 ans et plus. « Le taux d’activité de ce groupe d’âge peut être un facteur clé pour équilibrer l’offre et la demande de main-d’œuvre », est-il mis en exergue.
Reste également la problématique du chômage de longue durée, lequel représente 20,6 % du chômage total en avril, et demeure élevé par rapport à la proportion de 15,6 % observée en février 2020, avant la pandémie. « Au total, 224 000 personnes avaient été continuellement à la recherche d’un emploi ou mises à pied temporairement depuis 27 semaines ou plus en avril 2022. […] Parmi celles-ci, 66,3 % ou 149 000 avaient été au chômage depuis un an ou plus. » Parmi ces chômeurs de longue durée, 27,6 % étaient titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade de niveau supérieur, contre 20,7 % pour les personnes au chômage depuis moins de 27 semaines.