Parler de héros en classe

Comme tout le monde, j’ai appris avec une grande tristesse le décès de Guy Lafleur, un joueur qui nous a donné de grandes joies. Lafleur était quelqu’un d’inspirant, un homme qu’il était facile d’aimer et d’admirer : c’était, sans l’ombre d’un doute, un héros national. À ce titre, il aura dans quelques jours droit à des funérailles nationales — et, on peut le penser, à quelques autres honneurs posthumes.

Au même moment, ou à peu près, un enseignant de l’école Félix-Leclercme confiait que nombre des élèves qui la fréquentent ne savent pas pourquoi leur école porte ce nom. Félix Leclerc, cela ne leur dit absolument rien. Mon interlocuteur ajoutait : « C’est la même chose avec Jean Duceppe, Jean-Baptiste Meilleur et d’autres. Le problème est qu’on ne prend pas le temps de les instruire sur ces sujets. Les cancres, ce ne sont pas nos élèves : c’est nous, qui ne les nourrissons pas en leur transmettant cette culture. »

Il y a certainement un débat à tenir sur tout ça et de quoi alimenter le prochain cours de culture et citoyenneté québécoise — et j’y reviendrai. Mais pour le moment, l’occasion est trop belle pour ne pas parler de la place à faire aux héros en éducation, en classe.

L’idée ne devrait pas vous surprendre. Après tout, nous sommes des animaux conteurs d’histoires. Et avec celles-ci, les héros — et les héroïnes — abondent. On sait cela depuis… avant Homère.

Mais qu’est-ce qu’un héros, une héroïne ?

On a beaucoup étudié ce qui les caractérise, par exemple plus récemment en examinant les personnes qui ont lutté contre l’Holocauste. On trouve chez les héros des choses comme une pensée indépendante, de l’intelligence, un sens du devoir ; ils agissent selon leurs propres principes, au besoin à l’encontre des normes communautaires acceptées ; ils font montre de compassion, d’empathie ; ils sont intolérants à l’égard de l’injustice ; et ils ont une capacité à supporter des risques parfois très grands. Sur le terrain intellectuel, les héros ont ce qu’il faut bien appeler du génie.

En faisant connaître des héros et des héroïnes aux enfants, on espère qu’ils découvriront ces valeurs et, par effet d’émulation, s’en inspireront. Cela — qui sait ? — pourrait favoriser leur engagement envers autrui, les inciter à se soucier des autres, plus jeunes ou plus âgés, moins fortunés, et pas seulement des membres de leur famille. Cela pourrait même changer une vie et conduire à un choix de carrière. Une phrase de Maya Angelou m’a toujours plu : « Un héros incite les gens à voir le bien en eux et à le faire grandir. »

Des idées pour la classe

 

La littérature est bien entendu un vaste réservoir de héros imaginés capables de produire de puissants effets. Les lecteurs d’Homère l’ont toujours su…

En voici un exemple. Ce qui est l’équivalent du prix Nobel en économie a été décerné à Paul Krugman en 2008. Celui-ci raconta souvent que c’est la lecture de la trilogie Fondation d’Isaac Asimov qui avait inspiré son choix de carrière : « J’ai grandi en voulant être Hari Seldon, dira-t-il, et en utilisant ma connaissance des mathématiques du comportement humain pour sauver la civilisation. »

Mais la littérature est aussi le lieu où conter des vies réelles et inspirantes, comme celle de Félix justement. Le sport l’est aussi, bien entendu, et des histoires comme celle de Guy Lafleur y ont leur place. Dans ce domaine, il me semble que héros et héroïnes y prennent mieux leur juste part de lumière et jouent leur rôle.

L’histoire est elle aussi un lieu privilégié pour raconter des vies inspirantes. Il y aura certes des débats à tenir sur les figures à retenir et je ne m’engage pas là-dedans ici.

Je veux plutôt m’attarder à ces domaines où notre nature de conteurs d’histoires — et notre grand attrait pour celles-ci — est peut-être moins mise à contribution, mais pourrait l’être : les sciences, les mathématiques.

En physique, raconter les vies de Galilée, d’Einstein et de tant d’autres se justifie sans mal et peut inspirer des jeunes : pensez à la lutte menée par le premier — et à un grand coût personnel — pour la vérité et contre les préjugés religieux ; pensez aux idéaux pacifistes du deuxième et à tout ce qu’il a fait sur le plan politique.

L’histoire de Rosalind Franklin (1920-1958) et le fait qu’on a trop longtemps occulté son rôle de premier plan dans la découverte de l’ADN sont une belle occasion de parler du sexisme en science.

Il arrive aussi que le travail de ces femmes soit reconnu, et c’est tant mieux. Pensez à la mathématicienne Katherine Johnson (1918-2020) et à l’important travail qu’elle a accompli pour la NASA. Succès garanti pour qui raconte cette belle histoire en classe, qui pourrait en inspirer plus d’une.

Il y a justement, en mathématiques, bien de belles et inspirantes histoires de vie à raconter. L’héroïsme y prend parfois la forme du génie et il arrive que ce qui est accompli puisse être conté comme une histoire et être compris et apprécié par les plus jeunes. Prenez par exemple ce tout jeune Johann Carl Friedrich Gauss (1777-1855), mathématicien de génie.

On raconte qu’en classe, le maître, qui voulait avoir la paix un moment, demanda à ses jeunes élèves d’additionner les nombres de 1 à 100. Longue et fastidieuse tâche. Mais Gauss donna presque instantanément la bonne réponse. Il avait trouvé une manière originale de simplifier ce calcul.

En les guidant un peu, on pourrait retrouver avec nos élèves la façon dont il avait bien pu s’y prendre.

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