Des chiens robots pour garder les frontières

Spot, le chien robotisé de Boston Dynamics, fait sensation au Mobile World Congress (MWC). Sur le stand d’IBM, il divertit les passants avec ses pirouettes mécanisées. De quoi oublier qu’une des premières véritables applications de cette technologie sera la surveillance. Grâce aux réseaux 5G de prochaine génération.

Les robots n’en sont pas à leur première apparition au MWC. En 2018 et 2019, ils permettaient d’illustrer tous les bénéfices des réseaux 5G qui, trois ans plus tard, sont encore à venir. Plus exactement : la quasi-absence de « latence » dans la transmission des informations sur ces réseaux sans fil, et la possibilité d’intégrer des superordinateurs à même les antennes.

La latence est ce court laps de temps que prend l’information à transiter d’un point à l’autre d’un réseau. La 5G dans sa version optimale promet une latence de moins de 10 millisecondes. Honnêtement, on serait heureux avec une latence de 50 ou 100 millisecondes. À titre indicatif, il faut compter environ 400 millisecondes pour cligner d’un œil.

Plus ce délai est court, plus il permettra de mettre en marché des applications de robotique et de systèmes autonomes. Il suffira d’une poignée de superviseurs réunis dans une salle de contrôle pour garder l’œil et corriger au besoin les actions de centaines de robots déployés sur un territoire qui pourrait faire plusieurs centaines de kilomètres carrés.

Robot-surveillance

 

On voit une nouvelle génération de robots sur le plancher de l’édition 2022 du MWC. Outre Spot, on peut aussi croiser le CyberDog de la société chinoise Xiaomi, un autre meilleur ami robotisé de l’homme qui promet de donner la patte et de faire le beau. D’autres entreprises, plus obscures et pas nécessairement présentes à Barcelone, développent leur propre cyberchien, elles aussi. Un fabricant appelé Ghost Robotics a mis au point un robot-chien utilisé par l’armée américaine en Floride, notamment.

À l’heure actuelle, le département américain de la Défense finance de jeunes sociétés de robotique travaillant sur leur propre version d’un chien robot, qui assurera la surveillance des bases militaires américaines. La frontière séparant les États-Unis du Mexique est évidemment la prochaine étape logique pour l’Oncle Sam, dont une partie de la population rêve toujours de voir un mur de quelques milliers de kilomètres endiguer l’immigration en provenance du sud.

Déjà, ces chiens robots peuvent parcourir une dizaine de kilomètres en près de trois heures. Ils ont ensuite besoin de trouver une « niche » où recharger leurs batteries. Ils peuvent se déplacer d’un point A à un point B de façon relativement autonome. S’ils sont confrontés à une situation jugée anormale, ils envoient un signal vidéo, qu’un contrôleur humain visionnera. Ce sera à cet humain de résoudre le problème.

C’est ce qu’assurent les promoteurs de cette technologie, qui lèvent les yeux au ciel quand on leur fait part des questions éthiques associées à l’utilisation de robots dans la télésurveillance. On a sans doute trop vu de films et de séries télévisées à la sauce post-apocalyptique, font-ils valoir.

Informatique de périphérie

 

Il peut sembler contradictoire, alors, de voir IBM et Boston Dynamics laisser errer sur leur stand un chien robotisé animé par une autre technologie, qui, elle, promet de rendre les systèmes informatiques encore plus autonomes. Il s’agit de l’informatique de périphérie, une expression qui rebutera les gens moins férus de technologie, mais qui aura probablement tout un impact sur le quotidien malgré cela quand elle sera en service, au courant de la prochaine décennie.

Ce qu’on appelle l’edge computing en anglais est un croisement entre la téléphonie cellulaire et l’infonuagique. Sauf que les serveurs ne sont pas stockés par milliers dans un énorme centre de données quelque part en Virginie ou au Texas. Ils sont installés directement sur les antennes du réseau 5G.

La promesse de cette infrastructure est d’apporter la puissance d’un supercalculateur le plus près possible des utilisateurs et du public. Ce sera, promet-on, comme avoir une intelligence artificielle (IA) dans sa poche en tout temps.

Pour les géants de l’infrastructure informatique d’affaires comme IBM, ce sera la prochaine grande évolution du modèle d’affaires. IBM, qui tarde à rattraper dans l’infonuagique ses rivaux que sont Amazon, Microsoft et Google, mise sur son arrivée le plus tôt possible dans la 5G pour reprendre du terrain perdu.

Cette IA à la demande rendra les voitures autonomes plus intelligentes. Elle améliorera de nombreuses applications interactives, comme le jeu vidéo et le fameux métavers.

Et, oui, elle facilitera la prise de décisions automatisée de certains robots. Il est possible, sinon presque assuré étant donné la proximité qui se développe entre IBM et Boston Dynamics (qui appartient désormais à la société coréenne Hyundai), que ces robots soient des quadrupèdes et qu’ils soient utilisés pour remplacer les agents de sécurité un peu partout, dans les usines, sur les campus, dans les centres commerciaux… et, on l’imagine facilement, à proximité de certaines frontières.

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.

  

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