Ça n'a rien à voir avec le sport, mais vous allez probablement me dire que c'est tant mieux, aussi vous citerai-je en guise d'apéritif cet extrait d'une petite dépêche publiée il y a deux jours dans un recoin de page de journal. Il faut toujours lire les recoins de page, c'est là que la vie se passe, tout comme c'est dans les coins que se ramasse la poussière. Car même s'il s'agite et s'illusionne en pondant des manchettes ronflantes, l'humain, n'est-ce pas, il était poussière et il retournera poussière et il est loin d'être certain qu'il soit grand-chose d'autre entre les deux.

Bref, la dépêche en question disait: «Les États-Unis se sont félicités hier du vote par le Parlement turc de plusieurs réformes, dont l'abolition de la peine capitale, une mesure qui doit favoriser sa future adhésion à l'Union européenne. "Nous saluons les efforts du Parlement turc qui a approuvé l'abolition de la peine de mort (sauf en temps de guerre)", a déclaré le porte-parole adjoint du département d'État, Philip Reeker.» Etc.

N'eus-je été l'un de ces foutus cyniques qui polluent tant les médias avec leur respect de rien, je me serais exclamé tout de go: non mais est-ce que ça prend tu des moyens baveux. 3700 «patients» dans les couloirs de la mort aux United States of America Home of the Brave Land of the Free. 34 exécutions depuis le début de 2002. Bravo les Turcs, vous venez de faire un pas vers la civilisation que nous incarnons, mais juste quand ça nous tente.

Aucun lien avec le sport? Ah, mais ce serait oublier un peu vite que toute est dans toute, et vice-versa dans les deux sens. Surtout quand il est question des USA et de ces sympathiques sabots qu'ils déposent si délicatement à travers le vaste monde.

Prenons un exemple au hasard: l'arrestation de l'ami Alimzhan Tokhtakhounov. (En passant, puisqu'il semble par le courrier électrique reçu que vous vous délectez toujours autant des anagrammes, je soulignerai qu'avec celle du patronyme de la patineuse Marina Anissina, la firme Ricard pourrait se taper une campagne de pub de tous les diables, sain anis, alors que M. Fontaine que je salue signale qu'il s'agit en outre d'un palindrome, mot ou groupe de mots qui peut être lu indifféremment de gauche à droite, de droite à gauche, de haut en bas, de bas en haut, en diagonale et même en boisson.

Du reste, quant à l'interrogation évoquée ici même mardi, à savoir où peut bien se trouver cette fripouille de ben Laden, M. Fontaine a poussé le palindrome si loin que j'en fus soufflé et ne peux que vous faire participer au plaisir: «Carte: d'ici, U. Sam assomma militari. Veut islamiste: erre? terré? et si mal situé! Vira-t-il imam, M. Ossama?... Suicide? Trac?» Alors là, chapeau.)

Oui, donc, l'arrestation de Tokhtakhounov. D'où est venue la conférence de presse l'annonçant et exigeant une extradition? En plein cela: de New York. Remarquez que ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, de pouvoir compter sur un État de droit juste et puissant qui coince les coquins où qu'ils se cachent et fait régner l'ordre, la paix, le bonheur, la richesse collective et une saine alimentation d'un bout à l'autre de l'univers — même si l'univers n'a pas de bout, ou du moins pas de bout connu, ou du moins pas de bout bien connu des policiers —, mais bon.

Or voici que le comité olympique américain (USOC) vient de demander l'ouverture d'une enquête sur les résultats des épreuves de taekwondo disputées aux Jeux de Sydney. Bien sûr, si comme moi vous êtes des aficionados du taekwondo et avez regardé dans leur intégralité, nuitamment, les compétitions de Sydney, vous avez bien vu qu'il s'y tramait des choses louches et que bien des jambettes et aux autres prises du pyjama par le collet n'étaient pas casher casher, mais l'USOC a plutôt pris prétexte d'une déclaration récente pour allumer le grelot, comme qu'on dit.

Cette déclaration est celle faite par l'ancien v.-p. de la fédé internationale de taekwondo, Lee Chong-woo, qui a affirmé au magazine sud-coréen Shindonga (tarif d'abonnement imbattable) avoir manipulé des juges et arbitres afin que soient favorisés les participants de la Corée du Sud aux épreuves. Ceux-ci ont remporté trois médailles d'or et une d'argent.

Ceci pour dire qu'il ne serait pas inintéressant qu'après avoir accusé tout le monde de toutes sortes d'affaires, des responsables du sport américain se lèvent pour dire que les USA sont aussi tricheurs que les autres mais qu'ils ont de meilleurs moyens de le cacher, et qu'on en a plein le casque, celui-là même qu'ils jouaient avec pas quand il y avait juste six équipes, de les entendre. C'est pas moi qui le dis, c'est Frank Deford, le doyen des reporters de Sports Illustrated, bon, mais j'ai eu l'idée avant lui, je vous jure.

À ce sujet, je ne peux que vous inciter à veiller à la graine parce que l'ancien directeur du contrôle du dopage auprès de la fédération US d'athlétisme, dont j'oublie le nom bondance (trop lu de palindromes en boisson) et qui affirme avoir été viré parce qu'il est Noir, a promis de vider des caisses et de déballer bien des trucs juteux, avec des noms de médaillés olympiques et tout ça. Évidemment, la fédé se promet de tout bloquer en recourant aux tribunaux, mais juste l'idée de s'amuser n'est-elle pas déjà amusante?

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Vous ne savez que faire de votre argent? Contribuez à la cause de la semaine. La fille aînée du grand baseballeur Ted Williams, Bobby-Jo, a mis sur pied une fondation afin de financer la bataille judiciaire qu'elle mène contre son demi-frère, John Henry, qui veut faire congeler le corps de papa décédé le mois dernier à l'âge de 83 ans afin de le faire revivre un de ces quatre ou de transmettre de l'ADN de frappeur de ,400. Objectif de la fondation: décongeler (puis incinérer) le corps qui est congelé en attendant de savoir s'il restera congelé ou sera décongelé. Envoyez vos dons à The Ted Williams Last Wish Fund, P.O. Box 391441, Cambridge MA, 02139.

Si la bêtise était déductible d'impôts, messieurs dames, j'en connais qui seraient colossalement riches.

jdion@ledevoir.com