Mes adieux au «Devoir»

J’écris aujourd’hui ma dernière chronique pour Le Devoir. Le cœur gros, évidemment.

Ce fut à la fois un énorme défi et un grand privilège d’occuper cet espace pendant plus de neuf ans. Ce n’est pas évident de lancer une bouteille à la mer toutes les semaines, de trouver une idée fertile, une chose qui n’a pas encore été dite ou, si elle a été dite, pas encore développée de cette façon. La chronique est un exercice solitaire et périlleux, qui porte un risque constant d’inexactitude.

Le défi, pour moi, a toujours été d’ouvrir ailleurs, de remettre en question les silences comme les tabous, de dire tout haut ce que d’autres pensaient tout bas. Je suis devenue journaliste il y a 40 ans en réaction justement à la « ligne juste », claironnée à l’époque par les marxistes-léninistes, reprise depuis par tous ceux et celles qui croient détenir la vérité.

Je ne crois pas beaucoup à LA vérité. Je crois davantage au débat. Le bon journalisme, dit-on, vise « la meilleure version accessible de la vérité ». C’est le mieux qu’on puisse faire. Mais, pour y arriver, il faut mettre toutes les cartes sur la table, examiner tous les éléments de preuve. Je crois que c’est ce que la démocratie, et les médias qui la soutiennent, ont de mieux à offrir : l’échange vigoureux d’idées, qui, par définition, nous donne un choix et nous rend plus libres. Personne n’est alors obligé de penser la même chose.

Le privilège, pour moi, a été d’évoluer au sein d’une entreprise hautement respectée dont la mission première a toujours été la circulation des idées et l’ouverture au débat. Le Devoir et moi étions nés pour nous connaître. Le mariage a été consommé et riche aussi en enseignements. Je remercie tous ceux et celles qui ont eu le goût de me lire, la patience de me corriger, la bienveillance de m’encourager.

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