L’imprévisible destin

On comprend pourquoi le premier ministre Legault avait si hâte de présenter sa candidate à l’élection partielle dans Marie-Victorin. Infirmière, syndicaliste, noire, Shirley Dorismond coche toutes les cases.

Par la force des choses, cette élection va prendre les allures d’un référendum sur la gestion de la pandémie par le gouvernement Legault. Les partis d’opposition ne devaient cependant pas s’attendre à ce qu’une ancienne vice-présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) se charge de la défendre.

On peut penser que M. Legault préférera attendre que l’allègement des mesures sanitaires ait commencé à adoucir l’humeur des électeurs avant de les convoquer aux urnes, mais il est clair que le dossier de la santé va demeurer au centre des préoccupations.

Mme Dorismond, qui connaît bien le terrain, pourrait également apporter une caution non négligeable au plan de « refondation » que présentera sous peu le ministre Christian Dubé, notamment auprès des employés du réseau, dont la participation est essentielle à toute réfection, mais qui demeurent sceptiques.

En octobre dernier, quand elle-même accusait le gouvernement de manquer de respect envers les travailleurs de la santé et d’être « complice d’une violence organisationnelle », elle ne se voyait sans doute pas porter les couleurs de la Coalition avenir Québec (CAQ), mais le parcours du premier ministre lui-même démontre que la politique peut entraîner des changements de cap spectaculaires et mener vers un destin imprévu.

Le syndicalisme est aussi une forme de politique qui exige un certain pragmatisme. Mme Dorismond n’est pas la seule à être arrivée à la conclusion que le débat sur la reconnaissance du racisme systémique était devenu contre-productif et que le plus important était de passer à l’action.

  

Depuis que la victoire de Geneviève Guilbault dans Louis-Hébert, le 2 octobre 2017, a ouvert la voie à l’arrivée au pouvoir de la CAQ, on tend à accorder à une élection partielle une importance que l’expérience ne justifie pas nécessairement. Le fameux « message » que les électeurs décident d’envoyer au gouvernement n’a pas toujours été aussi prophétique.

À huit mois des élections générales, il est cependant inévitable que les partis, les médias et l’ensemble de la population y voient une sorte de sondage qui déterminera la suite des choses.

Le Parti québécois (PQ) est indéniablement celui qui joue le plus gros. Marie-Victorin est péquiste depuis 1976, même si Catherine Fournier l’a emporté avec seulement 705 voix de majorité en 2018. Il aurait été difficile de trouver un meilleur candidat que Pierre Nantel. Une défaite annoncerait le pire, surtout s’il devait terminer derrière la candidate de Québec solidaire (QS), Shophika Vaithyanathasarma.

À l’inverse, le Parti libéral du Québec (PLQ), qui avait terminé en quatrième place avec 15 % des voix en 2018, n’a pas grand-chose à perdre, sinon finir cinquième. Sa candidate, Émilie Nollet, n’a aucune notoriété. Si Dominique Anglade réussit à faire une bonne prise dans la curieuse chasse aux candidats lancée sur Internet, ce n’est sûrement pas là qu’elle va se présenter.

  

La campagne dans Marie-Victorin va se dérouler sur fond de débat sur la taxe que le gouvernement Legault veut imposer aux non-vaccinés. Cela donnera un aperçu de l’appui que le Parti conservateur du Québec (PCQ) d’Éric Duhaime pourrait recueillir à l’extérieur de la région de Québec.

Sa candidate, la comédienne Anne Casabonne, est bien connue, et sa vidéo dans laquelle elle qualifie le vaccin contre la COVID-19 de « grosse marde », bien qu’elle refuse de dire si cette substance lui a été injectée, pose le débat dans des termes on ne peut plus clairs.

Le sondeur Jean-Marc Léger a présenté d’intéressantes statistiques sur le vote des non-vaccinés sur son compte Twitter. Sans surprise, 56 % d’entre eux prévoient voter pour le PCQ, mais QS arrive deuxième (13 %), suivi du PQ (12 %). La CAQ et le PLQ sont à égalité avec 5 %.

Dans les « restants politiques » de l’émission de fin d’année d’Infoman, on peut entendre Éric Duhaime affirmer le plus sérieusement du monde que son parti pourrait présenter d’anciens candidats de QS aux élections générales. Gabriel Nadeau-Dubois a immédiatement écarté cette possibilité, mais il est vrai que la pandémie a provoqué de curieux rapprochements.

Dans une récente chronique, la collègue de La Presse Isabelle Hachey faisait état des recherches sur les milieux complotistes menées par une professeure de l’Université de Sherbrooke, Marie-Ève Carignan, qui a constaté une étonnante convergence entre des groupes d’extrême droite et une partie de l’industrie des médecines douces, qui se fédèrent autour de la contestation des mesures sanitaires.

Après tout, si une infirmière syndicaliste peut se retrouver à la CAQ, un(e) ex-solidaire pourrait bien aboutir au PCQ !

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