Préoccupée par l’inflation
Regardant l’évolution du marché du travail du coin de l’œil, la Banque du Canada met désormais plus l’accent, dans son message, sur l’inflation. Elle continue aussi à préparer le terrain à une hausse sans cesse devancée de son taux directeur.
L’inflation préoccupe la Banque du Canada. D’ailleurs, la déclaration préliminaire du gouverneur, Tiff Macklem, avant la conférence de presse de mercredi, ne contenait plus la référence à des facteurs transitoires. Tout au plus, la banque centrale dit toujours s’attendre « à une baisse graduelle de l’inflation, [laquelle] devrait rester plus élevée pendant plus longtemps que nous l’escomptions en juillet ».
On souligne que de nouvelles complications ne cessent de surgir et que les principales forces propulsant la montée les prix, soit la flambée des prix de l’énergie et les goulets d’étranglement restreignant l’offre, « semblent maintenant plus puissantes et persistantes qu’on le pensait ». Il en va ainsi des excédents de capacités. « On suppose qu’il y a probablement moins d’offre excédentaire dans l’économie que nous l’anticipions. »
La Banque du Canada laisse donc transpirer un déplacement de ses préoccupations. En emploi, elle fait ressortir la forte création de postes ces derniers mois au rythme de l’élimination des mesures de confinement, quoique la récupération demeure plus lente parmi les emplois faiblement rémunérés. Quant à la pénurie de main-d’œuvre, le gouverneur constate une inadéquation entre les chômeurs et les postes à combler. Il reste pourtant des capacités excédentaires sur le marché du travail, précise-t-il. En outre, « beaucoup de personnes ne travaillent pas autant d’heures qu’elles le voudraient, et le grand nombre de personnes au chômage depuis plus de six mois demeure préoccupant ». Or, même si le taux de chômage est encore bien plus élevé qu’avant la pandémie, le nombre de postes vacants a monté en flèche, « ce qui est inhabituel ».
Tiff Macklem revient toutefois sur ces perturbations persistantes de l’approvisionnement, sur les pressions connexes qui influencent les coûts et sur la poussée de fièvre des prix de l’énergie. « Nous savons que les hausses de prix ne sont pas faciles pour les Canadiens, qui ont plus de mal à payer leurs factures. Je veux vous assurer que l’inflation ne restera pas aussi élevée qu’aujourd’hui, même s’il faudra un peu plus de temps pour qu’elle redescende. La Banque du Canada s’engage à faire en sorte que les hausses de prix n’aient pas, en fin de compte, une influence durable sur l’inflation », promet-il.
Pour l’heure, les attentes inflationnistes à moyen et à long terme demeurent bien ancrées à la cible de 2 %. Les pressions globales sur les salaires restent également modérées, nombre d’analystes associant à un effet de marché les pressions haussières sur les salaires alimentées par les pénuries sectorielles. Si un « désancrage » et une spirale salaire-prix ne composent pas le scénario dominant, le gouverneur prend toutefois soin de souligner qu’« à mesure que les effets de ces forces se font sentir, il est de notre responsabilité de ramener l’inflation à la cible, et je peux vous assurer que c’est ce que nous ferons ».
Déjà, la fin du programme d’assouplissement quantitatif décrétée mercredi n’est pas sans alimenter des pressions haussières sur les taux d’intérêt de plus long terme. La Banque du Canada lance aussi le message d’une hausse plus hâtive de son taux directeur. L’économie ne devrait pas résorber ses excédents de capacité avant 2023, disait-elle en début d’année, pour ensuite évoquer la deuxième moitié de 2022. Selon la projection actuelle, cela se produirait au deuxième ou au troisième trimestre de 2022, soit plus tôt que prévu en juillet. Possiblement dès avril, pensent les économistes de la Banque Nationale.
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