Le secteur aérien se souvient
Présentement paralysée par la crise sanitaire, l’aviation civile n’a pas oublié pour autant la douleur du choc des attentats du 11 septembre 2001. En moyenne, les compagnies aériennes ont dû attendre jusqu’en 2004 avant de retrouver leur niveau d’activité de fin 2000. Aujourd’hui, le secteur aérien entame une reprise progressive de son activité et, selon les prévisions de l’Association du transport aérien international (mieux connue sous son acronyme anglais IATA), le trafic aérien mondial ne retrouvera pas son niveau d’avant-crise avant 2023.
Le 10 septembre 2001, les aéroports américains géraient 38 047 vols commerciaux ; le 12 septembre, on en dénombrait 252 sur les radars, selon les données du Bureau of Transportation Statistics. Le flot de circulation revenait à 34 743 vols commerciaux une semaine plus tard. Le choc économique de ces tristes événements sur cette industrie a été brusque, sous le coup de la fermeture soudaine de l’espace aérien et des craintes subséquentes des passagers.
Globalement, pour l’industrie mondiale, les revenus ont reculé de 6 % en 2001 par rapport à 2000, doublant le repli des passagers-kilomètres payants. Dans l’intervalle, les compagnies sont passées d’un profit de 3,7 milliards en 2000 à une perte de 13 milliards l’année suivante, plus de 60 % ressortant des états financiers des transporteurs américains. Et elles ont dû conjuguer avec le désistement des compagnies d’assurance, ces attentats ayant été associés à un acte de guerre.
Au Canada, où l’espace aérien a été fermé complètement ou partiellement pendant quatre jours, les répercussions économiques de ces attentats ont forcé Air Canada à réduire ses activités de 20 % et ses effectifs de 30 %, clouant au sol le tiers de sa flotte. Chez Transat, l’activité a été abaissée de 30 % et les effectifs, de 25 %.
L’onde de choc a été suivie de menaces ou d’actions terroristes plus ciblées ou individuelles visant l’industrie de l’aviation, pour déborder sur une année 2003 dominée par les enjeux découlant de l’urgence sanitaire du SRAS et de la crainte de représailles terroristes à l’intervention militaire des États-Unis en Irak. Dans l’ensemble, les compagnies aériennes n’ont retrouvé qu’en 2004 leur niveau de revenu et de trafic passagers de fin 2000, mais les pertes se sont poursuivies en 2005 pour totaliser 41,5 milliards en cinq ans, souligne l’IATA.
Comme une goutte d’eau
Dès l’année suivant les attentats, les analystes ont toutefois constaté que leurs répercussions économiques étaient mineures à l’échelle de la planète.
L’illustration est venue de l’Américain Robert Solow, Prix Nobel d’économie, qui joignait sa voix au consensus : « Sur le plan mondial, les attentats du 11 Septembre à New York n’ont pas représenté un événement économique majeur. » Il s’agissait d’événements majeurs sur les plans moral et politique, mais pas sur le PIB, a-t-il alors illustré. « Tous les ans, nous avons en Floride des ouragans qui ont des effets plus importants », avait-il ajouté, tout en reconnaissant que ces attentats n’ont pas été sans avoir une incidence sur les industries du tourisme et du transport aérien.
D’ailleurs, si les attentats de 2001 avaient alors officialisé l’entrée des États-Unis en récession, l’économie américaine était affaiblie bien avant : dans sa définition la plus large, la récession aurait débuté en mars 2001.
Aujourd’hui, 20 ans plus tard, dans le contexte de la COVID-19, la violence de ce choc ressemble à une goutte d’eau en comparaison des conséquences économiques de la pandémie sur l’industrie aérienne.
Quelque 18 mois après l’application de mesures fermant les frontières ou restreignant les déplacements, « le trafic international reste à un quart des niveaux d’avant-crise », déclare l’IATA. Sur la période 2019-2020, la chute des revenus dépasse les 55 %, et les 65 % pour le revenu par passager-kilomètre. Pour leur part, les pertes cumulées frôlent les 153 milliards de dollars. Elles sont 12,5 fois plus élevées qu’en 2000-2001 et 3,7 fois plus élevées que celles encaissées lors de la crise financière de 2008-2009.
Sécurité renforcée
Les « leçons » du 11 Septembre pour la sécurité du transport aérien sont toutefois indéniables.
Accès restreint au poste de pilotage, règlements sur les objets en cabine, inspection systématique des bagages, scanneur corporel… Deux décennies après les pires attentats jamais commis sur le sol américain, « nous vivons toujours avec leurs conséquences, dont un dispositif de sécurité et de renseignement très étendu », résume le directeur général de l’IATA, Willie Walsh, dans un texte de l’Agence France-Presse.
Avec la pandémie, la vaccination aidant, on voit se dégager la venue de politiques sur les voyages internationaux calibrées selon les risques. D’autant qu’avec une COVID-19 en voie de devenir endémique pour quelques années encore, « les gouvernements et l’industrie doivent collaborer pour rétablir la connectivité mondiale tout en gérant les risques », défend l’IATA.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.