Tristes nouveautés

La nouvelle flambée de violence entre Israéliens et Palestiniens charrie une désespérante impression de « déjà vu », d’un retour incessant de l’identique. Les roquettes du Hamas reviennent en scène…

Comme en 2014, les bombardements de l’armée israélienne démontrent un contrôle total de l’espace aérien, terrestre et maritime qui encercle jusqu’à l’asphyxie l’enclave de Gaza, réduite à la survie sous perfusion en temps de paix, et à une « guérilla des roquettes » en temps de guerre.

L’affrontement en cours n’a rien d’une « guerre » classique, tant les forces en présence sont inégales. Cette asymétrie béante se reflète, entre autres, dans le bilan des morts violentes : environ 200 contre 10 depuis une semaine ; quelque 2000 contre 75 à l’été 2014… Encore là, on se répète.

Au chapitre des constantes : la colonisation continue de la Cisjordanie occupée et les expulsions à Jérusalem-Est. Avec un énième épisode qui, en ce mois d’avril, a mis de nouveau le feu aux poudres. On pourrait ajouter la litanie des déplorations et des exhortations de la supposée « communauté internationale », toujours pareille, toujours aussi inutile.

Pour autant, le drame actuel met en relief un certain nombre d’éléments inédits :

Une grave crise du leadership politique de part et d’autre. Dans les années 1990, il y avait des chefs qui, comme Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, représentaient leur peuple, comptaient une majorité derrière eux, et incarnaient à la fois un esprit de compromis et l’espoir d’une paix durable. Sans oublier que l’ennemi était malgré tout considéré comme humain, avec des aspirations légitimes. Aujourd’hui, tout cela a disparu.

L’« Autorité » palestinienne sombre dans l’insignifiance. Elle n’a pas organisé d’élections en 15 ans. Sa collaboration avec l’État d’Israël l’a discréditée auprès d’une bonne partie des Palestiniens. Le véritable acteur du moment est le parti-guérilla Hamas, intégriste musulman, catégorisé « terroriste » en Occident, qui prétend poser en leader de tous les Palestiniens, de Gaza, de Cisjordanie, des pays environnants… et de l’intérieur même d’Israël : ces 20 % d’Israéliens qui sont arabes, et se trouvent aujourd’hui tentés d’entrer en scène.

Malgré une invariable domination militaire, le leadership politique à Jérusalem est également en crise grave. Benjamin Nétanyahou s’accroche au pouvoir malgré des procès pour corruption. La démocratie israélienne est impuissante à accoucher d’une majorité de gouvernement après quatre élections en moins de deux ans. Cet effondrement du politique a ouvert un boulevard aux extrémistes. Les Palestiniens sont représentés par le Hamas. Et en Israël, le pays penche de plus en plus vers l’extrême droite, Nétanyahou ayant permis aux suprémacistes juifs d’occuper un maximum d’espace.

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Le développement d’un « front intérieur » en Israël. La crise de l’été 2014 avait été terrible, mais se déroulait d’une façon relativement indépendante des autres fronts, qui restaient dormants pendant cette « guerre ». Cette fois, Gaza affronte Israël alors même que se déroulent la nouvelle crise des expulsions à Jérusalem, les manifestations en Cisjordanie (réprimées violemment)… et des rixes inédites entre Juifs et Arabes, en Israël même !

Plus que les roquettes du Hamas, c’est l’éclosion d’un « front intérieur » qui apparaît aujourd’hui comme la plus menaçante pour la cohésion d’Israël. Les Arabes israéliens — à Lod, Saint-Jean d’Acre, Jaffa — n’avaient pas généralement tendance à être très militants pour les « frères palestiniens » lorsque d’autres fronts s’allumaient. Cette fois, aiguillonnés par les images de Gaza, mais aussi par les extrémistes juifs violents qui ratissent certaines rues, ils embarquent dans le mouvement…

La marginalisation des Palestiniens à l’international. La « cause » palestinienne n’est plus aujourd’hui primordiale pour les autres États arabes, ou dans la constellation diplomatique mondiale.

Il y a vingt ou trente ans, la question israélo-palestinienne était une priorité, toujours sur le podium des sujets importantissimes. Aujourd’hui, quinze ou vingt autres crises passeront aisément devant, d’un point de vue médiatique ou diplomatique. Sans oublier la « trahison » d’États comme Bahreïn, les Émirats arabes ou le Maroc, qui normalisent leurs relations avec Israël, faisant passer les bonnes affaires avant les « vieilles causes perdues ».

Oui, du nouveau, mais pas nécessairement pour le meilleur…

François Brousseau est chroniqueur d’affaires internationales à Ici Radio-Canada.



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