Des plans de relance vert pâle

Si les gouvernements apportent de l’aide et du soutien à la relance, dans les projets mis sur la table à la fin de 2020, l’investissement vert ne compte que pour 18 % des sommes engagées. Or, il y a crise climatique et le temps presse, avertit une énième fois l’Organisation des Nations unies (ONU).

L’arrivée du tandem Joe Biden-Kamala Harris à la tête des États-Unis alimente l’espoir. Il est attendu du Sommet des dirigeants sur le climat  organisé jeudi et vendredi par le président américain, prévoyant la participation virtuelle d’une quarantaine de dirigeants mondiaux, qu’il vienne imposer le leadership politique, galvanisant les efforts déployés par les principales économies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et atteindre les objectifs minimalistes de l’Accord de Paris. Il est espéré ensuite de la COP26 de novembre qu’elle sera l’occasion de confirmer que l’action concrète aura finalement succédé aux paroles et autres engagements de façade.

Le temps presse, rappelait encore lundi le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. « Nous sommes au bord du précipice. » Les pays « doivent agir maintenant », a-t-il mis en garde tout en déposant le rapport annuel de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans lequel on lit notamment que 2020 a été l’une des trois plus chaudes jamais enregistrées. Et qu’il y a eu augmentation des concentrations des principaux GES malgré la pandémie, le télétravail et la mise en pause de pans complets de l’économie. « Le ralentissement économique lié à la pandémie n’a réussi à freiner ni les moteurs ni l’intensification des effets du changement climatique », souligne le rapport.

L’OMM insiste. « Ce rapport montre que nous n’avons pas de temps à perdre. Le climat est en train de changer et ses répercussions sont déjà trop coûteuses pour les populations et la planète. L’année 2021 est celle de l’action. Les pays doivent s’engager à parvenir à des émissions nettes égales à zéro d’ici à 2050. Ils doivent présenter, bien avant la COP26, qui se tiendra à Glasgow, d’ambitieux plans nationaux sur le climat qui permettront ensemble, d’ici à 2030, de réduire de 45 % les émissions mondiales par rapport au niveau de 2010. »

Peu d’investissements verts

Or, le fossé séparant l’ambition recherchée et l’engagement réel dans l’action demeure énorme. Une analyse menée par Oxford Economics et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), publiée le 10 mars, indique que l’investissement vert ne compte, en moyenne, que pour 18 % des dépenses des plans de relance déposés ou connus à la fin de 2020. On entend par investissement vert celui qui contribue à réduire les émissions de GES et la pollution de l’air, et à renforcer le capital nature, qui englobe la revitalisation des sols, des forêts et des voies navigables, les initiatives générales de conservation et la protection de la biodiversité.

La comptabilisation du plan de relance européen de1800 milliards d’euros, qui n’était pas opérationnel à la fin de 2020, ne ferait passer ce pourcentage qu’à 23,4 %. L’on s’attend toutefois à davantage de contribution environnementale du plan de relance de 1900 milliards $US du gouvernement américain.

Si l’on retient l’ensemble des mesures fiscales et budgétaires appliquées ou déposées à la fin de 2020 par les 50 plus grandes économies en réponse à la crise sanitaire, l’investissement vert ne compte que pour 2,5 % des dépenses, pour 4,2 % si l’on y greffe celles de la Commission européenne. On peut en conclure que l’aide directe, chiffrée globalement à 11 100 milliards pour ces pays, a pris la forme de programmes visant à gérer les effets immédiats et à court terme de la pandémie et que peu ou pas étaient sertis de conditions environnementales.

Oxford va plus loin. Sur les 1900 milliards $US considérés à la fin de 2020 comme étant dirigés vers des mesures de relance à long terme, 16 % des plans avaient une incidence favorable sur la pollution de l’air, mais autant (16,4 %) contribuait à un accroissement de cette pollution. Aussi, 3 % des plans de relance faisaient miroiter un effet positif sur le capital nature, mais c’était l’inverse pour 17 % d’entre eux, l’action négative venant notamment de l’expansion du réseau routier de transport.

On prend cependant soin d’ajouter et de préciser que pour le secteur énergétique, une décarbonation conduirait à un accroissement des GES et de la pollution de l’air dans ses phases manufacturières et de construction. L’effet à plus long terme serait toutefois positif sans compter qu’une telle transition engendrait un effet multiplicateur sur l’investissement public.

Enfin, l’investissement dans la formation de la main-d’œuvre, plus que nécessaire dans un contexte de transition vers le bas carbone, est petit, sinon essentiellement non vert, dans les plans de relance étudiés.

Oxford et le PNUE voient dans ce passage des plans d’aide et de soutien à ceux de la relance une occasion à ne pas rater. « Ces plans de relance vont imposer la trajectoire économique, sociale et environnementale pour des années, sinon des décennies à venir. 

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

À voir en vidéo