La pandémie numérique

L’achat en ligne aura été un atténuateur du choc de la pandémie, voire tout au plus un catalyseur, mais sûrement pas la « révolution » attendue dans le commerce de détail.

Après la publication des données de novembre qui indiquaient une augmentation de 70 % du commerce en ligne comparativement à la même période de 11 mois de 2019, le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) évoquait « la plus grande révolution depuis que les centres commerciaux et les supermarchés ont envahi les banlieues il y a 50 ans », pouvait-on lire dans Le Courrier du Sud. Il faudra voir si cet engouement se maintiendra lorsque l’industrie reviendra à une certaine normalité. Au demeurant, la poussée observée en 2020 aura permis d’atteindre « une proportion qui était attendue dans cinq ans seulement ».

En chiffrant l’augmentation pour l’ensemble de 2020 à 70,5 %, Statistique Canada parlait d’une métamorphose rapide imposée par la pandémie et les mesures de distanciation physique. Mais sur une base plus relative, la part des ventes du commerce de détail électronique par rapport aux ventes du commerce de détail total est passée de 3,5 % en 2019 à 5,9 % en 2020. Sur des ventes totales des détaillants canadiens de 606 milliards l’an dernier, soit un (rare) recul de 1,4 % par rapport à 2019.

Uniquement en décembre, les ventes en ligne se sont accrues de 69,3 % d’une année à l’autre, mais pour se chiffrer à 4,7 milliards, soit 7,8 % des ventes au détail de 53,4 milliards mesurées au cours de ce mois. Elles avaient atteint un sommet de 9,8 % en avril, au moment où la plupart des détaillants non essentiels avaient été obligés de fermer.

Toujours dans une autre perspective, l’an dernier, 10 % des entreprises ont enregistré au moins la moitié de leurs ventes totales en ligne, comparativement à une part de 6,8 % affichée en 2019. La hausse la plus marquée a été observée dans le secteur de la finance et des assurances, ajoute Statistique Canada. Question d’illustrer davantage le fossé à combler, 16,7 % des entreprises disposaient d’une plateforme de commerce électronique ou avaient des plans pour en instaurer une. « Les entreprises du commerce de détail (39,5 %), du commerce de gros (30,9 %) et de la finance et des assurances (30,9 %) étaient les plus susceptibles de disposer d’une telle plateforme ou d’avoir des plans pour en établir une. »

Timidité parmi les PME

 

Une étude de la Banque de développement du Canada publiée en décembre faisait également ressortir cette timidité. Du moins parmi les PME. Seulement 46 % d’entre elles prévoient de vendre en ligne après la crise de la COVID-19, à peine plus que la proportion de 43 % mesurée avant la crise, pouvait-on y lire. « Moins de 25 % feront du commerce électronique une priorité au cours de l’année qui vient et seulement 15 % des entrepreneurs croient qu’elles augmenteront considérablement dans leur secteur au cours des trois prochaines années. » Pourtant, à l’autre bout du spectre, « huit Canadiens sur dix ayant fait des achats en ligne pour la première fois pendant la pandémie ont affirmé qu’ils continueront de le faire ».

Cette mise en relief étant faite, ajoutons que les ventes en ligne n’ont évidemment pu compenser la faiblesse des ventes dans les magasins. Dans l’ensemble des entreprises, 60,5 % ont déclaré un recul de leurs revenus entre 2019 et 2020 et près du tiers ont dit que ceux-ci avaient diminué d’au moins 30 %.

Ailleurs, l’hécatombe a été plus durement vécue par cette grande majorité des entreprises des services d’hébergement et de restauration (86,4 %) ainsi que des arts, des spectacles et des loisirs (78,3 %) ayant affiché une baisse de leurs revenus entre 2019 et 2020, de plus de 30 % pour respectivement 61,5 % et 54,8 % d’entre elles.

Des gagnants, des perdants

 

Selon le bilan présenté mercredi par la CQCD, l’année 2020 a fait des gagnants et des perdants dans l’industrie du commerce de détail. Au Québec, sur les 13 secteurs nommés, 5 terminent avec un recul des ventes. Le télétravail étant une réalité pour plusieurs, les plus touchés par la pandémie ont été les magasins de chaussures, d’accessoires vestimentaires et les bijouteries, avec un plongeon de 24,4 %. Suivent les magasins de vêtements (–16,4 %), les stations-service (–14,8 %) et les concessionnaires de véhicules et de pièces automobiles (–10,2 %). Parmi les gagnants, les marchands de matériaux de construction et de matériel de fournitures de jardinage dominent, avec une augmentation de 17,3 % de leurs ventes. Suivent au sommet de la liste les magasins d’articles de sport, de passe-temps, de musique et de livres (+14,5 %) et les magasins d’alimentation (+9,8 %).

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Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.