Petite politique

Dimanche, des millions de Canadiens dépendant de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ont vu cette aide prendre fin. Le lendemain, des millions de Québécois apprenaient que leur région passait au rouge et que des milliers d’entre eux allaient à nouveau se retrouver sans travail… et sans revenus à cause de la pandémie de COVID-19.

Le gouvernement fédéral a annoncé dès cet été que de nouvelles prestations d’urgence et une bonification temporaire de l’assurance-emploi prendraient la relève de la PCU cet automne. Une nouvelle rassurante, soit, mais encore fallait-il que le Parlement adopte ces mesures à temps pour pouvoir payer le loyer du mois d’octobre, l’épicerie et ainsi de suite.

Cela aurait pu être fait cet été, puisque les Communes avaient prévu de siéger à la fin du mois d’août. Mais voilà, il y a eu prorogation à la demande du premier ministre Justin Trudeau. Il a ainsi esquivé les questions des élus et, surtout, pu mettre fin aux travaux de plusieurs comités, dont celui se penchant sur le défunt programme pour les jeunes confié à l’organisation UNIS, cette initiative qui vaut toujours à M. Trudeau et à son ancien ministre des Finances, Bill Morneau, de faire l’objet d’une enquête du Commissaire à l’éthique.

En tirant ainsi les ficelles, M. Trudeau a pu aussi retirer à l’opposition un os bien juteux. Pour en arriver là, il a toutefois dû priver son gouvernement de deux outils essentiels pour pouvoir répondre en temps opportun aux imprévus de la pandémie, soit la possibilité de présenter ses projets au Parlement dès août et bénéficier de la coopération des partis d’opposition.

Dès le début de la pandémie, ces derniers ont généralement collaboré pour permettre la mise en œuvre accélérée de programmes d’urgence. Ils ont rouspété à l’occasion, obtenu des changements ici et là, déploré que le gouvernement les force toujours à adopter les projets de loi à toute vapeur, ce qui ressemblait à la signature d’un chèque en blanc, mais malgré cela, ils n’ont pas bloqué l’aide destinée aux citoyens.

Le gouvernement, de son côté, a su les amadouer un brin en les consultant avant de procéder, ce qui lui assurait l’adoption expéditive des projets de loi. Ce ne fut pas le cas cette fois-ci cependant. Pourtant, l’urgence était manifeste. Mercredi dernier, le premier ministre Trudeau a même cru nécessaire de faire une adresse à la nation pour souligner la gravité de la situation et nous avertir que la deuxième vague était à nos portes.

La première version du projet de loi pour mettre en œuvre les nouvelles prestations, présentée le lendemain du discours de M. Trudeau, a plutôt servi d’outil de marchandage afin d’obtenir l’appui du Nouveau Parti démocratique au discours du Trône. Une fois le marché conclu, il a fallu écrire un nouveau projet de loi, qui fut présenté lundi, le jour même où l’inquiétude montait de plusieurs crans au Québec.

Les régions de Montréal, de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches sont passées au niveau d’alerte rouge, avec, entre autres, la fermeture des bars, des cinémas, des salles de spectacles, des musées, des bibliothèques, des salles à manger des restaurants. Ce qui veut aussi dire des milliers de pertes d’emplois.

Après avoir provoqué un certain retard avec sa prorogation, le gouvernement a tiré avantage de l’accélération de la deuxième vague de la pandémie pour limiter les débats aux Communes mardi, avec l’appui du NPD, des verts et des députés indépendants. Le projet de loi devrait donc entrer en vigueur d’ici la fin de la semaine, si le Sénat accepte d’avancer au pas de charge. Et pour que les citoyens dans le besoin ne paient pas pour toutes ces manœuvres, les prestations seront rétroactives au 27 septembre.

Les gens affectés auront de l’aide, c’est clair et nécessaire, et on parle d’un délai qui pourrait n’être que d’une semaine. Il est dommage toutefois que les chômeurs qui dépendaient déjà du soutien d’Ottawa aient connu plusieurs semaines d’incertitude alors qu’on aurait pu boucler le tout avant l’arrivée à échéance de la PCU.

La façon de conduire ce dossier aura aussi un prix pour l’ensemble des citoyens. Pour rallier le NPD, les mesures ont été bonifiées au cours des derniers jours. Ce sera un baume pour plusieurs Canadiens, mais la facture totale sera encore plus salée qu’on ne le prévoyait en août. Le gouvernement parlait alors de 37 milliards. Depuis, il a accepté en particulier de rendre les prestations de maladie plus flexibles et de hausser la « nouvelle » Prestation canadienne de la relance économique (PCRE). Cette dernière passera de 400 $ à 500 $ par semaine, la transformant en équivalent de la PCU, finalement. En somme, on prolonge cette dernière sous un autre nom. Et tout cela durera encore des mois.

Est-ce la meilleure solution ? Peut-être, mais l’urgence fait en sorte que la réponse viendra après coup. Le Parlement a repris ses travaux et les élus ont maintenant l’occasion et l’obligation d’examiner de plus près les mesures prises durant cette pandémie afin de bien déterminer celles qui seront encore utiles et nécessaires. Et le gouvernement a le devoir de répondre, d’être transparent et de laisser aux députés la possibilité de faire leur travail.

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