Un message trop confus

Depuis la mi-mars, on nous le répète jour après jour : Restez à la maison, lavez-vous les mains fréquemment et ne sortez que pour l’essentiel, en gardant vos distances. Il était difficile d’être plus clair, d’autant plus que tous les gouvernements et responsables de la Santé publique disaient partout la même chose lors de leurs points de presse quotidiens et dans leurs publicités.

On nous a aussi avertis que les mesures d’hygiène seraient là pour durer tant qu’il n’y aurait aucun traitement ou aucun vaccin disponible pour contrer la COVID-19. Par contre, nous aurions tous droit à un allègement de cet enfermement collectif quand la fameuse courbe s’aplatirait.

Ce moment est arrivé. Un peu partout, on entrouvre doucement les portes, chaque province à sa manière. Et voilà que le message s’embrouille. On semble avoir de la difficulté à s’ajuster et à s’accorder. Qui peut-on voir et que peut-on faire à deux mètres de distance ?

En Ontario, où le gouvernement y va plus lentement, on continue à diffuser des publicités demandant aux gens de rester chez eux, sauf pour aller à l’épicerie, à la pharmacie ou chez le médecin. En Colombie-Britannique, la Dre Bonnie Henry, responsable de la santé publique de la province, invite elle les gens à aller dehors, tout en gardant leurs distances.

Au Québec, on a annoncé mardi que les règles strictes imposées aux personnes âgées vivant en résidence seraient allégées pour permettre aux gens de sortir marcher sans supervision et même de voir des proches, en gardant évidemment leur distance et en portant un masque. Mais durant la même conférence de presse, le Dr Horacio Arruda a désapprouvé que quelques amis, respectant les deux mètres de distance réglementaires, puissent se retrouver dans une cour pour jaser.

« Laissez-nous le temps de mesurer les effets de ce qu’on met en place. […] Je vais vous demander encore d’être un peu patients. Je suis le premier à avoir envie de faire un barbecue à l’extérieur à deux mètres de distance, mais je sais très bien que ces deux mètres-là, il n’est pas si facile que ça [à respecter] dans un contexte de repas puis de rassemblement. Que les gens se voient devant une maison, dans le parking de la voiture, à deux mètres de distance, c’est une chose, mais un rassemblement pour un repas, c’en est une autre », a-t-il dit. La question qui lui était posée ne portait pourtant que sur une simple rencontre dans une cour.

À Montréal, l’achalandage dans les parcs en fin de semaine a causé des vagues. Les rassemblements y seraient interdits, aux dires de certains. Mais les gens ont le droit d’y être à la condition de garder les fameux deux mètres de distance. Et franchement, les parcs sont souvent bien assez grands pour permettre aux citadins de profiter du beau temps sans mettre quiconque en danger.

À Ottawa, lundi, la patronne de l’Agence canadienne de la santé publique, la Dre Theresa Tam, avait un message mieux adapté au nouveau contexte. Le but du confinement a été atteint, soit ralentir la propagation de la maladie, mais, a-t-elle dit, il faut se faire à l’idée que la COVID-19 sera avec nous pour un bon moment encore et qu’il faudra maintenir les mêmes mesures d’hygiène. « Nous allons sortir de plus en plus de nos maisons, mais il est d’une importance vitale qu’au moindre symptôme, nous restions chez nous pour sauver des vies. Plus question d’aller travailler malade. »

Le même jour, le premier ministre Justin Trudeau conseillait plutôt aux Canadiens de continuer à rester chez eux. « Ne sortez pas à moins que ce soit absolument nécessaire. Si vous devez le faire, restez à deux mètres de distance les uns des autres », a-t-il dit. Mardi, il s’est abstenu de donner une consigne.

À quoi s’en tenir maintenant ? Le déconfinement graduel est censé signifier la reprise d’un boulot ou sortir pour ce qui n’était pas considéré comme essentiel il y a encore une semaine. Dans plusieurs régions du Québec, on peut maintenant aller acheter des livres, des articles de sports et des fleurs. On pourra bientôt marcher aux côtés de sa grand-mère vivant en résidence en gardant ses distances ou en portant un masque. Et quoi qu’en dise le Dr Arruda, rien n’interdit de passer du temps avec ses copains sans avoir à s’interpeller du trottoir au balcon.

Mais dans tous les cas, on doit le faire en respectant des règles qui sont les mêmes partout : se laver les mains, garder ses distances et si c’est impossible, porter un masque. Dans ces conditions, il va de soi qu’on ne peut pas faire un party, un souper de famille, une manifestation bras dessus bras dessous et ainsi de suite.

Les gens ont besoin de souffler. Il en va de leur santé mentale et physique. Mais pour conserver leur adhésion à long terme, il faut que les balises du déconfinement soient claires et que les messagers retrouvent leur cohérence. Y compris en répétant avec la même limpidité qu’avant les règles d’hygiène de base. Le maintien de la vigilance collective, essentielle pour éviter une multiplication d’éclosions de la COVID-19 dans les mois à venir, en dépend grandement.

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