2019, une année boursière atypique
L’année boursière 2019 passera à l’histoire comme ayant été placée sous le thème de la résilience. Malgré des alarmes sonnant de partout, le virage en U de la Réserve fédérale a fait oublier que l’actuel cycle de l’économie américaine est le plus long de l’histoire moderne. Survol d’une année bigarrée, où l’investisseur devait s’adonner à de la spéculation sur la cryptomonnaie ou le cannabis pour ne pas afficher des rendements dignes de ce nom.
Au moment où ces lignes étaient écrites, les marchés boursiers poursuivaient leur ralliement de fin d’année. Les poussées attendues des grands indices baromètres laissent miroiter des gains de plus de 20 %, voire de 30 % pour le S & P 500, référence de Wall Street. Parmi les grands secteurs, les valeurs technologiques ont occupé l’avant-scène boursière avec une poussée annuelle du Nasdaq au-dessus des 35 % à quelques jours de la fin du calendrier.
Jusque-là les indices profitaient de chaque baisse de tension géopolitique pour enchaîner les records, tonifiés qu’ils étaient par le ton redevenu accommodant de la Réserve fédérale. La banque centrale américaine avait jeté un froid sur les marchés l’an dernier avec quatre hausses de son taux directeur sans laisser entrevoir d’accalmie, une économie américaine fonctionnant à son plein potentiel ayant été dopée à coup de stimuli fiscaux. Mais une guerre commerciale allant en s’intensifiant entre les deux grandes puissances économiques de la planète a forcé un virage en U, la Fed inversant le mouvement avec trois reculs de son taux cible en 2019.
Puis l’annonce est venue à la mi-décembre. Cette fois serait la bonne. Maintes fois annoncé dans ce long bras de fer de 19 mois, l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine serait signé, ce qu’a confirmé un porte-parole du gouvernement chinois le 25 décembre. L’on parle d’une trêve, devant conduire à la conclusion d’un accord dit de phase I quelque part en janvier, qui n’aborde cependant pas les griefs de fond.
Qu’importe. Avec la stagnation économique mondiale, avec les craintes de récession pour l’économie américaine ressenties en mi-année, avec une Allemagne flirtant avec ce scénario, avec un Royaume-Uni engagé sur la voie du Brexit, il était permis d’espérer que l’actuel passage à vide de l’économie mondiale provoqué par ce conflit douanier vienne remplacer la récession traditionnelle.
Bref, les gains sur investissement ont été quasi généralisés. Pas uniquement en Bourse mais également sur les marchés obligataire et immobilier.
Des revers
Derrière cette embellie se cachent des revers. Après avoir « dopé » la Bourse en 2018, l’année 2019 a été plutôt sombre, sinon noire pour l’industrie du cannabis, où les annonces de résultats en baisse et de restructuration des activités se sont multipliées chez les producteurs. Le Canadian Marijuana Index affiche un recul de plus de 50 % depuis le début de l’année, de 71 % depuis son sommet. Dans le segment médical, le repli observé selon un fonds négocié en bourse (FNB) de référence est de 39 % depuis fin décembre 2018, de 62 % depuis le sommet de l’année. Une correction qui n’est pas sans confirmer un besoin de consolidation dans cette industrie, qui mise gros sur l’expansion vers les produits dérivés.
Cette volatilité extrême peut rappeler à la mémoire les hauts et les bas de la cryptomonnaie, bitcoin en tête, un segment plus spéculatif et intangible qui avait connu ses heures de gloire en 2017. Tout n’a pourtant pas été négatif pour le bitcoin cette année, dont la valeur actuelle est en hausse de 100 % sur un an. Mais à 7200 $US, il fallait avoir subi un sommet de 13 000 $US et un creux de 3300 $US. Au-delà de sa volatilité, l’exubérance boursière de cette monnaie virtuelle refroidit désormais les spécialistes du secteur, qui en ont aujourd’hui davantage pour la technologie sur laquelle elle repose, la chaîne de blocs (blockchain).
Les licornes
Que dire de ces licornes, de ces entreprises au modèle d’affaires non éprouvé devenues milliardaires avant même leur entrée en Bourse sous l’effet mode, par mimétisme ou simplement sur la base de prévision de croissance. D’Uber et de Lyft en passant par Pinterest et la messagerie d’entreprise Slack…
Uber a raté son entrée en mai. Émise à 45 $US, l’action a chuté autour des 42 $US après seulement quelques minutes de négociations. Prisonnière d’un modèle d’affaires axé sur la quête de parts de marchés, Uber voyait en novembre se confirmer des revenus augmentant à un rythme accéléré, au prix de pertes abyssales. L’action du leader mondial de la réservation de voitures de tourisme avec chauffeur a perdu le tiers de sa valeur depuis son sommet après son inscription en Bourse. Même repli pour son rival Lyft depuis un prix d’introduction de 72 $US lui accordant alors une capitalisation de 24 milliards.
Pour Slack, le prix de la première cotation en juin a atteint 38,50 $US, loin devant le « prix de référence » de 26 $US fixé la veille par la Bourse de New York à titre indicatif, conférant à l’entreprise une valorisation boursière supérieure à 20 milliards. Une capitalisation qui a fondu de 40 % depuis. Pour Pinterest, l’introduction en Bourse de l’application de partage de photos s’est faite à 19 $US, pour aussitôt toucher un sommet en séance de 24,40 $US, accordant à l’entreprise une capitalisation de 16 milliards $US. Cette valorisation a été retranchée du quart depuis.
Un indice Trump
Cette année boursière atypique a eu droit à son nouvel indice. Les marchés étant devenus si fascinés par les tweets du président Donald Trump que la banque d’affaires JP Morgan a créé un indice pour aider à évaluer la volatilité qu’ils engendrent. L’indice Volfefe vient mesurer quels messages de M. Trump sur Twitter avaient provoqué de fortes fluctuations des rendements du Trésor, l’un des marchés les plus suivis au monde, qui influence les prix des actions et de presque tous les autres investissements. L’indice rappelle le fameux gazouillis (covfefe) de Trump et montre que les messages du président expliquent une « fraction mesurable » de la volatilité à court terme.
Ah oui, le CELI a eu dix ans cette année. Le compte d’épargne libre d’impôt a dix ans et son cumul de cotisations permises atteint aujourd’hui 63 500 $, dont 6000$ cette année. À sa naissance, il avait été qualifié par le gouvernement Harper de deuxième révolution dans le monde de l’épargne depuis l’avènement des REER en 1957. Ce n’est pas faux.