L’art de la demi-mesure

Le soir de l’élection du 1er octobre 2018, François Legault a déclaré : « On va respecter nos engagements ». Cette phrase est devenue une sorte de mantra avec lequel ses ministres concluent toutes leurs interventions à l’Assemblée nationale.

Le « Polimètre Legault » du Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP) de l’Université Laval a recensé 251 promesses faites par la CAQ au cours de la campagne électorale. À la fin du mandat, on conclura probablement que le gouvernement Legault a tenu la grande majorité de ses promesses. Dans le cas du gouvernement Trudeau, le CAPP avait évalué le taux de réalisation à 92 %.

Le problème est qu’une promesse n’est souvent tenue qu’à moitié, ou que sa réalisation ne correspond pas vraiment à ce qui avait été promis. Dans le cas de la réforme du mode scrutin, Justin Trudeau a de toute évidence manqué à la promesse qu’il avait faite durant la campagne de 2015, puisque le projet de réforme a été carrément enterré.

C’est moins clair dans le cas du gouvernement Legault. Tenir un référendum sur la réforme du mode de scrutin en même temps que l’élection d’octobre 2022 n’est certainement pas la même chose que de tenir cette élection selon un mode de scrutin proportionnel, comme en avaient convenu la CAQ, le PQ et QS dans le pacte signé au printemps 2018, même si on peut convenir qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction.


 
 

Après un an de pouvoir, force est de constater que le gouvernement Legault est déjà passé maître dans cet art de la demi-mesure. Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Simon Jolin-Barrette, en a donné un bel exemple cette semaine avec son « test des valeurs », qui n’a plus grand-chose à voir avec ce que la CAQ promettait depuis des années.

Au départ, les candidats à l’immigration auraient été tenus de réussir ce test dans un délai de trois ans pour obtenir un « certificat de sélection » leur permettant de demander le droit de « résidence permanente » et éventuellement la citoyenneté canadienne. En cas d’échec, ils étaient menacés d’expulsion pure et simple. Le projet de loi 9 adopté au printemps dernier ne parlait plus d’expulsion, mais faisait toujours de la réussite de ce test une condition de l’octroi du statut de résident permanent, qui relève de la compétence fédérale.

En réalité, personne à la CAQ n’a jamais cru que le gouvernement Trudeau — ou tout autre gouvernement fédéral — accepterait de céder ce champ de compétence à une province. Quand M. Legault a lancé ce ballon en 2016, il s’agissait essentiellement de sortir son parti de la marginalisation à laquelle il semblait condamné en s’appropriant le dossier identitaire. Si jamais la CAQ était élue, on trouverait bien un moyen de se débarrasser de ce boulet. C’est exactement ce qu’a fait M. Jolin-Barette. Le test des valeurs, réduit à une simple formalité, sera fait au tout début du processus et n’affectera en rien les prérogatives fédérales.

Cela dit, renoncer à une promesse inconsidérée n’est pas une mauvaise chose. Dans le cas du test des valeurs, c’est même une excellente décision. Il n’en demeure pas moins que les électeurs ont été trompés par une promesse dont on savait très bien que la CAQ serait incapable de tenir.


 
 

Quand elle était dans l’opposition, la CAQ avait dénoncé à grands cris le 1,5 milliard perçu en trop par Hydro-Québec entre les années 2008 et 2016. Son remboursement ne constituait pas une promesse électorale formelle, mais le gouvernement Legault a finalement eu la décence de reconnaître que c’était tout comme. Il s’entête pourtant à faire adopter le projet de loi 34 qui, de façon unanime, est jugé désavantageux pour les clients d’Hydro-Québec.

Soit, ils bénéficieront d’une réduction ponctuelle de 500 millions de leur facture d’électricité et d’un gel de tarif en 2020, mais de l’avis général, l’indexation à l’inflation durant les quatre années suivantes leur coûtera plus cher que cela le devrait. De toute évidence, il y a là une entourloupette. En quoi les trop-perçus des années à venir seraient-ils plus acceptables que ceux des années passées ?

Il faut toujours se méfier des gouvernements qui reformulent leurs promesses. Il semble tout à fait logique que l’écart de rémunération par rapport au reste du Canada soit le même pour les médecins spécialistes que pour les autres professionnels de la santé, mais la promesse de M. Legault, qu’il savait sans doute excessive, était de récupérer 1 milliard par année. Il a jugé insuffisants les 250 millions offerts par la FMSQ, mais toute porte à croire qu’on prétextera la difficulté de comparer les chiffres pour couper la poire en deux.

À voir en vidéo