À vous de jouer!

Dans la scène qui suit sont avancées (elles sont numérotées) plusieurs idées sur l’apprentissage, des idées qui, pour certaines du moins, circulent abondamment dans le milieu de l’éducation. Certaines sont vraies, d’autres sont fausses. À vous de faire le partage.


 
 

L’enseignant, la conseillère pédagogique, la directrice de l’école, l’orthopédagogue et les parents de l’élève sont réunis dans un bureau pour discuter du cas du petit Paul. Ce dernier a en effet des problèmes à l’école, des problèmes de tous genres, certains sévères, et toutes les personnes présentes veulent très sincèrement l’aider.

Les parents parlent les premiers et disent soupçonner une dyslexie.

 

« Il voit les lettres à l’envers, ce qui en est un indicateur principal, [1] disent-ils.

— Intéressante remarque et précieuse observation, répond l’enseignant. J’ai constaté la même chose et ai posé le même diagnostic. Que faites-vous pour l’aider à la maison ?

— On a remarqué, répondent les parents, que le fait d’écouter de la musique classique, et en particulier Mozart, le calme et semble améliorer non seulement sa concentration, mais aussi ses performances quand il fait ses devoirs à la maison.

— Le fameux effet Mozart [2] ! dit la directrice. Si seulement on pouvait faire jouer de la musique du maître en classe ! Mais allez expliquer aux parents les bienfaits pourtant documentés de la musique classique sur l’apprentissage…

— Une chose est certaine, reprend l’enseignant : Paul est un auditif et pas un visuel ou un kinesthésique. Il apprend mieux quand on lui présente les contenus à apprendre selon son style d’apprentissage [3]. On devrait miser là-dessus, je pense. »

La directrice semble hésiter. Elle dit, un peu mal à l’aise :

« Je crois avoir lu quelque part que, si les gens manifestent en effet des préférences quant au mode par lequel ils reçoivent de l’information [4], cela ne signifie pas qu’ils apprennent mieux si on la leur transmet selon ce qui serait leur style d’apprentissage [3]. Mais ma mémoire me fait peut-être défaut et je peux me tromper… Qu’en pense notre précieux orthopédagogue ? »

Celui-ci marque une longue pause.

 

« C’est du côté du cerveau qu’il faut chercher les explications aux difficultés de Paul, c’est là et nulle part ailleurs que l’on pourra trouver les plus sérieuses pistes d’intervention. »

La directrice intervient.

 

« Je pense que c’est en effet la bonne piste. Dans le même ouvrage qui traitait des styles d’apprentissage, il y avait un texte très documenté expliquant qu’en général, et compte tenu de la distribution des neurones, nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau [5]. L’idée, semble-t-il, remonte à Albert Einstein. On suggérait alors des méthodes pour augmenter ce pourcentage. Comme écouter de la musique classique, justement, et d’autres encore.

— Je ne me prononcerai pas là-dessus, répond l’orthopédagogue. Mais je peux vous assurer que certaines idées solidement établies sont prometteuses et pourraient aider Paul. »

La mère de Paul intervient.

 

« Je vous rappelle, si du moins le podcast que j’ai écouté l’autre jour disait vrai, qu’il est un garçon et que de ce fait son cerveau se développe à un rythme différent de celui des filles [6]. Il est d’ailleurs, pour cette raison, typiquement plus grand que le leur [7]. Devrait-on prendre cela en compte, ou pas ? »

Un silence embarrassé s’installe, rompu finalement par l’orthopédagogue.

« Ce qu’il faut d’abord et impérativement faire, ce sont des tests pour déterminer si Paul est cerveau gauche ou cerveau droit. En d’autres termes, nous devons déterminer sa dominance hémisphérique qui nous dira comment il apprend [8]. Sachant cela, nous pourrons élaborer un plan d’action efficace. »

Le père de Paul intervient. Il a lui aussi écouté le fameux podcast.

 

« Mais vous convenez certainement, dit-il, que les deux hémisphères du cerveau travaillent ensemble, collaborent en somme [9]. C’est du moins ce qu’on disait dans le podcast dont parlait ma femme, si je me souviens bien.

— Bien entendu, répond l’orthopédagogue. Mais cela n’invalide en rien la cruciale idée d’une prédominance d’un des hémisphères et cela a des implications cruciales pour l’enseignement. Il y a une riche et abondante littérature scientifique à ce sujet. Et, quoi qu’il en soit, ce qu’on appelle l’apprentissage, ce sont des modifications dans le cerveau. [10] »

La directrice sent le besoin d’intervenir.

« Il faudra en tous les cas agir rapidement, puisque Paul entrera en puberté sous peu. Le développement de son cerveau sera alors complété. [11] »

Les réponses

 

Sont fausses les affirmations suivantes : 1, 2, 3, 5, 8, 11.

Sont vraies les affirmations suivantes : 4, 6, 7, 9, 10.

Truc et astuce de prof

 

Les neuromythes et autres légendes pédagogiques sont très (et même trop) présents en éducation. Comme antidote, je vous invite à lire le récent rapport intitulé Neuromyths and Evidence-Based Practices in Higher Education, qui m’a inspiré cette chronique. Il est accompagné d’une riche bibliographie que je vous suggère fortement de consulter. Il justifie mon classement des différentes allégations en vraies ou fausses.

La perle de la semaine

 

Voici un élève de Varennes, en deuxième année. On lui demande d’expliquer pourquoi les bernaches volent en formant un V. Il répond — mais si joliment ! — que « c’est parce qu’elles sont en direction de Varennes » ! (Rapporté par Chantal Dupont, son enseignante.)

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