Hausser l’impôt des mieux nantis ne rapporte pas
Accroître le taux d’imposition des mieux nantis ne paie pas. Pire, la hausse commandée par la fédéral pour l’année 2016 a créé un trou dans les finances publiques des provinces.
La lecture vient d’Alexandre Laurin, directeur de la recherche à l’Institut CD Howe. L’auteur s’est livré à une estimation de l’impact de l’augmentation du taux d’imposition de la tranche de revenu des 200 000 $ et plus au fédéral en 2016. Le taux fédéral pour ce groupe composant le 1 % dans la pyramide des revenus est passé de 29 à 33 %. Les études empiriques le démontrent et les situations observées ailleurs, notamment au Royaume-Uni, le confirment. Cette classe de contribuables dispose de la flexibilité pour ne pas absorber la facture sans broncher. Ils réagissent à une hausse de leur taux d’imposition en réduisant leur revenu imposable, d’une façon ou d’une autre, voire d’une juridiction fiscale à une autre.
Cela s’est produit en 2016. L’analyste a également mesuré un effet d’anticipation, nombre de contribuables concernés se versant davantage de dividendes ou d’autres formes de revenu imposable en 2015 afin d’éviter l’augmentation anticipée. L’auteur retient le segment des 250 000 $ et plus de revenu imposable. Il estime que la hausse du taux d’imposition n’a rapporté que le tiers des revenus fiscaux qu’aurait perçus Ottawa si ces contribuables avaient absorbé le choc sans modifier leur comportement. S’inspirant des données préliminaires de l’Agence du revenu du Canada, les contribuables composant cette population du 1 % ont payé 26,3 milliards d’impôt fédéral sur le revenu pour l’année fiscale de 2016, soit 6,8 milliards de moins qu’en 2015, et ce, malgré l’augmentation du taux d’imposition.
À titre de comparaison, les revenus, total et d’emploi, déclarés dans la tranche des 100 000 $ à 250 000 $ sont demeurés relativement constants entre 2012 et 2016. Pour le 1 %, ils ont bondi en 2015 pour se replier en 2016.
Provinces perdantes
Alexandre Laurin en rajoute. Les provinces ont été perdantes dans l’exercice, subissant les contrecoups de ces ajustements des revenus imposables au fédéral sans compensation. Selon ses estimations, la hausse du taux en 2016 a rapporté à Ottawa environ 1,2 milliard de plus, soit loin des 3 milliards qu’elle aurait générés si le 1 % n’avait pas modifié son comportement et des 2 milliards comptabilisés par le fédéral dans son budget. Pour les provinces, le coût absorbé sous forme d’impôt sur le revenu des particuliers moindre a été de 1,3 milliard. L’effet net : l’expérience a été globalement déficitaire.
L’analyste de l’organisme de réflexion avait averti le gouvernement Marois en 2012. Sa réforme fiscale visant à transférer aux mieux nantis le fardeau de l’abolition de la taxe santé allait créer un trou dans les finances publiques, prévenait-il. « Plus les taux marginaux d’imposition sont élevés, plus les contribuables sont incités à éviter l’impôt de quelque manière que ce soit », soulignait-il. Réduction du travail, migration, désincitatifs à l’investissement, création de fiducie, planification fiscale plus imaginative… « L’important est de comprendre que les contribuables vont réagir à la hausse en tentant autant que possible de diminuer leur revenu imposable, une réalité maintes fois démontrée dans des études empiriques. »
Il reprenait alors les paramètres d’une étude canadienne publiée deux ans plus tôt qui situait le taux de sensibilité à 0,7 pour 1. Dans son analyse publiée jeudi, il retient une « élasticité du revenu imposable » de 0,56. Alexandre Laurin prend soin de préciser que ce coefficient est très sensible et difficile à déterminer. Dans ses scénarios et simulations, il a oscillé entre 0,26 et 0,98. À Ottawa, le coefficient utilisé est de 0,4 alors que des études récentes ont évoqué une élasticité entre 0,62 et 0,72.
Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD) a précisé vendredi que son émission 2018 avait été sursouscrite. Au terme de la période de présouscription tenue entre le 4 et le 24 septembre dernier, 56 979 personnes ont rempli une demande pour souscrire aux actions totalisant 166,4 millions. Le plafond autorisé est de 140 millions, 5 millions de plus qu’en 2017. Ce faisant, « ce sont 47 901 contribuables québécois, soit 1673 de plus que l’an dernier, qui pourront profiter du crédit d’impôt provincial de 35 % », lit-on dans le communiqué. Ce crédit était de 40 % l’an dernier. La souscription annuelle maximale demeure à 3000 $ par personne et la période de détention minimale des actions est de sept ans. Le processus de sélection aléatoire a eu lieu vendredi.
CRCD compte plus de 103 000 actionnaires et son actif net atteint 1,98 milliard. L’institution a réalisé un rendement de 6,4 % en 2017. Sur sept ans, le rendement annuel composé est de 5,2 %, auquel s’ajoute le crédit d’impôt.
Une grande nouveauté cette année est l’ajout d’un nouveau crédit d’impôt en contrepartie d’une détention des actions plus lointaine. L’actionnaire détenant ses titres depuis sept ans peut ainsi bénéficier d’un crédit d’impôt de 10 %, pouvant aller jusqu’à 1500 $, et ce, sans nouvel investissement ni aucune autre incidence fiscale au moment de la conversion pour une période de détention additionnelle de sept ans.
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