La fin de la menace souverainiste

Ce serait certes une erreur historique que d’enterrer le mouvement souverainiste québécois avant qu’il soit mort. Mais cela ne semble pas empêcher le Canada anglais de regarder déjà l’élection du 1er octobre comme la première depuis plus de 40 ans qui ne doit pas l’inquiéter.

Il va sans dire que l’agonie récente du Parti québécois réjouit le reste du Canada, comme si un long cauchemar tirait à sa fin. Après avoir été « tenus en otages » pendant des décennies par la menace des indépendantistes québécois de faire éclater « leur » pays, les Canadiens anglais voient la campagne déclenchée cette semaine comme une libération.

Le Canada serait devenu un pays « normal » où une élection au Québec ne comporte aucune importance particulière pour tous ceux qui n’y résident pas. Le Québec serait rentré dans le rang, comme tout bon élève de la fédération. Les autres Canadiens peuvent ainsi attendre le résultat du 1er octobre en paix.

Depuis le référendum de 1995, le rapport de force du Québec envers le reste du Canada va en diminuant. Avant même que le PQ n’amorce son déclin au début des années 2000, le reste du Canada avait déjà mis aux oubliettes toute réforme de la Constitution canadienne allant dans le sens des revendications québécoises. Donc, la mort du PQ ne pourrait pas affaiblir davantage un rapport de force qui a été réduit à celui d’une province comme les autres depuis déjà plusieurs années.

C’est dans ce contexte que les électeurs québécois doivent jauger la promesse de la Coalition avenir Québec de relancer des discussions avec le gouvernement fédéral pour augmenter les pouvoirs du Québec.

   

« Soyons clairs : la voie des grandes manoeuvres constitutionnelles, en particulier celles requérant l’unanimité des provinces, n’est pas à privilégier », avait constaté la CAQ en 2015, dans son document d’orientation intitulé Un nouveau projet pour les nationalistes du Québec.

« Celles-ci ne doivent pas constituer le point de départ, mais au contraire le point d’arrivée d’un processus visant à renouveler le partenariat qui unit le Québec au reste du Canada. Le Québec doit plutôt adopter une approche souple, favorisant notamment des modifications constitutionnelles bilatérales avec le gouvernement fédéral et la négociation d’ententes administratives, dont certaines auront un caractère légal. »

Je parierais que le prochain gouvernement québécois, quelle que soit sa couleur, sera plus préoccupé de protéger les pouvoirs et les acquis dont jouit déjà le Québec au sein du Canada que d’en négocier davantage. Ce n’est certes pas un gouvernement fédéral mené par Justin Trudeau qui instaurera une déclaration de revenus unique, cédera de nouveaux pouvoirs au Québec en matière de culture et d’immigration, donnera au Québec le pouvoir de nommer des juges à la Cour suprême du Canada ou cédera des points d’impôt au gouvernement québécois, comme le réclame la CAQ.

Et même si le Parti conservateur d’Andrew Scheer réserve un accueil favorable à certaines revendications québécoises, il se heurterait inévitablement à la résistance des autres provinces et de l’administration fédérale s’il essayait de mettre ces changements en exécution. Le diable est toujours dans les détails.

La CAQ a pour objectif d’augmenter la richesse à un point tel que le Québec ne dépendra plus de la péréquation. C’est un beau défi, mais à court et à moyen terme, un gouvernement de la CAQ devra plutôt s’activer pour qu’Ottawa ne réduise pas les 11,7 milliards de dollars en péréquation que le Québec reçoit déjà, alors que la grogne dans l’Ouest canadien envers ce programme qui vise à redistribuer la richesse nationale va en augmentant.

   

Les libéraux de Philippe Couillard ont beau avoir engrangé des surplus, toute réduction des paiements de péréquation découlant d’un changement de sa formule actuelle (plutôt que d’une augmentation de la richesse québécoise) nuirait sensiblement aux finances publiques du Québec. Or, les surplus du gouvernement Couillard suscitent la colère de bien des Albertains, alors que leur province se noie dans des déficits à perte de vue, même si elle demeure encore bien trop riche pour recevoir de la péréquation. L’élection le printemps prochain du conservateur Jason Kenney à la barre du prochain gouvernement albertain déclencherait un conflit fédéral-provincial autour d’un nouveau partage des sommes consacrées par Ottawa à la péréquation.

Tout cela est bien loin de la campagne québécoise actuelle, où la CAQ a beau jeu de promettre de nouvelles ententes avec Ottawa pour augmenter les pouvoirs du Québec tout en s’engageant à ne jamais tenir un référendum sur l’indépendance. S’il remplissait une telle prouesse, M. Legault mériterait d’être élu premier ministre à vie. Dommage pour lui que le reste du Canada n’ait pas encore reçu le message. Il est trop occupé à fêter la fin de la menace souverainiste.

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