La loi des véhicules autonomes
Des changements ont récemment été apportés au Code de la sécurité routière afin de permettre la circulation, à des fins expérimentales, de véhicules autonomes sur les routes du Québec. L’avènement des véhicules autonomes illustre les rapports étroits entre la loi et les configurations techniques des objets. Les lois sont actuellement faites pour discipliner les conducteurs. Avec les véhicules autonomes, les exigences des lois auront à être intégrées dans la conception même des véhicules.
Plusieurs États américains ont modifié leur législation pour autoriser la circulation de véhicules autonomes sur les routes publiques. Une norme internationale définit les types des véhicules en fonction de leur degré d’autonomie. On y distingue cinq niveaux d’autonomie. Le niveau 1 étant celui où un conducteur doit effectuer l’ensemble des tâches liées à la conduite. À l’autre bout de la typologie, il y a le véhicule doté d’une autonomie complète, c’est-à-dire d’un système pouvant effectuer toutes les tâches liées à la conduite dans toutes les circonstances. Les occupants du véhicule sont tous des passagers et n’ont jamais besoin de conduire. Le véhicule n’a pas besoin d’être équipé d’un volant ou de pédales.
La loi québécoise considère qu’un véhicule peut être qualifié d’autonome dès lors qu’il est doté d’un système d’aide lui permettant d’effectuer toutes les tâches liées à la conduite.
La plupart des spécialistes n’entrevoient pas la généralisation des véhicules entièrement autonomes avant au moins une ou deux décennies. Mais, sur le plan de l’évolution des lois, l’avènement de ces objets recèle, dès à présent, d’importants défis.
Porte ouverte à l’expérimentation
La loi québécoise habilite le ministre des Transports à autoriser des projets pilotes relatifs aux véhicules autonomes. Il peut à cette fin prévoir des changements aux contributions d’assurance et aux autorisations de circuler. Bien qu’elle demeure floue quant à la responsabilité des fabricants de véhicules autonomes, la loi québécoise comporte au moins un cadre permettant les expérimentations en environnement contrôlé en vue du développement de véhicules autonomes. C’est un pas dans la bonne direction : la loi accompagne l’innovation, indique des balises.
Associés à la mobilité des personnes et des objets, les véhicules autonomes sont d’abord et avant tout des objets connectés. Leur fonctionnement autonome suppose leur inclusion dans un réseau complexe de collecte, de traitement et de diffusion d’information. À ce titre, les véhicules autonomes en disent beaucoup sur les évolutions prévisibles de nos lois et sur les rapports entre les régulations issues des configurations techniques et celles qui émanent de la loi. Plusieurs enjeux associés à ces techniques sont liés à la production et à la circulation d’information.
Alors que les véhicules conventionnels sont dirigés par les humains, les mouvements des véhicules autonomes sont déterminés par des outils de traitement de l’information. Dans les véhicules conventionnels, les décisions sont prises par le conducteur. Celui-ci est responsable de respecter les lois qui régissent la circulation du véhicule. Le plus souvent, ces lois se matérialisent par les indications relatives aux vitesses maximales et autres interdictions signalées par des pictogrammes.
Le véhicule applique la loi
Avec les véhicules entièrement autonomes, les lois devront s’appliquer autrement. Plutôt que de se manifester en pictogrammes installés le long des routes, les exigences des lois auront à être incluses dans les configurations techniques. Par exemple, dans un monde de véhicules autonomes, il devient plus efficace de prescrire les limitations de vitesse dans les spécifications obligatoires que doivent respecter les fabricants plutôt que de s’épuiser à garnir les voies routières de pictogrammes que personne ne regardera ! Les règles seront appliquées directement par le véhicule autonome.
Tout comme les autres objets connectés, les véhicules autonomes supposent un déplacement de la cible visée par la loi. Plutôt que de s’imposer aux conducteurs, les règles devront s’appliquer en amont, aux fabricants de ces objets « intelligents ». Attendre que les objets soient conçus pour ensuite faire des lois sur leur utilisation n’est plus une approche adéquate. La loi doit, plus que jamais, être proactive.
Emblématique des mutations annoncées par l’intelligence artificielle, la régulation des véhicules autonomes illustre le type de questions associées aux mises à niveau des lois. Avec la généralisation des objets autonomes, les lois devront être calibrées pour un univers dans lequel les exigences de prudence et de civilité devront être envisagées par anticipation et incluses dans la programmation de ces objets. Le défi est de commencer dès à présent à concevoir les lois que nos véhicules auront à appliquer !
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.