La transparence comme slogan

La transparence est un slogan commode ; cela fait recette lors des campagnes électorales. Elle passe aux oubliettes dès qu’on est bien installé aux affaires !

L’adoption, il y a quelques semaines, avec l’appui des trois principaux partis représentés à l’Assemblée nationale, du projet de loi 164 restreignant le droit d’accéder aux documents comportant les informations factuelles du conseil exécutif illustre comment la transparence demeure un slogan cosmétique camouflant la persistance de la culture du secret.

Ces changements apportés à la loi sur l’accès aux documents publics ont rendu confidentiels les documents du Conseil des ministres (et leurs équivalents) qui permettaient aux citoyens de connaître les raisons ayant amené le Conseil des ministres à prendre une décision. Ces documents sont désormais inaccessibles pour une période de 25 ans.

Recul majeur

 

Pour justifier ce recul, le gouvernement a invoqué la nécessité d’assurer la confidentialité de ses processus décisionnels. Pourtant, dès la mise en place de la législation sur l’accès aux documents publics, dans les années 70, il était entendu que les avis et recommandations des ministres demeuraient confidentiels, mais que la transparence justifiait de garantir le caractère accessible de la partie analytique des mémoires étudiés par le Conseil des ministres.

Jusqu’à l’amendement imposé par le projet de loi 164, les éléments d’information à caractère factuel, comme l’exposé des situations auxquelles la décision du gouvernement vise à remédier, la liste des lois existantes concernées par la décision, la description des solutions possibles à la problématique énoncée de même que les avantages et inconvénients de chacune des solutions possibles, les effets de la solution retenue, les implications financières et les effets sur les relations intergouvernementales, les implications territoriales et les implications sur les jeunes, étaient accessibles dès l’annonce de la décision, du dépôt du projet de loi ou de la publication du décret gouvernemental concerné. Désormais, ces informations ne sont plus accessibles aux citoyens.

Le recul est majeur : il prive le débat public d’éléments factuels d’information. Les possibilités de débats éclairés se compliquent. Voilà du combustible pour alimenter le cynisme qui prévaut dans plusieurs milieux. Lorsque le gouvernement peut camoufler à sa guise les éléments d’information qui permettraient de comprendre les enjeux et les solutions envisageables, le débat démocratique se trouve appauvri.

Le projet de loi 164 n’est que le plus récent d’une série de décisions étiolant le principe de la transparence gouvernementale. Alors que la loi sur l’accès aux documents publics est l’une des rares à prévoir une obligation de révision tous les cinq ans, les gouvernements traînent les pieds pour y apporter les mises à niveau périodiquement recommandées par la Commission d’accès à l’information.

Culture du secret

 

La nonchalance à assurer la mise à niveau de la loi sur l’accès contraste avec la célérité avec laquelle fut adopté le projet de loi 164. Alors qu’on soustrait des catégories entières de documents à la vue du public, on est en manque de temps pour faire adopter un projet de loi qui viendrait adapter la loi sur l’accès pour la rapprocher des standards internationaux en matière de transparence gouvernementale. Le temps des parlementaires sert à légiférer à la pièce pour cacher l’information.

L’avènement de la culture de la transparence qu’on espérait lors de l’adoption de la législation sur l’accès aux documents publics n’a jamais vraiment eu lieu. Au contraire, plusieurs organismes publics ont plutôt appris à développer des stratégies pour limiter le plus possible leurs obligations de donner libre accès aux documents publics qui ne sont pas clairement visés par une exception.

Par exemple, on a négligé de mettre en place des mesures exigeant que les documents des organismes publics soient classés de manière à en faciliter l’accès. Une disposition de la loi sur l’accès permet même aux organismes d’invoquer que leurs documents sont tellement mal gérés que le seul fait de les retrouver et de les trier afin d’y donner accès peut leur imposer un trop lourd fardeau ! Une prime à la gestion brouillonne des documents publics !

La loi sur l’accès aux documents publics a beau être d’application prépondérante lorsqu’elle vient en contradiction avec les autres lois québécoises, elle n’est pas venue à bout de la culture du secret. La loi n’a pas infléchi les réflexes politiciens, pas plus que ceux des officines gouvernementales.

Après quatre décennies de lois d’accès aux documents publics, la transparence demeure un slogan. Il faudra s’en souvenir lorsqu’un politicien convoitant le pouvoir nous assurera, une fois encore, la main sur le coeur, de ses engagements pour la transparence !

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