L’empathie passagère

Il ne passe plus une semaine sans que le gouvernement Couillard reçoive de bonnes nouvelles sur le plan de l’économie.

Pour la première fois, le coût d’emprunt du gouvernement du Québec est maintenant inférieur de 5 points de base à celui de l’Ontario. En 2014, il lui était supérieur de 19 points. À l’époque où il était ministre des Finances, Jacques Parizeau n’aurait même pas osé en rêver.

La semaine dernière, l’Institut de la statistique du Québec rapportait que l’année 2017 avait connu la plus forte création d’emplois en 15 ans. Selon les chiffres de Statistique Canada, la moitié des 32 000 emplois créés en mars dans l’ensemble du pays l’ont été au Québec, dont le taux de chômage (5,6 %) demeure inférieur à la moyenne canadienne (5,8 %).

Alors que les partis d’opposition et de nombreux commentateurs avaient fait leurs choux gras de la promesse électorale de créer 250 000 emplois en cinq ans, personne n’a contredit Carlos Leitão quand il a déclaré, dans son récent discours sur le budget, que l’objectif était en voie d’être atteint un an plus tôt que prévu.

Avec de tels résultats, on aurait pu s’attendre à ce que le PLQ fasse de la santé économique et financière retrouvée un thème majeur de la prochaine campagne électorale.

Samedi, lors d’une rencontre avec plusieurs centaines de jeunes organisée par Force Jeunesse, le premier ministre a pourtant déclaré : « Je ne vous apprendrai rien, j’espère, en disant qu’on ne fera pas campagne sur notre bilan tellement. »


 

M. Couillard se souvient peut-être que les libéraux étaient venus bien près d’être renvoyés dans l’opposition au printemps 2007, quand Jean Charest avait précisément commis l’erreur de faire campagne sur son bilan.

Dans celui qu’ils avaient eux-mêmes dressé, les électeurs avaient plutôt retenu les promesses non tenues, notamment en matière de santé, de même que la tentative de réingénierie de l’État, qui avait laissé un goût amer à plusieurs.

Les stratèges libéraux craignent avec raison qu’en invitant la population à poser un regard d’ensemble sur le mandat qui s’achève, le douloureux souvenir des années d’austérité éclipse les réinvestissements de dernière heure.

À partir du moment où le PQ s’est engagé formellement à ne pas tenir de référendum dans un premier mandat, M. Couillard ne pourra pas davantage se contenter d’agiter le vieil épouvantail, même si Pierre Karl Péladeau décidait d’effectuer un retour.

Le premier ministre n’a jamais explicité cette « transformation » du Québec qui devait suivre sa « restauration » économique et financière. La prochaine campagne serait un excellent moment pour définir enfin ce grand projet de société que cela semblait annoncer. On peut difficilement qualifier de visionnaire le fait de réparer des écoles qui tombent en ruine ou encore de prolonger une ligne de métro.

La modernisation de la Loi sur les normes du travail afin de « donner plus de temps » aux familles était sans doute une initiative dont il faut se réjouir, mais cela laisse le Québec encore loin derrière les sociétés les plus avancées à ce chapitre.


 

Sur quoi les libéraux feront-ils donc campagne ? Il fut un temps où la justice sociale semblait réellement faire partie des « valeurs libérales ». D’aucuns rêvent de voir leur parti renouer avec la tradition des Jean Lesage, Robert Bourassa, Claude Ryan.

En préface du plan de lutte contre la pauvreté 2017-2023, qui a été rendu public en décembre dernier, M. Couillard affirme vouloir positionner le Québec dans le peloton de tête des États industrialisés comptant le moins de personnes en situation de pauvreté.

Cet objectif est assurément louable. Le problème est que, depuis 20 ans, les libéraux ont tendance à se souvenir de leurs racines progressistes à la veille des élections pour mieux les oublier le lendemain.

L’arrivée de Jean Charest à la tête du PLQ avait coïncidé avec la publication d’un impressionnant rapport sur la pauvreté produit par un groupe de travail dirigé par Claude Ryan. M. Charest avait déclaré que ce rapport deviendrait une référence pour les années à venir, mais il faut bien constater que cette empathie a été bien passagère. C’est plutôt Mike Harris qui est devenu son modèle.

La crédibilité du message tient largement à celle du messager. À la notable exception d’Hélène David, qui a réagi de façon impeccable aux violences à caractère sexuel, on ne peut pas dire que l’équipe « sociale » du gouvernement Couillard projette une forte image de sollicitude pour les plus démunis. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité, François Blais, ne convaincra certainement personne que la lutte contre la pauvreté sera une priorité pour le PLQ.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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