S'intéresser à ses finances
Michel Marcoux, collègue de travail et auteur de la chronique Fonds d'investissement qui paraît dans Le Devoir chaque lundi, y est allé, lundi dernier, d'une tirade sur la limite de monsieur et madame Tout-le-monde à pouvoir acquérir une meilleure connaissance du monde du placement et, du coup, à mieux investir leur pécule. J'utiliserai exceptionnellement cet espace pour lui donner la réplique.
D'abord, je tiens à le remercier pour m'avoir encensé de la sorte dans sa chronique. Un encensement qui cependant avait un but précis: faire valoir que, pour bien investir à la Bourse, il faut être un maître du placement. Autrement... Je reviendrai sur cet autrement.Parlons d'abord de cette notion de «maître du placement». Faut-il être un Warren Buffet (cet investisseur américain est le deuxième homme le plus riche de notre planète, Bill Gates, le propriétaire de Microsoft, étant le premier), comme semble l'insinuer M. Marcoux, pour parvenir à bien gérer son argent? Bien sûr que non.
Mais il y a cette auréole de complexité entourant le monde du placement. Un monde devenu, à cause de cela, tabou aux yeux de plusieurs. Un monde accessible uniquement à quelques sorciers, pourrait-on croire. Une complexité qui nous vient de la façon dont l'industrie des services financiers s'est développée. Une industrie dont les acteurs — les banques, les fiducies, les caisses populaires, les firmes de courtage et autres firmes de conseillers — sont parvenus à s'interposer comme des intermédiaires presque incontournables entre l'épargnant et le monde du placement. Des intermédiaires se nourrissant de commissions et d'autres modes de rémunération souvent très élevés. Des intermédiaires créatifs dans le but évident de multiplier leurs sources de revenus.
C'est ainsi que l'industrie a accouché d'une multitude de produits financiers tels les fonds communs d'investissement (et là, il y en a toute une panoplie; il y aurait plus de fonds d'investissement que de titres à la Bourse), les unités de sociétés de fiducie, les unités fractionnées entre le dividende et le gain en capital, les iUnits, les certificats boursiers, etc. Autant de produits qui forment cette auréole de complexité entourant le monde du placement.
Des produits qui pourtant ne font que graviter autour d'un noyau dur, composé, lui, des véritables placements que sont les obligations négociables et les actions. Or tous les produits inventés par les institutions financières à titre d'intermédiaire ne sont qu'une façon indirecte (mais combien fort lucrative pour elles) d'investir dans les obligations et les actions.
Et si on parle des actions canadiennes, on compte à peine une cinquantaine de grandes entreprises dignes de faire partie de ce que je nomme le coeur du portefeuille de tout individu.
Accumuler des actions
Non, point n'est besoin d'être un Warren Buffet pour accumuler graduellement, sur faiblesse des cours, les actions de, au maximum, huit de ces grandes entreprises de façon à participer à au moins trois secteurs névralgiques de notre économie. Des placements qui rapporteront à l'épargnant bien davantage que la plupart des produits imaginés par les divers intermédiaires financiers. À telle enseigne que je suis convaincu que l'actionnaire de n'importe quelle de nos grandes banques s'est enrichi à long terme bien davantage que ceux ayant souscrit aux divers produits financiers offerts par ces mêmes grandes banques.
J'en fais d'ailleurs la démonstration toutes les deux semaines dans ma chronique «50 titres pour bâtir son portefeuille». Vous y découvrez l'impact de la magie du dividende élevé et croissant. Et quel impact dans le cas des grandes banques! Le cours de leurs actions et de leur dividende a plus que sextuplé en moins de 20 ans. Par exemple: de 1985 à aujourd'hui, le cours de l'action de la Banque Toronto-Dominion est passé de 6 $ à plus de 47 $, son dividende annuel, de 20 ¢ à 1,36 $ l'action; le cours de l'action de la Banque Scotia est passé de 3 $ à plus de 35 $, son dividende, de 17 ¢ à 1 $ l'action.
L'épargnant peut donc emprunter deux avenues pour accéder au monde du placement. Il y a celle préconisée par les divers intermédiaires financiers, où la multiplication des produits financiers de toutes sortes rend l'épargnant accro de leurs services, souvent trop bien rémunérés à titre d'intermédiaire. Et il y a celle beaucoup plus simple consistant à construire soi-même son portefeuille en accumulant directement sur faiblesse des cours (cela tout en gardant le cap) les actions de quelques grandes sociétés ayant un solide historique de versement de dividende. Dans ce dernier cas, les frais de transactions peuvent être contenus à leur minimum. L'épargnant s'assure ainsi de garder pour lui la grande part du rendement potentiel de ses placements.
Revenons maintenant à cet autrement par lequel M. Marcoux conclut que la plupart des gens ne doivent pas s'aventurer à la Bourse sans l'appui d'un bon conseiller. Là-dessus, je suis parfaitement d'accord avec lui. Oui pour un bon conseiller ou encore, comme je le préconise, pour une bonne lettre financière ou son équivalent (il s'agit ici à mes yeux de l'une des rares sources d'informations financières parfaitement objectives si, bien entendu, la lettre n'est pas produite par une firme vendant des valeurs mobilières) couvrant l'univers du placement précité.
Attention, toutefois, si l'épargnant opte pour l'avenue préconisée par les divers intermédiaires financiers. Car cette avenue donne sur un univers truffé de conflits d'intérêts de toutes sortes. Aussi l'épargnant doit-il absolument dénicher un très, très bon conseiller. Autrement, s'il tombe sur un vendeux de produits, il est fait à l'os, surtout s'il ne connaît rien au monde du placement. Là, il vaut mieux pour lui de limiter ses investissements aux produits d'épargne, dont ceux offerts par Placements Québec.
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