Les recrues de la CAQ

François Legault avait beau vanter les mérites de son « équipe du changement », il était le premier à savoir que la présence de quelques éléments prometteurs ne suffisait pas à lui donner l’allure d’une « équipe du tonnerre » capable d’inspirer confiance aux électeurs.

Après l’annonce du départ de trois poids lourds du PQ, qui semblait marquer la fin d’une époque, le moment était bien choisi pour commencer à faire entrer en scène ceux qui seront chargés de donner une image de compétence à la CAQ.

Personne ne voyait dans le député de Lévis, François Paradis, un futur ministre de la Santé. L’ancien animateur de télévision est un bon communicateur et il a joué son rôle de critique à l’Assemblée nationale de façon adéquate, mais les souliers de Gaétan Barrette sont nettement trop grands pour lui.

Même si le neuropédiatre Lionel Carmant faisait partie des signataires du manifeste de fondation de la CAQ et que sa compétence professionnelle est reconnue, ce choix n’apparaissait pas évident au départ, dans la mesure où l’entourage du chef caquiste estimait que la population en avait assez du monopole sur le ministère de la Santé que les médecins exercent de façon ininterrompue depuis 15 ans. Le dernier « civil » à l’avoir dirigé était d’ailleurs M. Legault.

S’il est vrai que les sondages encourageants des derniers mois facilitent le recrutement de candidats de valeur, encore fallait-il trouver quelqu’un capable de donner la réplique à M. Barrette, dont la condescendance envers tous ceux qui ne sont pas médecins confine parfois au mépris. Il lui sera plus difficile de traiter un confrère d’ignorant.

De son côté, M. Carmant risque moins d’être impressionné par les arguments d’autorité du ministre. Invité d’honneur au caucus présessionnel de la CAQ à Sainte-Adèle, il a lancé ses premières salves. Sans promettre de faire table rase des réformes de M. Barrette, il estime que ce dernier « n’a pas réussi à faire le travail ».

En le recrutant, M. Legault a fait d’une pierre deux coups. D’origine haïtienne, M. Carmant apporte une caution appréciable à la CAQ, où les néo-Québécois ne sont pas nombreux. Dans une entrevue à La Presse, il s’est dit en accord avec l’interdiction du port de signes religieux pour les agents de l’État en situation d’autorité, y compris les enseignants, de même qu’avec la baisse des seuils d’immigration que le parti propose.

 

Trouver un candidat crédible au poste de ministre des Finances était l’autre grande priorité de M. Legault. La CAQ n’avait jamais réussi à remplacer l’ancien député de Lévis, Christian Dubé, qui avait démissionné pour accepter un poste de premier vice-président à la Caisse de dépôt à peine quelques mois après sa réélection en 2014.

Pendant un moment M. Legault a vainement caressé l’espoir de le faire revenir en politique, et ses autres tentatives de recruter une personnalité en vue du milieu des affaires ont également échoué. Il a finalement jeté son dévolu sur le trésorier de la Banque Nationale, Éric Girard, qui avait défendu les couleurs du Parti conservateur à l’élection fédérale de 2015. Il n’a aucune expérience parlementaire, mais Carlos Leitão a fait la démonstration que cela n’est pas nécessaire.

Le député de Granby, François Bonnardel, avait pris la relève de Christian Dubé comme porte-parole en matière de finances à l’Assemblée nationale, mais il n’a pas le profil pour occuper le poste de ministre. Si la CAQ est appelée à former le gouvernement, il en sera plutôt le leader parlementaire.


 

S’il est important pour la CAQ de donner des gages de compétence, elle doit aussi se montrer rassurante. Malgré les annonces de réinvestissement que multiplie le gouvernement Couillard, les compressions budgétaires de la première moitié de son mandat ont laissé des souvenirs trop douloureux pour que la CAQ puisse se présenter devant l’électorat en promettant à nouveau un grand nettoyage.

Manifestement visé par la nouvelle publicité du PQ, qui demande aux Québécois s’ils souhaitent que l’État soit soumis à « un régime minceur austère » ou qu’il se mette au « gym », M. Legault a affirmé que « tous les services qui sont offerts actuellement continueront de l’être et plus ».

Celui qu’il destine au ministère de la Santé a fait lui aussi une profession de foi bien sentie dans le système public de santé. « L’important, c’est l’universalité des soins […] Je ne veux pas plus de privé », a assuré M. Carmant.

Il ne reste plus qu’à expliquer comment un gouvernement caquiste pourrait offrir plus de services tout en abaissant substantiellement les impôts.

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