La Bourgogne, mode d'emploi - 1
Vingt ans ferme que je planche sur la Bourgogne, que je la caresse des yeux sur la carte détaillée des communes, crus et climats des auteurs Sylvain Pitiot et Pierre Poupon, que je la hume, que je la goûte, que je la palpe, que je la retourne dans tous les sens et avec tous les sens, vingt ans, donc, et, toujours, la Bourgogne attise et séduit mais aussi méduse et confond.
Une sacrée capricieuse doublée d'une royale audacieuse qui vous happe au passage et vous promet le Graal si vous êtes sage et le reste si vous ne l'êtes pas. La méritez-vous ?Tout est là. Ici plus qu'ailleurs, il faut faire ses devoirs pour s'offrir à la clef ces femmes et ces hommes qui la font. Et qui, hélas, dans certains cas, la défont aussi. J'ai privilégié la première option lors de la dernière édition (la septième) des Grands Jours de Bourgogne, en mars dernier, où j'étais invité à titre de journaliste étranger.
Par où commencer ? Quelques chiffres, d'abord. La Bourgogne du vin, ce sont 4500 domaines, 112 maisons de négoce et 19 coopératives livrant sur le marché quelque 174 millions de bouteilles dont près de la moitié (48,5 %) partent à l'export [source : Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), mars 2003].
Si l'Angleterre demeure encore une alliée fidèle, les ventes ont toutefois baissé de 20 % sur le marché américain cette année avec, au final, 8 % en moins sur le plan de l'export tous azimuts. Ajoutez une monnaie forte combinée à une production en baisse de 40 % pour un millésime 2003 caniculaire qui met déjà le feu aux poudres des prix et vous comprendrez qu'il y a quelques millilitres d'inquiétude dans l'air au pays de Philippe le Hardi.
Bien sûr, les appellations grands crus (qui ne représentent, soit dit en passant, que 1,5 % des volumes produits) sont chères, mais il faut aussi se rendre à l'évidence que la Bourgogne offre, pour ce qui est de ses appellations régionales et communales, de bonnes affaires à prendre.
Elle demeure en tout cas très concurrentielle avec ce que le marché bordelais propose à l'intérieur de la même catégorie. Son maillon faible ? Encore trop souvent, le vin de la base, en appellation régionale. Un maillon dont il faudra resserrer le niveau de qualité, ce que les Bordelais ont compris depuis quelque temps déjà.
Paraît-il aussi que la Bourgogne blanchit. Des observateurs, comme le bien sympathique Jean-Charles Servant, du BIVB, m'indiquaient à ce sujet que l'équilibre pour moitié rouge, moitié blanc des vins produits au cours des années 80 s'inverse graduellement depuis une dizaine d'années en faveur du blanc, qui frise dorénavant les 64 % de la production totale en volume, du moins pour les appellations régionales et communales.
Visiblement, le chardonnay a la cote. Mais dites-moi, comment s'y retrouver au delà de la centaine d'appellations d'origine contrôlée qui délimitent le paysage de la Grande Bourgogne ? Pas évident, mais, encore une fois, il faut faire ses devoirs.
Ma suggestion ? Choisissez d'abord le vigneron ou le négociant qui a fait ses preuves. Du moins en ce qui concerne votre palais.
Parce qu'ils se partagent souvent sur plusieurs appellations, du bourgogne régional aux grands crus en passant par les premiers crus, vignerons et négociants seront à même de vous proposer une palette de vins, en blanc comme en rouge, susceptibles de vous faire découvrir la Bourgogne sur le terrain, à même les nombreux climats et lieux-dits qui la dessinent.
Comparez ensuite les styles de chacun pour affiner un peu plus votre choix. Enfin, élargissez scrupuleusement l'éventail en misant sur les valeurs montantes. Et elles sont nombreuses !
Un conseil cependant : ne vous saisissez pas de la Bourgogne d'un seul coup, suivez plutôt vos guides, au fil des millésimes. Qui trop embrasse mal étreint, à ce qu'il paraît. Le charme de la Bourgogne tient peut-être justement à ce qu'elle vous tient longuement en haleine en ne se livrant qu'aux plus entreprenants. Moi, ça fait 20 ans que ça dure, alors...
Vous voulez justement en savoir plus sur ces valeurs montantes ? Un abonnement à la chic revue Bourgogne aujourd'hui s'impose.
Passez voir le site www.bourgogne-aujourdhui.com.
Bravo, les filles !
Quatre candidats, dont trois femmes, et une gagnante : Élyse Lambert, de l'Auberge Hatley, qui remportait le lundi 5 avril dernier le titre de meilleure sommelière du Québec 2004 lors de ce concours annuel qui portait sur les vins, les spiritueux, les thés, les eaux et les cafés du monde entier.
Mme Lambert devient à ce titre la première femme au Québec à recevoir ce titre. Véronique Rivest (restaurant Les Fougères à Chelsea) et Danielle Dupont (restaurant Baccara à Hull) ont respectivement remporté les deuxième et troisième positions.
Seul homme au tableau (mais pas une ombre pour autant) : Philippe Lapeyrie, du restaurant La Chronique, à Montréal. Champagne !
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La semaine prochaine : le millésime 2003, découvertes et rencontres lors des Grands Jours
de Bourgogne.
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Info SAQ : (514) 873-2020, 1 866 873-2020 ou www.saq.com. Potentiel de vieillissement du vin 1 : moins de cinq ans ; 2 : entre six et dix ans ; 3 : dix ans et plus.
jean-aubry@vintempo.com
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La bonne affaire
Sauvignon blanc 2002, Baron Philippe de Rothschild, Vin de pays d'Oc (12,15 $)
Un blanc sec, net, franc et linéaire avec sa verve fruitée évoquant la pomme verte et le citron mûr. Bel équilibre d'ensemble. (1) Note: 2,5/5
L'américain
Special Selection 2000, Napa Valley, Caymus (174 $)
Un cabernet sauvignon de haute voltige, coloré, parfumé et exubérant mais sans verser dans la caricature, taillé dans une matière de premier ordre. Trame tannique puissante et soutenue, fruit de haute densité savoureuse fondu sur une trame mûre, fine, fraîche, judicieusement boisée et... très longue. Cher, mais la qualité est dans le verre. (3) Note:4/5 Carafe
La primeur en blanc
L'If 2001, Grenache Blanc, Mont-Tauch, Vin de pays du Torgan (15,50 $
Voilà un solide blanc vineux et aromatique avec ses saveurs pleines, miellées et balsamiques qui s'imposent sans même nous demander notre avis, mais qu'importe, c'est bon. Surtout sur la cuisine vietnamienne contrastée et relevée. (1) Note: 2,5/5
La primeur en rouge
Fixin 2000, Faiveley (32 $)
Farouche, le gaillard, mais aussi sans compromis. Un 2000 pour le moment un rien austère mais très pur sur le plan fruité, ferme comme il se doit sur celui de la structure, révélateur fidèle du terroir de Fixin. À savourer sur une pintade braisée aux choux de Bruxelles, rien que ça. Une maison fiable, comme toujours. (2) Note: 3,5/5 - Carafe
Le vin plaisir
Cabernet Sauvignon 2002, Vineland Estate, péninsule de la Niagara (19,95 $)
Sans doute la cuvée la plus complète goûtée à ce jour en raison d'une maturité fruitée tout simplement exceptionnelle. Ce qui n'est pas rien sous nos latitudes. Texture fraîche, soyeuse et de bonne densité pour un vin au profil allongé, élégant et bien proportionné. Gagnera en sucrosité sur le rôti de veau au jus. (1) Note: 3/5