L’hémorragie

Que François Gendron prenne sa retraite après 41 ans de service, cela fait sans doute partie de cette « transition naturelle en politique » qu’a évoquée Jean-François Lisée. On peut aussi comprendre que Nicole Léger avait le sentiment d’arriver au bout du rouleau. Qu’Alexandre Cloutier quitte le PQ à 40 ans n’a cependant rien de naturel.

Tout le monde avait constaté que le deuxième échec du député de Lac-Saint-Jean en autant de courses à la chefferie avait laissé des séquelles, mais il semblait avoir retrouvé un peu de son allant dans son rôle de porte-parole en matière d’éducation.

M. Cloutier ne vient certainement pas de découvrir la « partisanerie » qui caractérise la vie politique, au Québec comme ailleurs. Si le PQ avait le vent dans les voiles et que la souveraineté n’avait pas été placée sur une voie de garage, elle lui aurait sans doute été plus facile à supporter. D’ailleurs, s’il la trouvait si intolérable, il n’évoquerait pas déjà la possibilité d’un retour.

Lac-Saint-Jean fait partie de la poignée de comtés que le PQ pourrait conserver si les résultats de la prochaine élection ressemblent à ceux des récents sondages, mais être simplement le rescapé d’un naufrage ne laisse pas entrevoir des perspectives très réjouissantes dans une législature.

Ses relations avec Jean-François étaient demeurées cordiales, a-t-il assuré. C’est bien le moins que le chef du PQ n’ait pas accablé son malheureux rival. C’est cependant un secret de polichinelle que les deux hommes avaient de profondes divergences, notamment sur les questions identitaires.


 

Même si Agnès Maltais a annoncé son départ en rendant un vibrant hommage à M. Lisée, il n’en est pas moins de mauvais augure pour le PQ. Pendant 20 ans, elle a persévéré dans Taschereau contre vents et marées. Sans elle, il pourrait tomber lui aussi aux mains de la CAQ, grâce à Québec solidaire, qui ne cesse de gruger la base péquiste.

Quant à Nicolas Marceau, à qui on prête aussi l’intention de ne pas se représenter, ses chances de conserver sa circonscription de Rousseau, située en plein Caquistan, semblent infimes. Son collègue de Bertrand, Claude Cousineau, dont le départ est également anticipé, ne peut pas être beaucoup plus optimiste, et d’autres doivent actuellement faire le même calcul.

À l’aube d’une année électorale, il est normal que certains annoncent leur retraite, et la tenue d’élections à date fixe leur impose de le faire dans un délai raisonnable. Il y aura aussi des départs au PLQ, mais cette bousculade vers la sortie du PQ donne une impression d’hémorragie qui n’est pas de nature à faciliter le recrutement de candidats de calibre.


 

Quelle conclusion Jean-Martin Aussant tirera-t-il de tout cela ? Dans l’hypothèse d’un retour au PQ, l’ancien chef d’Option nationale tenait à se présenter dans une circonscription montréalaise, et le départ de Nicole Léger libérera Pointe-aux-Trembles, où elle l’avait emporté avec 5329 voix de majorité sur la CAQ en 2014.

Jean-François Lisée, qui n’a plus rien à perdre, est certainement prêt à dérouler le tapis rouge pour l’accueillir et même à le laisser dire tout ce qu’il voudra. Ceux qui ont été démobilisés par le report du référendum pourraient voir dans son retour un signe que tout n’est pas perdu. La question est plutôt de savoir si M. Aussant jugera personnellement avantageux d’embarquer sur un navire en perdition.

Après avoir quitté le PQ pour fonder son propre parti, il y reviendrait vraisemblablement avec l’objectif de le diriger, et les chances que M. Lisée survive à la prochaine élection sont pour le moins incertaines. À moins que M. Aussant ne décide de faire table rase, de fonder un nouveau parti et de tenter de bâtir une nouvelle coalition avec Québec solidaire ? Qui sait, cela redonnerait peut-être à Alexandre Cloutier le goût de la politique.

Quelles que soient ses intentions, l’Assemblée nationale ne serait pas un mauvais point de départ, et aller au front avec ceux qu’il a jadis laissés tomber ne peut que servir ses aspirations.

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