Hors-jeu: Tout ou rien
Si vous avez prêté l'oreille au fond de l'air ces dernières heures, vous savez déjà que les séries éliminatoires sont une autre saison. Dans l'univers fascinant du sport professionnel nord-américain, il y a une saison régulière et une autre qui, mettons, souffre de problèmes de régularité. C'est là que ça se joue. Toute la saison régulière ne veut plus rien dire. C'est un tout nouveau match. Il n'y a pas de lendemain. On sépare les hommes des enfants. Ceux qui ont le plus de coeur gagnent. Faut être prêt à se donner pour l'équipe. Personne ne peut se cacher sur la patinoire. Tout le monde cache des blessures. Toutes les prédictions se valent. Les occasions ratées reviennent vous hanter. Aucune avance n'est confortable. Il faut éviter les mauvaises punitions. Tout peut arriver. Prendre les matchs un par un. Respecter l'adversaire sans le surestimer.
Et puis euh. Dire «et puis euh» à la fin de chaque phrase.Et il n'y a pas de point pour une défaite en prolongation, non messieurs dames, c'est tout ou rien, do or die, winner takes all, il faudra revenir plus fort la prochaine fois, on a tout essayé mais elle voulait juste pas rentrer.
Si vous avez eu vent d'avoir entendu parler de l'écho de la rumeur, vous connaissez aussi toute l'importance du gardien de but en séries. C'est bien vrai, ça. À preuve, une fois, un club a essayé de disputer les séries sans gardien de but, et il a perdu.
Par ailleurs, certaines personnes subodorant à juste titre que mononcle Rogatien a le don de voyance extralucide médiumnique lui ont demandé de faire quelques prédictions pour les aider à s'enrichir sans trop travailler. Or, selon sa boule en véritable imitation de simili-plexiglas, voici sans engagement de votre part:
1. Il y aura des surprises auxquelles on ne s'attend pas.
2. Toutes les séries serrées seront longues. Toutes.
3. Aucune équipe ne parviendra à effectuer une remontée en prolongation. Aucune, peu importe le nombre de matchs.
4. À un moment donné, quelqu'un à la télévision va dire: «C'est du hockey de séries.»
5. À un moment donné, quelqu'un à la télévision va parler de l'importance des buts en fin de période.
6. À un moment donné, quelqu'un à la télévision va parler de l'importance des buts en début de période.
7. À un moment donné, quelqu'un à la télévision va parler de l'importance des buts.
8. À un moment donné, quelqu'un à la télévision va dire que la défensive gagne les championnats.
Comme dans le bon vieux temps de M. BIT, d'autres prédictions vous seront communiquées à mesure que la situation évoluera.
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Qui a dit que les amateurs de sport étaient des gougnafiers dépourvus de bonnes manières, hein, qui? Je n'en ai pas la moindre idée, mais il fallait que je place trois fois «gougnafiers», rapport à une gageure idiote. Donc, non, il n'est pas un gougnafier, le fan. Voyez plutôt.
Selon un sondage réalisé auprès de 8500 célibataires pour le compte de l'agence de rencontres («pour professionnels occupés») It's Just Lunch, Inc. et rapporté par Sports Weekly, 77 % des hommes accepteraient en effet de bon gré que leur date* veuille s'en aller avant la fin d'un match de baseball auquel ils assisteraient.
(*Sans équivalent français. On me suggère dans le creux du tympan que «prospect» serait toutefois pas mal et assez approchant.)
Le sondage ne précise cependant malheureusement pas si ces galants messieurs s'en iraient avec madame ou la laisseraient simplement partir en continuant eux-mêmes de suivre l'action.
Par ailleurs, 85 % des femmes pensent que neuf est un bon nombre de manches pour un match de balle. De leur côté, 31 % des hommes croient qu'il serait préférable de ne disputer que sept manches, sans doute pour éviter que madame veuille mettre les bouts avant la fin.
Deuxième par ailleurs, 67 % des hommes considèrent qu'une demande en mariage faite publiquement au tableau indicateur est embarrassante, et 8 % trouvent la chose romantique.
Troisième par ailleurs, 90 % des femmes prétendent se préparer avant d'aller voir un match de baseball, soit en lisant les pages sportives (31 %), soit en apprenant les noms des joueurs principaux (30 %), soit en se familiarisant avec les règlements.
Selon mes sources dans le domaine de la menterie pour se rendre intéressant, It's Just Lunch, Inc. pourrait se traduire par «C'est juste une sandwich au jambon passé au p'tit moulin, du fromage jaune orange, un Jos Louis et un ginger ale diète, mais j'adore l'opéra allemand, les tours de machine le dimanche et mon sens de l'humour».
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Si vous affectionnez la connaissance inutile — dont, me signale un ami lecteur qui a du temps pour ça, l'anagramme est «insouciance en lisant» —, courez vite vers le numéro annuel spécial baseball de Sports Illustrated. Plusieurs délectables pages sur la révolution statistique que connaît actuellement ce sport grâce aux machines postmodernes (pas celles dans lesquelles on va faire un tour le dimanche) et à des intellectuels de centre-gauche qui s'ennuient à calculer des sinus de cotangentes.
Quantité de mythes relatifs à la balle y sont pourfendus. Par exemple, le clutch hitter, ce frappeur qui se démarque dans les situations corsées, n'existe pas: statistiquement, il est démontré que les joueurs qui excellent sous pression sont des joueurs qui excellent tout le temps. De même, l'idée voulant qu'il arrive souvent que le joueur qui termine une demi-manche avec un jeu spectaculaire en défensive soit le premier frappeur de son équipe au tour suivant est fausse. Voyez comme un monde s'écroule. Ça nous apprendra à avoir des certitudes sans les soumettre à un prétest rigoureux.
Par ailleurs, j'ai le regret de vous apprendre que la moyenne au bâton comme instrument de mesure de la valeur d'un joueur à l'attaque, c'est fini. Trop simple. Désormais, il faut calculer le Raw Equivalent Average, qui se détaille ainsi: [coups sûrs + total de buts + 1,5 x (buts sur balles + atteints d'un lancer) + vols de buts + amortis sacrifices + ballons sacrifices] divisé par [présences au bâton + buts sur balles + atteints d'un lancer + amortis sacrifices + ballons sacrifices + retraits en tentative de vol + (buts volés divisés par 3)].
C'est ça qui est ça.