Un «tweet» de Donald Trump qui rate sa cible

Utiliser plus parcimonieusement Twitter ne figure manifestement pas au menu des bonnes résolutions du président Trump pour la nouvelle année. Si ses épanchements sur le réseau social au sujet de la taille de son bouton nucléaire ont relancé la saga de son affrontement avec le leader nord-coréen, Kim Jong-un, son premier tweet de 2018 fut consacré à un autre pays avec lequel Washington a maille à partir : le Pakistan.

En substance, Donald Trump dénonçait les « mensonges et duperie » d’Islamabad et accusait le régime pakistanais de ne pas suffisamment combattre les groupes terroristes qui utilisent son territoire pour organiser des attaques en Afghanistan. Ce courroux présidentiel à l’encontre du Pakistan n’est ni soudain ni une lubie spécifique à Donald Trump. Alors que ce dernier a engagé les forces armées américaines dans un nouveau sursaut en Afghanistan, l’attaque en règle lancée cette semaine risque néanmoins de s’avérer inefficace et contre-productive.

Une frustration constante

 

Fin août dernier, alors que son gouvernement dévoilait sa stratégie pour l’Asie du Sud, le président Trump se montrait déjà particulièrement virulent en affirmant que les États-Unis ne pouvaient plus rester silencieux face à la passivité pakistanaise vis-à-vis des groupes terroristes. Environ 250 millions de dollars d’aide militaire que Washington avait prévu de fournir à Islamabad au titre de l’année budgétaire 2016 avaient alors été gelés. Le versement était conditionnel aux progrès que les autorités pakistanaises devaient réaliser dans la lutte contre le réseau Haqqani. Clarifiant le tweet présidentiel du 1er janvier, un porte-parole de la Maison-Blanche a précisé que ce sont ces mêmes fonds que le gouvernement Trump ne versera pas, pour le moment, au Pakistan. Rien n’a donc foncièrement changé depuis août dernier.

Plus largement, la frustration américaine à l’encontre de l’allié pakistanais apparaît comme une constante depuis le 11 septembre 2001. Si George W. Bush avait cru voir dans le président Pervez Musharraf un partenaire solide pour combattre al-Qaïda, ses successeurs n’ont pas caché leur mécontentement vis-à-vis de cet autre allié compliqué. Alors candidat à l’élection présidentielle, Barack Obama avait menacé de mener des opérations militaires unilatérales contre des groupes terroristes trouvant refuge au Pakistan. Il a nettement tenu cette promesse au cours de ses deux mandats en autorisant un nombre conséquent de frappes de drones dans les régions tribales du nord du pays.

Plus spectaculaire, il a ordonné début mai 2011 le raid contre le camp où était retranché Oussama Ben Laden, non loin de l’académie militaire pakistanaise, sans en avertir ses interlocuteurs à Islamabad. Deux ans plus tôt, lors de la présentation de la stratégie pour l’Afghanistan et le Pakistan, le gouvernement Obama avait déjà qualifié le dernier de sanctuaire pour les groupes terroristes. Tout comme Donald Trump, le président Obama a également décidé à de nombreuses reprises de suspendre des versements de fonds.

Un allié compliqué

 

Depuis 2002, les États-Unis ont accordé environ 34 milliards de dollars d’aide, essentiellement de nature militaire, au Pakistan. Les tensions actuelles laissent penser que la tendance déjà observée d’une diminution de ce soutien financier important (il est de 345 millions de dollars pour l’année fiscale 2018, contre 526 millions en 2017) devrait se poursuivre au cours des prochaines années. Malgré une insatisfaction et une impatience manifestes du côté américain, Washington ne peut pourtant pas se permettre de couper tout simplement les vivres à Islamabad pour deux raisons essentielles.

Premièrement, le programme nucléaire pakistanais est actuellement dans le monde celui qui connaît les développements les plus rapides, notamment en matière d’armes dites « tactiques ». Or, les failles de ce programme ainsi que sa propension à s’exporter alimentent les pires cauchemars chez les Américains et leurs alliés. Toute instabilité du pays qui pourrait résulter d’un arrêt brutal de l’aide américaine est donc considérée comme une menace inacceptable qui pourrait faire en sorte que du matériel nucléaire tombe entre de mauvaises mains.

Deuxièmement, l’approvisionnement des 14 000 soldats américains actuellement présents en Afghanistan transite par les ports et les routes pakistanaises. Même si Islamabad et Washington ne sont pas sur la même longueur d’onde dans la lutte contre le terrorisme, ce dernier ne peut absolument pas se permettre de couper les ponts avec le premier. La sécurité et les maigres chances de succès de ses troupes dans la plus longue guerre de son histoire en dépendent.

Trump aime à proclamer vouloir corriger les erreurs de ses prédécesseurs, particulièrement celles d’Obama. Concernant le Pakistan, il s’inscrit pourtant dans une continuité infructueuse. À ne pas comprendre leurs alliés ni connaître leurs ennemis, les États-Unis sont condamnés à répéter les mêmes erreurs.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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