Informer et protéger
Le rapport de la Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques, présidée par le juge Jacques Chamberland, propose la mise en place de mesures afin de protéger le matériel et les sources journalistiques et de mieux encadrer les rapports entre les élus et les corps de police. Le rapport met en avant des solutions pragmatiques pour assurer à la fois la protection du droit du public à l’information et l’indépendance de la police quant aux pouvoirs politiques.
La recommandation phare est l’adoption, pour les matières qui relèvent de la juridiction du Québec, d’une loi assurant la protection du matériel et des sources journalistiques. Une telle loi devrait garantir le droit du journaliste de se taire devant un tribunal et de refuser de répondre aux questions et demandes de documents relatives à l’information qu’il a recueillie dans le cadre de ses activités journalistiques. Il s’agit de protéger non seulement l’identité des sources, mais également tous les documents et renseignements détenus par un journaliste dans l’exercice de ses fonctions. La protection s’étendrait aussi aux collaborateurs du journaliste. Le journaliste peut choisir de ne pas revendiquer l’immunité, mais lorsque l’identité d’une source confidentielle risque d’être dévoilée, le juge doit intervenir d’office pour faire respecter la confidentialité.
La Commission a tenu compte de la nécessité pour les tribunaux d’accéder à des informations dans les circonstances rares où celles-ci sont cruciales pour éviter une injustice manifeste. C’est pourquoi elle recommande que le droit au silence du journaliste cesse lorsque certaines conditions sont remplies : à savoir que la preuve revêt une importance déterminante, qu’il n’existe aucun autre moyen par lequel la preuve peut raisonnablement être obtenue et que la pondération des intérêts publics en cause penche en faveur de la levée de l’immunité. On parle ici d’un très petit nombre de situations qui ont un caractère exceptionnel.
De même, la surveillance de journalistes ou la saisie de matériel journalistique ne seraient possibles que s’il n’existe aucun autre moyen par lequel l’élément de preuve recherché peut raisonnablement être obtenu et que la pondération des intérêts publics en cause justifie la saisie ou la perquisition.
Les recommandations de la Commission visent à protéger l’activité journalistique. Les règles proposées visent à garantir la capacité des médias d’obtenir des informations de personnes qui ne seraient pas en mesure de parler à visage découvert. Si les mesures recommandées devenaient loi, les journalistes pourraient garantir à leurs sources que les informations qu’ils communiquent seront portées à la connaissance du public sans qu’ils aient à craindre des représailles. C’est de cette façon que ces mesures pourront procurer une certaine protection aux lanceurs d’alerte.
L’indépendance de la police
L’autre série de recommandations de la Commission vise à « consacrer législativement le principe de l’indépendance de la police dans la conduite des enquêtes criminelles et des opérations liées à la réalisation de sa mission ». Un directeur d’un corps de police devrait être en droit de refuser de répondre à une demande d’un élu s’il estime que celle-ci constitue une ingérence dans la conduite des enquêtes ou des opérations. Par contre, la Commission convient que les élus ont la responsabilité de définir les orientations générales en matière de services de police. Ces décisions devraient être prises dans le cadre de processus publics et transparents. De même, il importe d’encadrer aussi bien « les communications directes entre les autorités politiques et la direction du corps de police que les demandes d’information qu’elles peuvent formuler au corps de police dont elles sont responsables ».
Il est aussi recommandé d’améliorer la formation des policiers en matière d’enquête impliquant notamment la surveillance des conversations dans les environnements électroniques. De même, il est préconisé de renforcer le suivi des processus par lesquels les policiers demandent et obtiennent des autorisations judiciaires de perquisitionner ou de faire de la surveillance. La Commission met aussi en avant un ensemble de mesures afin de garantir que les activités de surveillance de journalistes ne soient menées que dans des conditions bien définies et à la connaissance des autorités policières et judiciaires.
Il est dommage que la Commission n’ait pas jugé opportun de recommander de renforcer la protection des lanceurs d’alerte et de limiter la portée des exceptions aux lois sur l’accès aux documents publics. Mais il semble certain que la mise en place des propositions qu’elle met en avant va améliorer la capacité des médias d’informer le public et de contribuer à crédibiliser les pratiques policières.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.