Les métiers de bouche dans la boucle alimentaire

Environ 80 personnes du milieu de la restauration et de la petite agriculture ont participé à une dégustation régionale dans le cadre du programme d’USC Canada. Cette organisation appuie les petits producteurs pour sauvegarder les semences (indigènes et d’héritage), valoriser les variétés régionales et encourager l’agriculture biologique.
Photo: Jean-François Boyd Environ 80 personnes du milieu de la restauration et de la petite agriculture ont participé à une dégustation régionale dans le cadre du programme d’USC Canada. Cette organisation appuie les petits producteurs pour sauvegarder les semences (indigènes et d’héritage), valoriser les variétés régionales et encourager l’agriculture biologique.

«Dhabitude, je mets plein de beurre pour mon poireau. Mais là, je l’ai juste fait en vinaigrette, tellement il est sucré et goûte bon l’oignon », dit Étienne Huot du restaurant La Récolte Espace local. Face au chef, Patrice Fortier de la Société des plantes, qui explique alors le pourquoi du comment de cette variété d’hiver au goût si différent. Lorsqu’un chef et un semencier se rencontrent, cela donne ce genre d’échanges.

Plus tard dans la soirée, je retrouve mon semencier kamouraskois (dont on peut voir le travail et la philosophie dans l’excellent documentaire Le semeur de Julie Perron). Posté devant le bar-comptoir du salon de thé Cardinal à Montréal, où se déroule l’événement de dégustation De la semence à l’assiette, une rondelle de carotte blanche à la main, Patrice raconte l’histoire de ce légume-racine. « Tu vois, cette variété de carotte remonte au XIXe siècle. On la faisait pousser exprès pour nourrir les chevaux. »

En plus de me prendre ce soir-là pour une jument du XIXe, j’ai un gros coup de coeur pour cette carotte blanche à collet vert (son petit nom). Puis, ce sont deux variétés de navet, dont une extrêmement aplatie, que je goûte en compagnie de jeunes semenciers en devenir. On replie la fine rondelle de navet pour contrôler sa résistance, on la place entre notre champ de vision et une source de lumière pour admirer en transparence son réseau fibreux, on compare son piquant avec l’autre.

Un « tripatouillage » de légumes

Un « tripatouillage » de légumes fortement encouragé ! Car l’objectif de cette soirée, tenue par l’organisme USC Canada et ses partenaires dans le cadre de l’initiative de la famille Bauta sur la sécurité des semences au Canada (la collègue Lise Gobeille en a déjà parlé dans sa page Le coin vert), est de susciter les échanges entre semenciers-fermiers et les restaurateurs, les chefs, les traiteurs, les boulangers… D’intégrer tout ce monde de bouche dans la boucle afin que ceux qui sèment et récoltent aient un retour gustatif de la part de ceux qui transforment cette matière vivante première, et nouvelle puisque encore non mise sur le marché.

Car il y a des évidences pour des chefs ou des boulangers. Comme cette courge qui a rejeté trop d’eau à la cuisson, ce chou-rave qui manque de complexité sur le plan des saveurs lorsqu’on le sert cru, ce maïs qui ne s’est pas laissé facilement transformer. Ou encore ce blé patrimonial auquel on doit apporter beaucoup d’humidité si on veut obtenir une mie moelleuse.

Ainsi, certaines variétés céréalières ou maraîchères ne tiennent pas la route une fois passées sous le couperet ou à la casserole ! D’où la pertinence de greffer un volet de dégustation régionale à un programme de sélection végétale et de rendre le tout participatif. D’autres programmes similaires le font déjà, par exemple The Culinary Breeding Network à Portland, en Oregon, ou Seed to Kitchen Collaborative à Madison, au Wisconsin. Inspirants.

Au sein de ces réseaux, des chefs américains, dont certains très réputés comme Dan Barber, participent régulièrement à des tests de produits. Leurs retours permettent alors de développer des méthodologies pour savoir comment appréhender de futures variétés du point de vue de leurs qualités culinaires. Avec ce premier événement De la semence à l’assiette, c’est cela que souhaite mettre en place Laura Howard, instigatrice et coordinatrice de cette soirée.

Un acte complexe

 

Car goûter reste un acte très subjectif et complexe, qui dépend d’une multitude de facteurs : la température de l’aliment, l’ambiance dans laquelle il est consommé (bruit, silence), notre humeur, notre appétit (satiété), notre état de santé (rhume), nos habitudes alimentaires (culture, préjugés), le tabac, l’alcool, etc. L’idée est donc de parvenir à établir une grille d’analyse commune.

Bien entendu, il s’agit aussi et surtout de redonner du pouvoir aux semenciers et aux producteurs locaux, à la petite agriculture, en engageant d’autres groupes, d’autres acteurs importants dans ce processus alimentaire crucial (puisqu’il est le point de départ avant d’atteindre nos assiettes). Une chose qui a été oubliée, voire honnie, bannie, avec l’agriculture intensive (le système traditionnel ayant mis l’accent sur la rentabilité, la performance, etc.). Pour revenir au goût, semenciers, fermiers et chefs tracent le chemin.


Artisans montréalais + miel de Bonneau = parcours gourmand

Éclair pomme-miel (Patrice Pâtissier). Chocolat au lait avec nougat au miel (Chocolats de Chloé). Savarin au rhum et sa chantilly au miel (Fabrique Arhoma). Beigne trempé dans le miel chaud (CRémy). Granola croquant miellé (Rhubarbe). Gâteau aux carottes surmonté d’une meringue miel, citron confit et pistaches (Fous Desserts). Crème glacée à la vanille marbrée de miel (Les Givrés). Sous-entendu : miel de Bonneau.

En effet, derrière ces créations, les sept artisans soutiennent le projet de réinsertion sociale en apiculture urbaine de l’Accueil Bonneau en lui achetant du miel et en le mettant en valeur. Si vous butinez aux sept endroits, on vous remettra un petit pot de ce miel très floral, aujourd’hui récolté dans une soixantaine de ruches. Jusqu’au 31 octobre. Avec un concours photo organisé sur les réseaux sociaux.

Une nouvelle boulangerie à NDG

Martin Falardeau, ancien copropriétaire de la boulangerie Le Pain dans les voiles à Montréal, nous revient (sa conjointe gère la boutique) avec ce nouveau projet qui pousse un peu plus loin son travail de boulanger… meunier ! Intégrer aux pains des farines moulues sur place devra toutefois encore attendre, car la livraison de la machinerie prévue pour ce faire a pris du retard. Patience donc !

D’ici là, on goûte aux pains, dont toutes les recettes et toutes les méthodes de travail et de cuisson ont été revues. Les baguettes continuent d’être cuites tout au long de la journée, et de magnifiques gros pains sont vendus au quart. S’ajoute à cela un alléchant comptoir à pâtisseries. La Meunerie urbaine, 6151, avenue de Monkland, Montréal.

Zéro déchet

Les 14 et 15 octobre se tiendra le Festival Zéro Déchet de Montréal, au Marché Bonsecours. Le chef Daniel Vézina est le porte-parole de cette première édition. Le Devoir y reviendra dans le cahier Week-End du vendredi 13 octobre.
 


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