Deux poids, deux mesures

Au cours des dernières années, le Québec a fait de gros efforts pour épurer ses moeurs politiques. Le rapport de la commission Charbonneau, qui n’a distribué aucun blâme, a sans doute causé une grande déception, mais cet examen de conscience collectif a néanmoins eu l’effet d’un rappel à l’ordre.

Sur le plan législatif, l’accent a été mis essentiellement sur le resserrement des règles qui régissent le financement des partis politiques et l’octroi des contrats publics. Les Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et autres ont théoriquement droit à la présomption d’innocence tant qu’ils n’ont pas été jugés, mais l’opinion publique les a déjà condamnés. Même si ses commettants de Québec semblaient disposés à lui pardonner, Sam Hamad a payé lui aussi le prix politique de son « imprudence ».

La fin abrupte de la brève aventure des candidats du PLQ et de la CAQ à l’élection partielle dans Louis-Hébert, pour cause de harcèlement psychologique dans leur vie antérieure, marque une nouvelle étape dans cette épuration. Contrairement à Gerry Sklavounos ou à Pierre Paradis, les gestes reprochés à Éric Tétrault et Normand Sauvageau n’avaient aucun caractère sexuel. Ni l’un ni l’autre n’ont fait l’objet d’une plainte à la police. Ils ont plutôt manqué à ce qui aurait toujours dû être une exigence élémentaire pour faire de la politique : témoigner un minimum de respect envers les autres.

Si le cas de M. Sauvageau est moins bien documenté, le rapport commandé par ArcelorMittal était accablant pour M. Tétrault. Sur la base de ce rapport, n’importe quelle entreprise aurait renoncé à l’embaucher. Rien ne saurait justifier qu’un parti politique se montre moins exigeant. Il est pour le moins troublant que le PLQ n’ait pas jugé bon de s’informer davantage sur les antécédents de son candidat, comme si une longue allégeance partisane pouvait tout excuser.


 

Curieusement, cette obligation de savoir-vivre semble devenir très relative une fois qu’un candidat est élu. Les regrets tardifs de M. Tétrault n’étaient sans doute pas très convaincants, mais il a dû se demander en quoi son comportement était tellement plus répréhensible que celui d’un homme comme Gaétan Barrette, dont les manières brutales n’ont jamais semblé indisposer le premier ministre Couillard. C’est comme s’il y avait deux poids, deux mesures.

Les qualificatifs que M. Tétrault s’est lui-même accolés — « abrasif », « un peu carré » — décrivent très bien le ministre de la Santé. L’enquête a également révélé un homme ayant du mal à reconnaître ses torts et qui reprochait aux autres de mal interpréter ses propos ou ses actes. Là encore, la ressemblance est frappante.

Si les employés d’ArcelorMittal se sentaient bousculés par le directeur des affaires publiques, que dire des gestionnaires du réseau de la santé qui n’en peuvent plus de « l’acharnement » et du « manque de respect » dont ils sont victimes ? Le président de l’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS) parlait l’an dernier d’une « écoeurite aiguë ».

L’attitude de M. Tétrault aurait poussé au moins trois employés à prendre un congé de maladie. Cela est sans doute inacceptable, mais dans le réseau de la santé, le nombre de congés pour maladie psychologique a explosé depuis l’arrivée de M. Barrette. On devrait peut-être mandater une firme externe pour enquêter sur ses méthodes de travail.


 

Le « style pitbull » n’est d’ailleurs pas réservé aux hommes. La Presse faisait récemment état du climat de crise qui régnerait à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse depuis l’arrivée de la nouvelle présidente, Tamara Thermitus, qui se livrerait à un véritable « derby de démolition ». À peine six mois après son entrée en fonction, trois plaintes pour abus d’autorité, mauvaise gestion et manque de respect envers le personnel avaient déjà été transmises au Protecteur du citoyen.

Selon les témoignages recueillis par La Presse, la Commission baigne dans « une atmosphère de suspicion et de terreur », marquée par « l’intimidation et une attitude méprisante ». On parle aussi d’un climat « toxique » et d’une « détresse psychologique » qui auraient déjà amené trois employés à claquer la porte, et quatre autres à prendre un congé temporaire.

Les partis d’opposition ont demandé que Mme Thermitus réponde publiquement de ces allégations, d’autant plus qu’elle préside un organisme qui est précisément chargé de défendre ceux qui s’estiment lésés dans leurs droits. Cela ne semble toutefois pas inquiéter le gouvernement. La ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, estime qu’« il n’y a aucune raison de ne pas avoir confiance » en Mme Thermitus. Une future candidate libérale ?



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