Le concours d’empathie
Gabriel Nadeau-Dubois a étonné mercredi en faisait porter sa première question à l’Assemblée nationale sur la politique constitutionnelle qui a été dévoilée la semaine dernière. Il est rarissime que le premier ministre juge nécessaire de répondre lui-même à un nouveau député.
Il y avait là un message. Si de nombreux souverainistes reprochent à Québec solidaire de considérer l’indépendance comme relativement secondaire, M. Nadeau-Dubois a voulu signifier que tel n’est pas son cas, même si la « convergence » a été mise sur une voie de garage.
Il ne faut cependant pas s’attendre à ce que la question nationale devienne le leitmotiv du député de Gouin. Même s’il a conclu son discours d’arrivée en évoquant le jour où « nous aurons une république inclusive, généreuse et libre », il a surtout insisté sur la nécessité de colmater les « fissures » dans « les murs de la solidarité » et d’assurer une plus grande égalité des chances.
Durant toutes les années où elle a siégé à l’Assemblée nationale, Françoise David a incarné de façon admirable l’idéal de justice sociale qui anime Québec solidaire, mais son successeur a clairement exprimé son intention d’en faire autre chose que la « conscience du Parlement ». Il veut que son parti devienne la solution de remplacement progressiste au gouvernement Couillard. Autrement dit, qu’il supplante le PQ dans ce rôle.
On peut difficilement voir une coïncidence dans la formation d’un comité de trois députés péquistes qui parcourront le Québec au cours des prochaines semaines pour jeter les bases d’un nouveau programme de lutte contre la pauvreté. Manifestement, le PQ n’entend pas en abandonner le monopole à QS.
M. Lisée a déjà fait un choix significatif en écartant toute baisse d’impôt, même si le Québec se trouve maintenant dans une situation de surplus budgétaires. La « proposition principale » qui sera soumise au congrès de septembre contient également une série de mesures s’inscrivant dans une « social-démocratie d’avant-garde », même si celles qui visent la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale demeurent passablement vagues.
L’image progressiste que le PQ avait durant les premières décennies de son existence a pâli avec le temps. Depuis des années, les porte-parole de QS répètent à satiété que le PQ et le PLQ, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. De l’intervention de Dalila Awada au récent congrès de QS, on a surtout retenu les accusations de racisme, mais elle a aussi dit que le PQ portait en lui la bête du néolibéralisme.
Depuis la croisade de Lucien Bouchard pour le déficit zéro, la gauche associe le PQ à l’austérité. Alors que les libéraux accusent constamment le gouvernement Marois d’avoir creusé un gouffre financier, les solidaires lui reprochent au contraire d’avoir été le précurseur de l’austérité. Même si le PQ a dénoncé sur tous les tons les coupes décrétées par le gouvernement Couillard, il n’a jamais remis ouvertement en question son échéancier de retour à l’équilibre budgétaire.
Après l’apologie de la richesse, y compris l’enrichissement individuel, sous le règne de Pauline Marois, la « proposition principale » renoue avec une vision plus collective. On est encore loin de la « socialisation des activités économiques » et des nationalisations tous azimuts préconisées par QS, mais aussi de ce néolibéralisme dont on taxe le PQ. De toute évidence, il sent néanmoins le besoin d’un certain rattrapage.
Après avoir commis l’erreur de se présenter comme un émule de l’ancien premier ministre ontarien Mike Harris, qui trouvait parfaitement normal que les bénéficiaires de l’aide sociale doivent se nourrir de baloney, Jean Charest avait opéré un virage à 180 degrés et déclaré que l’empathie serait dorénavant le « cheval de bataille » du PLQ. On peut espérer qu’un tel cynisme nous sera épargné, mais il est à prévoir que les prochains mois donneront lieu à une sorte de concours pour déterminer qui est le plus soucieux du sort des moins nantis.
Après le rejet du pacte électoral qu’il proposait à QS, Jean-François Lisée a clairement laissé entendre que le PQ mènera une campagne particulièrement vigoureuse dans les circonscriptions qui sont représentées par des députés solidaires.
En réalité, c’est plutôt le PQ qui devra défendre chèrement celles qu’il détient actuellement sur l’île de Montréal. Certes, le PQ a laissé le champ libre à Gabriel Nadeau-Dubois dans Gouin, mais l’ampleur de sa victoire rend illusoire tout espoir de reconquête. La popularité croissante de Manon Massé laisse peu de chances au PQ de récupérer Sainte-Marie–Saint-Jacques et Amir Khadir demeurera député de Mercier aussi longtemps qu’il le voudra. Le PQ sera déjà heureux si Carole Poirier réussit à conserver Hochelaga-Maisonneuve. M. Lisée lui-même devra peut-être promener son empathie dans sa circonscription de Rosemont plus souvent qu’il ne le souhaiterait.