Le goût à tailler vous-même!

Trois gros crayons sont mis séparément dans un tube en verre, pointe en bas, avec une place réservée pour le taille-crayon. Citron et ail, piment et ail, et sauce soya et cèpe.
Photo: OCNI Factory Trois gros crayons sont mis séparément dans un tube en verre, pointe en bas, avec une place réservée pour le taille-crayon. Citron et ail, piment et ail, et sauce soya et cèpe.

« Maman, peux-tu apporter les crayons ? » Dessiner alors qu’on passe à table ? Parce que le plat de résistance est composé de pâtes aux crevettes, je reviens avec deux étuis-éprouvettes. Citron-ail et piments-ail. Je taille un crayon au-dessus de mon assiette. Les yeux s’arrondissent à la vue de ces beaux copeaux translucides qui se forment. Ma petite démonstration fait sensation.

Le design culinaire sert, entre autres choses, à cela. Faire écarquiller les yeux d’étonnement parce qu’un usage ou un acte alimentaire (comme la façon de tenir un ustensile, les séquences logiques d’une prise alimentaire) ont été repensés et actualisés différemment. Avec originalité et si possible, dans un esprit ludique ! Ce coffret de trois assaisonnements à tailler du jeune studio de design OCNI Factory (pour Objets comestibles non identifiés) s’inscrit dans cette démarche. Trois gros crayons sont mis séparément dans un tube en verre, pointe en bas, avec une place réservée pour le taille-crayon. Citron et ail, piments et ail, sauce soya et cèpe. À chaque plat ses copeaux. Le citron et ail pour des salades, volailles, poissons et fruits de mer. Le piment et ail pour des pizzas, pâtes, viandes grillées. Le sauce soya et cèpe pour des sushis, foie gras, sautés asiatiques. Voilà pour les suggestions. Mais comme nous sommes des mangeurs aventureux, faites vos propres expériences, avec des combinaisons pleines de bon sens et de goût ! Vos copeaux tiendront le coup même sur un plat très chaud. Foi d’agar-agar, la source végétale gélifiante utilisée, extraite d’une algue rouge. Par contre, assaisonnez-le légèrement avant de le parsemer de ces jolis copeaux, car ils sont plutôt costauds en sel. Pour le reste, c’est du vinaigre de cidre bio, de l’eau, des arômes naturels (huiles essentielles), de la gomme de caroube.


Photo: OCNI Factory Trois gros crayons sont mis séparément dans un tube en verre, pointe en bas, avec une place réservée pour le taille-crayon. Citron et ail, piment et ail, et sauce soya et cèpe.

Le trio qui a conçu cet objet comestible non identifié sans gluten et sans ingrédients d’origine animale (donc végane) a un pied à Montréal, l’autre en France. En fait, deux sites le produisent — des petits ateliers, pas une usine ! L’un dans le quartier du Mile-End à Montréal, l’autre à Alès, dans le sud de la France. Les deux suivent les mêmes étapes artisanales de fabrication ; seules les matières premières diffèrent, régionalisation oblige. Nadia Lahrichi s’occupe de toute la partie développement et gestion de la production à Montréal, Tristan Cano gère le volet commercial en France et Benoît Le Guein chapeaute le volet création à partir de la France. Sa première version de l’assaisonnement à tailler remonte à 2014. À l’époque, les trois futurs entrepreneurs travaillent à Paris pour une entreprise spécialisée dans l’événementiel culinaire. À l’occasion d’une exposition d’art, Benoît crée un objet culinaire, le crayon comestible à tailler. L’idée de ce jeune designer culinaire plaît, est relayée par les médias (je l’avais moi-même repérée pour un article), puis tombe aux oubliettes. Deux ans plus tard la voilà qui resurgit encapsulée dans un processus de fabrication cette fois abouti, et commercialisé. « C’est 100 % naturel, il n’y a pas de conservateur, pas de colorant ni arômes artificiels. Les ingrédients principaux, vinaigre et sel, permettent une longue conservation ; jusqu’à 9 mois à température ambiante lorsqu’il n’est pas ouvert, et aussi 9 mois une fois ouvert, au réfrigérateur », explique Nadia. Quant à la lame en acier inoxydable du taille-crayon, elle peut être passée sous l’eau sans problème. Des tests ont été effectués pour voir s’il y avait attaque des bactéries. Mais celles-ci ne s’attaquent pas à la formule de concentration de sel et de vinaigre…

Le contenu et le contenant

 

C’est le type de moule utilisé et l’enchaînement précis des différentes étapes à laquelle est soumise la préparation qui sont le coeur de cette innovation alimentaire. Le jeune studio de design a notamment pris conseil auprès de différents spécialistes, dont une biochimiste pour la stabilisation du produit et un fabricant de moules. D’autres saveurs devraient prochainement faire leur apparition (une au basilic, une autre à la provençale), ainsi qu’un embout pour le contact alimentaire. On imagine bien aussi un crayon à tailler au sirop d’érable ! Mais pour le moment, la recette reste encore ardue à mettre au point. Quant à la formule coffret, elle va « se désolidariser ». Chaque assaisonnement à tailler va être proposé à l’unité (avec le taille-crayon, puis à terme sous forme de recharges). La jeune entreprise planche parallèlement sur d’autres produits avec toujours cette équation usage-goût-côté innovant et ludique. « On va également plus axer notre développement sur l’aspect santé », me confie le trio en entrevue. Benoît s’intéresse notamment à la culture artisanale de la spiruline, une microalgue principalement vendue à l’heure actuelle sous la forme de compléments alimentaires. Et toujours dans une perspective plus santé, le designer culinaire teste des formules pour ses assaisonnements à tailler avec moins de sel dedans. Une bonne idée, car celui sauce soya et cèpe joue un peu dans la cour de l’hypertension !

« Le design culinaire est le design appliqué à l’objet alimentaire, du contenu au contenant. C’est une approche totale de la nourriture où se mêlent forme, saveur, signifiant, structure et matière. Une discipline qui, par le croisement des pratiques, mêle l’acte de manger à d’autres sensations. Elle peut alors nous emmener vers de nouveaux territoires, dans lesquels un simple repas se transforme en une aventure sensitive et culturelle », peut-on lire sur le site personnel de Benoît. Comme ces retailles de crayons gourmets !


 

En avril, OCNI Factory a reçu le 2e prix au Défi PME Montréal Grand Sud-Ouest dans la catégorie bioalimentaire. Pour mettre la main sur leur coffret (25 $), visitez le www.ocni-factory.com.


À glisser dans la poche: le carnet Farsley

Il ressemble à une pochette d’allumettes, de timbres-poste, de coupons comme dans l’ancien temps, mais dans une version actualisée, en mauve. À l’intérieur de ce carnet, 10 timbres détachables vous permettent de découvrir 10 artisans des quartiers Villeray, Petite Italie, Rosemont, Plateau… Un coupon vous donne droit à une bière au Pub Pit Caribou, un autre à une boule de glace chez Les Givrés, un autre à un café chez Perko, et ainsi de suite. C’est le commerçant qui défait lui-même son timbre-prime. Pour célébrer le 375e de Montréal, Julie Lemonde a eu l’idée de proposer ce parcours pour mettre en valeur des commerces de qualité et créer un lien gourmand avec les artisans. C’est une première édition pour cette initiative pro achat local, d’où (seulement) la dizaine de participants ! Le carnet Farsley (en souvenir du village anglais qu’il l’a inspirée) sera lancé le 14 juin. Vendu 25 $ (pour une valeur de 40 $). Valable jusqu’à la fin décembre 2017.

Pour plus d’infos : http://farsley.co onglet le carnet (l’application mobile, le gros projet de Julie, c’est pour plus tard !).


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