Après Vancouver et Toronto, pourquoi pas Montréal?

Il serait naïf de croire que Montréal ne connaîtra pas les débordements de l’imposition d’une taxe immobilière pour les acheteurs étrangers, qu’ont connus d’abord Vancouver, puis Toronto. Les acheteurs internationaux se font, d’ailleurs, plus nombreux dans le Grand Montréal ces temps-ci. Mais les conditions ne sont toujours pas réunies pour qu’une fièvre spéculative embrase les prix de l’immobilier résidentiel montréalais.

Il a été estimé qu’à Vancouver, dans le dernier mois ayant précédé l’application d’une taxe de 15 % sur l’achat immobilier pour les non-résidents, plus de 16 % des transactions étaient de nature spéculative menées par des acheteurs étrangers. À Toronto, cette proportion oscillait autour de 5 %. À Montréal, la proportion est sous les 2 %. « Nous ne sommes pas au même niveau de spéculation », résume Dominic St-Pierre, directeur principal de Royal LePage pour la région du Québec.

Certes, le marché immobilier comporte toujours son lot de transactions spéculatives. Dans le Grand Montréal, les quartiers Rosemont, Plateau-Mont-Royal, Hochelaga et Saint-Henri subissent ces pressions présentement. On parle de marchés dits émergents ou engagés dans un processus de rajeunissement des propriétés. Mais pour qu’il y ait surchauffe, voire embrasement spéculatif, il doit exister une conjoncture spéciale ou favorable dominée par une forte croissance des prix et des expectatives en ce sens, explique le spécialiste de Royal LePage.

Or, Montréal n’en est pas là, pour l’instant. Selon les chiffres de BMO Groupe financier, en mars dernier, le prix moyen était en hausse de 28,6 % sur 12 mois à Toronto, de 12,7 % à Vancouver, gonflant la moyenne canadienne à 18,6 %. À Montréal, la hausse sur un an n’était que de 3,3 % alors qu’à Québec, il faut plutôt parler d’un recul de 1 %.

Collée à l’inflation

La hausse moyenne des prix dans le Grand Montréal a suivi celle de l’inflation entre 2013 et 2016 avant de passer momentanément au rythme de 7 %, et avant que les nouvelles mesures hypothécaires restreignant l’accès à la propriété ne ramènent le taux d’augmentation autour de 5 % dernièrement.

Mais avec un prix moyen de 354 000 $ à Montréal, contre 523 000 $ au Canada, 970 000 $ à Vancouver et 874 000 $ à Toronto, l’attrait d’un débordement est réel. Avec la mise en place d’une taxe immobilière sur les achats par des étrangers à Toronto, « Montréal pourrait alors voir le nombre d’acheteurs étrangers bondir, considérant la santé des emplois, sa saine économie et sa relative abordabilité », a écrit Dominic St-Pierre dans sa note montréalaise.

Présence accrue d’étrangers

La Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) le pense également. Mais elle ne s’attend pas à des répercussions majeures à court terme, écrit-elle. Pour l’heure, la Fédération retient la donnée de la Société canadienne d’hypothèque et de logements voulant que la proportion d’acheteurs étrangers à Montréal n’est que de 1,5 %. « Bien que ce chiffre soit possiblement sous-estimé, la proportion serait néanmoins faible. » Elle atteint 4,9 % dans la région torontoise et 9,7 % dans celle de Vancouver.

Mais leur motivation n’est pas que spéculative. « Bien que les Américains et les Européens trônent toujours en tête des acheteurs étrangers dans la ville, les acheteurs en provenance de la Chine ont été plus nombreux à venir dans la région dans l’espoir de faire l’acquisition d’une propriété, en raison de la valeur du dollar canadien, des nouvelles liaisons aériennes vers Pékin et Shanghai, et des politiques d’immigration plus restrictives aux États-Unis. La position de Montréal comme l’une des meilleures villes étudiantes internationales contribue aussi à soutenir une image de marque enviable », écrit Dominic St-Pierre.

Aussi, « nous sommes loin de la pénurie de logements, que l’on regarde du côté du marché de la revente, du marché du neuf ou du marché locatif, ajoute la FCIQ. Dans ce contexte, il est difficile d’envisager une flambée des prix comme à Toronto. »

Conjoncture favorable aux ménages

 

Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins, le rappelait encore jeudi. L’immobilier résidentiel au Québec ne fait présentement que reprendre de la vigueur après une période d’accalmie. Et une conjoncture particulièrement favorable pour les ménages vient expliquer l’essentiel de la bonne tenue du marché résidentiel québécois. « Il n’y a aucun signe de surchauffe et la progression des prix est loin d’être démesurée comme c’est le cas à plusieurs endroits en Ontario. »

Pour l’instant.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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