De l’éthique à l’impact

Nous n’en sommes plus réduits au placement éthique. L’univers s’est élargi pour s’étendre à l’investissement socialement responsable, puis pour déborder sur l’investissement d’impact. Petit retour sur un mode d’investissement qui ajoute un « rendement social » à un rendement financier concurrentiel avec les formes de placement plus traditionnelles.

Résumé simplement, dans une démarche éthique, l’investisseur faisait de ses choix de placement une question de discrimination et d’exclusion. Il retenait alors une approche de tamisage. Avec celle de l’investissement responsable ou durable, les considérations environnementales, sociales et de gouvernance — les facteurs ESG — s’insèrent dans une approche de long terme, moins punitive et plus proactive, et dans une communication plus positive avec l’émetteur.

Pour sa part, l’investissement d’impact adopte un comportement plus ciblé, un thème plus pointu : l’intention est d’obtenir ou de créer une valeur financière et sociale spécifique, et d’en mesurer les effets sociaux ou environnementaux. Le cabinet spécialisé Addenda Capital a déjà proposé d’associer le thème à « une approche de placement visant à générer intentionnellement à la fois un rendement financier et des retombées positives sur le plan social et/ou environnemental, et dont les effets sont activement et adéquatement mesurés ».

Au final, l’investisseur applique un filtrage positif à des entreprises selon le classement qu’elles occupent dans leur secteur et leur impact par rapport à une norme de référence. Et le dialogue est favorisé. À titre d’actionnaires, les gestionnaires de portefeuille sont toujours plus nombreux à exercer leur droit de vote afin d’influer sur les comportements.

Popularité croissante

 

On l’imagine, la popularité de ces outils est croissante. Selon les données de l’Association de l’investissement responsable au Canada (AIR), l’actif des placements s’en remettant aux principes d’investissement responsable atteignait les 1500 milliards à la fin de 2015, soit 38 % de l’ensemble de l’actif sous gestion au Canada. La hausse est de près de 50 % en deux ans et de 150 % en cinq ans. Pour le segment Investissement d’impact, l’actif canadien sous gestion se chiffrait à 9,2 milliards à la fin de 2015, contre 4,1 milliards deux ans plus tôt.

Les experts nomment trois éléments ayant facilité cet essor. D’abord, la pression exercée par les investisseurs sur les gestionnaires. Ensuite, cette acceptation que les politiques ESG sont un levier de création de valeur par les investisseurs, sans compromis avec le rendement offert par des fonds traditionnels comparables.

Enfin, ne pas en tenir compte s’ajoute à la liste des risques financiers. Ici, la notion d’« actif échoué » et le mouvement de décarbonisation des portefeuilles ont une influence certaine dans le changement des mentalités. D’ailleurs, beaucoup d’investisseurs vont choisir l’investissement responsable à des fins de minimisation des risques, et non pour des préoccupations morales.

Il est désormais reconnu et accepté que l’intégration de critères ESG dans les processus d’investissement a un impact favorable sur le profil risque-rendement d’un portefeuille. Que cette sensibilité est source d’occasions mais aussi un facteur de réduction du risque. Du moins, « si plusieurs considèrent que la gestion du risque est plus efficace en investissement responsable, on peut clairement affirmer que l’investissement responsable n’est à tout le moins pas plus risqué que l’investissement traditionnel », a déjà souligné une spécialiste du Mouvement Desjardins.

Normalisation

 

Quant aux instruments de mesure ou d’attestation, les initiatives se multiplient. L’AIR offre aujourd’hui une certification pour les conseillers et professionnels de l’investissement responsable. Sur le marché des titres à revenu fixe, le programme international de normes et de certification des obligations vertes évolue sous la Climate Bonds Initiative, qui semble s’imposer comme celle qui dicte la norme de convergence. Dans l’univers mondial des fonds d’investissement, MSCI, ex-filiale de Morgan Stanley spécialisée dans la construction d’indices boursiers, et Morningstar lançaient l’an dernier leur système de classification des fonds d’investissement en fonction de critères ESG.

Aussi, la fiabilité de l’étiquette ESG et de la normalisation se précise davantage depuis le lancement de l’initiative internationale des principes pour l’investissement responsable (PRI), en 2006, sous l’égide des Nations unies. Aujourd’hui, près de 1500 institutions financières, fonds de retraite et gestionnaires de portefeuille sont signataires des PRI.

L’industrie a donc surmonté sa crise de confiance relative au « greenwashing », à un label trop longtemps récupéré à des fins de marketing, dit-on. « L’avenir est aux indicateurs de performance et à la reddition de comptes sur les répercussions et les externalités, ainsi qu’à une vérification indépendante chez les émetteurs et les mandataires de l’investisseur des effets concrets générés », peut-on lire.

Les rendements

 

Et les rendements sont au rendez-vous. Selon les données de l’AIR pour 2016, le rendement (annuel composé) moyen d’un fonds d’actions canadiennes répondant aux critères d’investissement responsable était de 19,8 % sur un an, de 6,9 % sur trois ans, de 9,8 % sur cinq ans et de 4,6 % sur dix ans. Pour un fonds d’actions canadiennes traditionnel, ils se chiffraient respectivement à 16,7 %, 6,2 %, 8,6 % et 3,8 %.

Pour un fonds équilibré, le rendement annuel moyen composé dans le segment investissement responsable s’établissait à 11,1 % sur un an, à 6 % sur trois ans et à 7,8 % sur cinq ans. Pour un fonds équilibré traditionnel, ils étaient de 10,9 %, de 5,4 % et de 7,2 % respectivement.

 

Cette chronique s’inspire d’un texte publié dans l’édition d’avril du magazine spécialisé Conseiller.

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