Responsabilité ministérielle
La responsabilité ministérielle est un principe fondamental de notre système politique. Il signifie que le ministre répond des faits et gestes du ministère qu’il dirige. Le ministre doit faire en sorte que l’organisation qu’il dirige soit en mesure de répondre aux exigences de sa mission, de son mandat. Il n’est pas responsable des tempêtes de neige ou des tremblements de terre. Mais il lui incombe de voir à ce que le ministère qu’il dirige soit à la hauteur lorsque surviennent de tels événements.
À la limite du politique et du juridique
La portée de la règle est toutefois atténuée, car elle s’applique dans le cadre de débats sur le comportement de personnalités politiques. Le principe de la responsabilité ministérielle découle de conventions constitutionnelles, non de lois. Une convention constitutionnelle est une règle avant tout politique. Bien qu’elle soit considérée comme obligatoire par les acteurs qu’elle concerne, les tribunaux n’ont pas l’autorité pour forcer le respect des conventions constitutionnelles. C’est au niveau des rapports de force politiques que se détermine concrètement l’application du principe. Sa portée est tributaire des évaluations qu’on en fait dans le champ du débat politique
En tant que convention constitutionnelle, la responsabilité ministérielle n’est pas comprise comme imputant au ministre les moindres gestes et manquements. Il est toutefois largement admis que la responsabilité ministérielle suppose qu’un ministre réponde du manque de prévisibilité que manifeste une organisation complexe comme un ministère. Le ministre répond des déficiences organisationnelles que peuvent révéler les ratés que le public constate dans l’accomplissement des tâches que le ministère doit accomplir, notamment dans des situations critiques.
Les subalternes
Comme le ministre est l’ultime responsable de tout ce que fait le ministère, les fonctionnaires lui doivent obéissance. Le principe de la responsabilité ministérielle justifie les obligations de loyauté incombant aux fonctionnaires oeuvrant au sein d’un ministère. De même, ils sont tenus à un devoir de discrétion. Sauf à prendre de grands risques, il leur est en principe interdit de s’exprimer publiquement pour critiquer leur ministère ou les dysfonctionnements qui l’affectent. Dans un pareil contexte, il paraît inique de leur imputer le blâme pour les carences affectant le ministère dans son entier.
C’est pourquoi les sanctions qui peuvent être imposées à un fonctionnaire ne font pas disparaître la responsabilité du ministre. Si des manquements surviennent, ils sont en partie au moins imputables aux décisions globales du ministre, notamment sur le plan des ressources. Le ministre assume la responsabilité découlant de l’incapacité de déceler à temps les comportements erratiques au sein de la « machine ». Une organisation bien gérée devrait en principe être en mesure de déceler de tels comportements. Le ministre est censé avoir les moyens de poser toutes les questions à ceux qui ont charge de l’aider à accomplir ses missions.
Les décisions budgétaires n’ont pas forcément des effets immédiats. Mais la diminution même subreptice des ressources ou des expertises a des effets qui peuvent finir par se manifester dans les situations critiques. À ce titre, les ratés comme ceux du scandale de l’autoroute 13 peuvent résulter indirectement de décisions prises il y a longtemps. Le choix de réduire les niveaux de ressources et d’expertise du ministère n’a peut-être pas de conséquences visibles à court terme. C’est dans des situations critiques que les effets des décisions relatives aux ressources peuvent engendrer des conséquences perceptibles pour le public.
Évidemment, on peut convenir que les décisions relatives aux niveaux de ressources ne relèvent pas du ministre, mais plutôt du gouvernement dans son entier. C’est à cette échelle que la règle de la responsabilité ministérielle semble désuète : c’est uniquement dans le cadre du débat électoral que se discute la responsabilité d’un gouvernement pour des décisions ayant des effets sur le moyen ou le long terme. Bien souvent, c’est au jugement de l’Histoire que l’on s’en remet… lorsqu’on n’a pas oublié !
L’efficacité de la responsabilité ministérielle tient surtout au risque que la réputation politique du ministre soit irrémédiablement entachée. Personne n’attend d’un ministre qu’il démissionne pour la moindre erreur administrative. Mais nombreux sont ceux qui continuent de postuler qu’un ministre incapable d’expliquer et de défendre les faits et gestes de son ministère n’a plus la crédibilité ou l’autorité pour le diriger.