Lectures féministes

Quarante-huit heures après la Marche des femmes, Trump démarrait son mandat, entouré d’hommes, en signant un décret interdisant le financement d’ONG internationales soutenant l’avortement. L’ex-conseillère d’Obama, Jen Psaki, a raison d’affirmer que la Marche des femmes n’était qu’un « échauffement ».

L’écrivaine Virginia Woolf signalait que « le prix modeste du papier est la raison pour laquelle les femmes commencèrent par réussir en littérature avant de le faire dans d’autres professions ». Les femmes ont en effet beaucoup écrit depuis, et devant la montée inquiétante de l’intolérance, leur littérature devient un outil précieux.

Tandis qu’Obama fréquentait les librairies indépendantes et publiait régulièrement ses listes de lecture, le 45e président des États-Unis affirme qu’il n’a « pas besoin de lire ». Il se vante de posséder suffisamment de connaissances, de gros bon sens et de qualités d’entrepreneur pour se passer des livres. En guise de tactique de résistance à l’inculture qui menace les droits fondamentaux, je me permets de proposer ici la lecture de ces auteures féministes.

Louise Desmarais

 

Le décret de Trump sur le financement des ONG représente un affront à la dignité et au corps des femmes. D’autant plus qu’une Américaine sur deux vit déjà dans un État considéré comme hostile à l’avortement. La Cour suprême à la sauce Trump ne présage rien de bon non plus.

Louise Desmarais, dans son livre La bataille de l’avortement : une chronologie québécoise, rappelle que l’époque des cintres comme méthode d’avortement n’est pas si éloignée. Les acquis de la lutte menée par les féministes sont encore vulnérables. Pensons notamment aux tentatives de certains élus conservateurs de limiter l’accès à l’avortement au Canada. Louise Desmarais démontre que les victoires des femmes ne deviennent possibles qu’à la suite de longues mobilisations.

Andrea Dworkin

 

Malgré les propos misogynes de Donald Trump, 42 % des femmes ont voté pour lui, un homme se targuant d’empoigner l’entrejambe des femmes et de punir celles qui optent pour l’avortement. En 1983, Andrea Dworkin publiait une analyse sur Les femmes de droite où elle s’interroge sur les raisons pouvant les conduire à soutenir des positions opposées à leurs intérêts en tant que femmes.

Conscientes d’évoluer dans une société où elles sont à risque de violence conjugale, d’exploitation et de viol, les femmes conservatrices opteraient alors pour « la promesse de l’extrême droite », à savoir de survivre grâce à la protection d’hommes partageant leurs valeurs. Mais, selon Dworkin, ces hommes « respectent rarement leur part du marché, soit [les] protéger contre la violence masculine ».

Angela Davis

 

Si moins de 10 % des femmes noires ont voté pour Trump, c’est le cas de plus de la moitié des électrices blanches. Cet écart démontre qu’il est réducteur de penser que les femmes votent toutes dans le même sens et en fonction de leur sexe. D’autres facteurs sociaux jouent. Pour cette raison, Angela Davis a rappelé l’importance d’un féminisme inclusif et intersectionnel à la Marche des femmes à Washington. En 1983, son livre Femmes, race et classe esquissait déjà une critique du mouvement des femmes, majoritairement blanc. Elle estimait que les revendications antiracistes étaient négligées. Ses écrits font écho à nos propres débats féministes au Québec. Alors que Trump s’apprête à bouleverser les lois sur l’immigration, les féministes ne doivent pas se contenter d’être critiques envers les disparités entre les sexes, elles doivent aussi dénoncer les dynamiques inégalitaires entre les femmes elles-mêmes.

Pascale Navarro

 

Le cabinet Trump est le plus blanc et le plus masculin depuis l’ère Reagan. La parité et la diversité ? Connais pas ! L’ouvrage Femmes et pouvoir : les changements nécessaires de Pascale Navarro est un incontournable pour éclairer le débat sur la représentation des femmes et celles issues de la diversité dans les organes décisionnels. L’énergie contagieuse dont ont fait preuve les femmes lors des marches samedi dernier doit se transporter dans la sphère de l’action politique. Aux États-Unis, l’organisation VoteRunLead a formé 5000 femmes à la politique dans les deux dernières années, et près de la moitié d’entre elles se sont inscrites dans les deux mois suivant l’élection de Trump. Un bon signe.

Trump n’est au pouvoir que depuis une courte semaine et il a déjà créé un climat inquiétant pour les droits des femmes et des minorités. En Europe, plusieurs élections auront lieu cette année, où ces mêmes droits sont mis en péril par des partis populistes. Plus que jamais, la littérature féministe intersectionnelle est nécessaire pour nourrir le débat, résister, contester et proposer des solutions.

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