Sur la route du marc de café

Champignons Maison vend des trousses de culture prêtes à l’emploi pour faire pousser des champignons chez soi, grâce au marc de café.
Photo: Champignons maison Champignons Maison vend des trousses de culture prêtes à l’emploi pour faire pousser des champignons chez soi, grâce au marc de café.

Au Québec, le café fait partie des boissons les plus consommées. Chaque année, ce sont donc des milliers de tonnes de résidus qui partent en volutes, direction les dépotoirs. Voici deux circuits de récupération où le marc de café retrouve une seconde vie : l’une à l’échelle micro, l’autre à l’échelle macro.

Champignons Maison

 

Entre le champignon et le marc de café, c’est une grande histoire d’amour. L’un, après avoir connu sa gloire matinale, nourrit l’autre en devenir. Une passion dévorante qui, dans cette pièce à environnement contrôlé du Plateau Mont-Royal, se matérialise sous la forme de sacs ordonnés selon leur stade de développement.

C’est que ce fameux mycélium (ou blanc de champignon) — un réseau de minuscules filaments blanchâtres visibles à l’oeil nu — doit se sentir à l’aise, raconte Geoffroy R. Grignon, qui a lancé en 2012 Champignons Maison. Cette microentreprise vend des trousses de culture prêtes à l’emploi pour faire pousser des champignons chez soi.

Quatre variétés sont proposées de façon permanente (pleurotes bleus ou de l’Orme, shiitakés, reishis). Pour le reste, à savoir la trentaine de souches endormies, Geoffroy les active selon les demandes lorsqu’il anime des ateliers ou des conférences. Azote, cuivre, magnésium, potassium, phosphore… Le marc de café est bourré de nutriments dont se régale le mycélium.

Dans la nature, ce substrat caféiné pourrait être de l’humus, du bois pourri ou de l’écorce d’un arbre. Mais ici, nous sommes en ville, où l’on boit beaucoup de café ! Pour cet homme formé en sociologie et en anthropologie, la culture des champignons permet de passer des messages. « C’est un peu mon cheval de Troie. Je prends les gens par la panse pour leur parler ensuite de questions plus vastes, environnementales. Vu qu’il y a très peu de choses à faire avec ces trousses de culture maison, hormis arroser régulièrement, c’est moins anxiogène pour les gens. »

Le circuit de récupération du marc de café qui nourrit le mycélium est simple. Geoffroy se rend une fois par semaine chez huit cafetiers indépendants à Montréal, tous situés dans un rayon de deux kilomètres autour de son laboratoire. Au lieu de jeter le marc de café, le ou la barista le met de côté. Seule exigence de cette ronde : le café doit être séparé du reste des résidus de production en cuisine.

« Je passe à peu près tous les deux jours. Généralement, les cafetiers ont rempli une chaudière d’environ 20 litres », explique Geoffroy. Au total, le mycologue urbain récupère de 200 à 300 kilos de marc de café par semaine. Le mycélium est ensuite mélangé au marc récupéré selon des recettes maison. Comme il s’agit de cafés servant du bon café, le marc est bon ! Geoffroy avait fait l’essai avec les résidus de café d’une grande chaîne. Une vraie soupe, sans intérêt. Moralité : les champignons aiment le marc de café de qualité. champignons-maison.com.

Nespresso Canada

 

Il n’y a pas que les petits qui pensent à recycler leur marc. Nespresso Canada a lancé en mars dernier un projet-pilote de récupération propre au Québec, qui touche pour le moment les zones de Gatineau, Terrebonne, Lachute, ainsi qu’une partie de la Rive-Sud, soit environ 200 municipalités. « Mettre directement les capsules ayant servi au recyclage, ça ne marchait pas au Québec, les centres de tri n’étant pas équipés en ce sens [les systèmes de recyclage diffèrent d’une province à l’autre] », précise Caroline Desvaux, chef de marque.

En développant des partenariats avec des entreprises privées d’ici, le géant du café a mis en place une chaîne de recyclage de ses capsules. Le client Nespresso, membre du Club, met ses capsules usagées dans un sac (gratuit), envoyé systématiquement lors des commandes des membres situés dans la zone du projet-pilote. Une fois le sac rempli, il le met dans son bac de recyclage. Le centre de tri Tricentris récupère les bacs de recyclage en mettant à part dans des bennes les sacs de recyclage Nespresso.

L’entreprise les récupère puis les apporte chez 2M Ressources à Saint-Jean-sur-Richelieu, autre partenaire de la chaîne. Dans cette usine, Nespresso a fait installer une machine qui retraite les capsules. Celles-ci se font exploser : le marc de café sort d’un côté, l’aluminium de l’autre. Celui-ci est recyclé. Le marc de café part en compost pour des fermiers partenaires québécois qui vont l’épandre dans leurs champs.

« Nous ne pouvons pas sortir de chiffres car nous sommes encore dans notre phase d’étude. Mais au vu des volumes de sacs commandés, nous sommes extrêmement satisfaits. Nous allons tenter d’étendre ce projet à d’autres municipalités », confie Caroline Desvaux. Parallèlement à ce projet-pilote, un autre test est en cours dans la région de l’Estrie, cette fois avec Postes Canada. Il est vrai qu’il était temps pour le géant de se redorer la capsule après toutes les polémiques ; George C. doit être content !

Souhaitons-nous donc de voir très vite le marc de café prendre d’autres routes, petites et grandes. Autres que celles de la poubelle. D’ailleurs, ce matin, avez-vous pensé à mettre de côté votre marc pour nourrir vos plantes ? 


Pour aller plus loin

Un nouvel économusée sur le café ouvre à Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides. C’est chez Annie Gaudet, propriétaire et fondatrice de la maison de torréfaction Couleur Café. qc.economusee.com/fr

Dans son mémoire de maîtrise en environnement à l’Université de Sherbrooke, « Une récupération spécifique du marc de café aurait-elle une plus-value pour la communauté ? Cas de l’île de Montréal », Francky Carassou démontre toutes les réutilisations possibles du marc de café pour différents pans industriels, et pas seulement alimentaires : biocarburant, compost, combustible de chauffage, cosmétique… Un sacré potentiel, ce marc.
 


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