Le potager à la mode vigorienne

L’horticulteur bien connu Jean-Claude Vigor gère son potager en bacs selon le modèle de la permaculture, mais quelque peu à la mode vigorienne, comme il l’explique en riant. Son approche originale m’ayant inspirée lors d’une conférence, j’ai voulu voir son jardin et discuter de ses méthodes. Comme d’habitude, il a fort généreusement partagé ses connaissances.
M. Vigor, pourquoi cultiver en bacs ? Et quelles en sont les caractéristiques ?

La raison est bien simple : ici, au pied du mont Yamaska, c’est directement sur le roc, on n’a pas de terre. Je me suis donc construit dix bacs d’un mètre par quatre pour produire la plupart de mes légumes. Ils pourraient être plus longs, mais surtout pas plus larges, car il est essentiel qu’on puisse facilement en rejoindre le centre.
Les quatre coins sont des pièces de 10 centimètres par 10 sur lesquelles sont fixées des planches de bois non traité. Deux points à retenir : ne jamais descendre les planches jusqu’au sol ; ainsi, elles se conservent plus longtemps. Aussi, de cette manière, le bac est surélevé et est donc mieux aéré.
Je les ai déjà doublés avec du plastique, avec l’avantage que l’eau ne s’échappait pas entre les craques des planches lors des arrosages. Idéalement, ils pourraient aussi être isolés avec de la styromousse de cinq centimètres.
Vous avez une manière singulière de fabriquer votre mélange…
D’abord, pour ne pas avoir à enlever le gazon, j’installe au fond des bacs soit sept épaisseurs de feuilles de journaux, soit, encore mieux, du carton ondulé non glacé, qu’adorent les vers de terre. Ensuite, si j’avais un appareil pour faire des copeaux de bois, c’est ce que je mettrais comme couche de fond, mais comme je n’en ai pas, je mets simplement des rondins.
Puis, j’ajoute une importante épaisseur de feuilles mortes ; on peut vraiment en mettre beaucoup car elles perdent rapidement du volume. J’ajoute du nitrate [pour favoriser leur décomposition] et une bonne couche de sol de culture. D’ailleurs, chaque printemps je remets du sol.
Pour travailler mon substrat, j’utilise une fourche bêche européenne, qui ressemble à la grelinette, mais en moins large. Au bout de cinq, six ou sept ans, quand il n’y a plus de matière organique [c’est-à-dire quand les feuilles sont complètement décomposées], je récupère cette terre pour mes platebandes et je repars à zéro.
Comme vous faites tout de façon biologique, avec quoi fertilisez-vous vos bacs ?
Je fabrique tous mes purins pour fertiliser. J’en fais à l’ortie, à la consoude, à la prêle et même aux mauvaises herbes. En début de saison, j’utilise des purins d’ortie et de prêle, mais surtout d’ortie, puis à partir de la fin de juillet, j’emploie des purins de consoude. Je dilue une partie de purin dans cinq à dix parties d’eau pour arroser. Aussi, j’amende le sol avec du compost Biosol de chez Fafard et du fumier de poule.
Avez-vous d’autres trucs à partager ?

Dès le printemps, il faut prendre le contrôle des mauvaises herbes et des insectes ravageurs, sinon ce sera difficile. Pour les insectes, comme la mouche, je couvre mes cultures avec une toile anti-insectes vendue chez Dubois Agrinovation, tandis que les scarabées japonais, je les ramasse à la main.
Il faut également que le sol de culture soit en tout temps couvert par de la végétation. C’est vraiment important d’avoir de la densité végétale. Dès qu’on récolte une culture, on doit tout de suite avoir autre chose à planter. C’est pourquoi on doit toujours avoir des plantules de prêtes.
L’idéal est de faire régulièrement des semis dans des contenants pour avoir de petites plantes à repiquer en réserve. En appliquant cette méthode, qui est celle de la production en carré [où l’on produit non-stop], j’obtiens dans certains de mes bacs jusqu’à trois récoltes dans la saison.
En fait, on peut commencer les semis aussitôt que le 15 avril dans des couches chauffées et poursuivre jusque tard à l’automne avec un petit tunnel.
Pourquoi cultivez-vous vos aubergines et une partie de vos pommes de terre dans des chaudières ?
Les aubergines, on les réussit bien mieux ainsi [parce que leur système de racines se réchauffe plus vite]. Dans le cas de ce lot de pommes de terre, car j’en ai un autre en pleine terre, ce sont mes tubercules pour l’année prochaine. De cette façon, je n’ai qu’à ramasser les chaudières et à les entreposer jusqu’au printemps suivant.
Parlez-nous des légumes.
Je ne me casse pas la tête avec les variétés et les légumes du patrimoine, ni avec le compagnonnage, d’ailleurs. Souvent, j’achète mes plants chez des producteurs de légumes des champs, car ils utilisent des variétés productives. Néanmoins, je suis un amateur de la variété San Marzano pour la tomate italienne et pour la ratte, une petite pomme de terre peu productive, j’ai différentes variétés, dont la Charlotte et la German Finger.
J’ai aussi une section de légumes pérennes dans un bac à part, parce qu’ils sont envahissants. J’y cultive le topinambour et le crosne, une plante peu connue qui produit un petit tubercule au goût de noisette. Finalement, il est essentiel d’avoir des plantes à fleurs pour attirer les pollinisateurs ; c’est pourquoi il y a ce gros massif de menthe en fleurs et des molènes dans le potager.
Preuve que les méthodes vigoriennes fonctionnent bien, le potager est luxuriant, productif et en santé. Mais il n’y a pas que les méthodes : le suivi joue un rôle crucial et notre horticulteur passe y faire un tour deux fois par jour pour voir à ses arrosages, faire du dépistage, etc. Voilà, d’ailleurs, comment on obtient plus que ce qu’on est capable de consommer !
Le potager couvre une surface de 232 mètres carrés comprenant les 10 bacs. Quant à l’arrosage, au printemps, il est réalisé par un système d'irrigation, et par la suite il est fait à la main.
Au jardin cette semaine
Cette année, le feu bactérien, une maladie qui se propage rapidement, d’où son nom, cause de sérieux problèmes dans les vergers de la région montréalaise. Toutefois, cette maladie ne s’en prend pas uniquement aux pommiers, elle infecte toutes les plantes de la famille des rosacées, tels les amélanchiers, les cerisiers, les framboisiers, les poiriers, les pommetiers, les pruniers, les rosiers, les sorbiers, etc.Donc, si on voit dans son jardin, par exemple, que l’amélanchier a des pousses terminales brunes avec des feuilles qui y demeurent fixées, c’est que l’arbre est fort probablement infecté.
Que faire ? On élimine les parties affectées en taillant à environ 30 cm sous l’infection, soit dans la partie saine. Si le sécateur n’a pas été mis en contact avec la partie contaminée, il n’est pas nécessaire de le stériliser entre chaque coupe. Finalement, on élimine les branches le plus rapidement possible.