Confusion sur le conseiller
C’est bien connu, l’investisseur aime s’attribuer ses succès et blâmer son conseiller pour ses revers. Ainsi, casser du sucre sur le dos des conseillers financiers est devenu familier. De récents sondages en rajoutent, affichant « des résultats peu éloquents pour l’ensemble de l’industrie ». Mais en lisant plus loin les conclusions, les subtilités et nuances apparaissent.
Dernière étude en date, celle du groupe de recherche-marketing J. D. Power dont les résultats ont été publiés jeudi. « L’étude identifie trois grandes étapes d’investissement basées sur les objectifs : l’établissement d’objectifs personnels, la mise en oeuvre d’une stratégie pour atteindre ces objectifs, et le suivi des progrès accomplis. Seulement un peu plus de la moitié (54 %) des investisseurs indiquent que leur conseiller les a aidés à fixer des objectifs et a discuté des risques. À peine un tiers (34 %) déclare que leur conseiller a efficacement couvert toutes ces trois étapes. »
Le cabinet ajoute : « ces résultats sont peu éloquents pour l’ensemble de l’industrie ». Et il rappelle que « les investisseurs ont à leur disposition certaines des alternatives les plus récentes, plus intéressantes et plus abordables, y compris le robot conseiller. En outre, avec la mise en application des exigences de divulgation des coûts des conseils […] de nombreux investisseurs pourront, pour la première fois, savoir exactement ce pour quoi ils ont payé. Les conseillers qui n’apportent pas de valeur ajoutée à leurs clients au-delà de la répartition des actifs pourront avoir de véritables ennuis ». Sans autre distinction entre les conseillers financiers indépendants et ceux oeuvrant au sein d’institutions financières.
Car cette distinction a été ravivée sous l’initiative réglementaire du Modèle de relation client-conseiller, amorcée en 2011 et pleinement en vigueur depuis le 15 juillet. Elle a pour objectif de présenter une information détaillée, dans un langage clair, relative aux coûts, à la rémunération des intermédiaires et au rendement du fonds d’investissement. Ces modifications réglementaires ont été précédées de consultations publiques qui n’ont pas été sans exacerber un vieux clivage dans l’industrie. Les conseillers craignent la confusion autour du modèle de rémunération, les comptes à commission étant plus susceptibles d’être davantage sensibles à la relation rémunération-rendement que ceux à honoraires.
Confusion
La confusion persiste. Pourtant, l’étude de J. D. Power propose un classement des sociétés de placement et des institutions financières à service complet selon un indice de satisfaction construit à partir des réponses de 14 938 investisseurs utilisant les services d’investissement basés sur les conseils des institutions financières. L’indice repose sur sept facteurs accordant au conseiller financier une pondération de 34 %, le reste se ventilant entre les informations sur le compte, le rendement des placements, l’offre de produits, les commissions et coûts, le site Web et la résolution de problème. « Les principaux prestataires indépendants de services de gestion du patrimoine inclus dans l’étude continuent de surpasser les grandes banques », a mesuré J. D. Power.
Edward Jones, Raymond James, Patrimoine Hollis et Gestion de patrimoine Assante occupent quatre des cinq premières positions au classement, avec une note supérieure à la moyenne, la cinquième étant RBC Valeurs mobilières. Ces institutions sont également les seules à recevoir la mention « Parmi les meilleures » et « Meilleure que la plupart ».
Cet été, Fonds d’investissement Tangerine publiait un sondage accompagnant l’entrée en vigueur du changement réglementaire en mettant en exergue la méconnaissance des investisseurs relative aux frais payés. « Même si la majorité des investisseurs sondés (89 %) se décrivent comme “très bien renseignés” ou “assez bien renseignés” en ce qui concerne leurs placements, plusieurs d’entre eux ne connaissent pas les frais connexes : 36 % affirment ne payer aucuns frais et 11 % ne savent pas s’ils en paient ou non. »Anciennement ING Direct, Tangerine est une banque en ligne propriété de la Scotia. « Trop de Canadiens croient encore qu’ils ne paient aucuns frais pour leurs placements ou pour les services de leur conseiller », ajoutait l’institution, également sans autre distinction quant au statut du conseiller.
On pouvait tout de même lire dans ce sondage que 67 % des investisseurs avaient recours à un conseiller financier, que 94 % d’entre eux se disaient « très satisfaits » ou « relativement satisfaits » des services reçus. Tangerine a demandé aux répondants s’ils étaient prêts à se débrouiller seuls et à acheter des placements, tels les fonds communs de placement, directement (en ligne) plutôt que par l’entremise d’un conseiller afin de payer moins de frais. Seulement 34 % ont répondu par l’affirmative.
Chez les 33 % ayant indiqué ne pas recourir à un conseiller financier, la moitié affirment avoir confiance en leur capacité de gérer eux-mêmes leurs placements. Aussi, 34 % évoquent les commissions trop élevées et 24 % déplorent le « manque de transparence des conseillers financiers » ou disent manquer de confiance envers eux.
J. D. Power documente cet aspect. Ainsi, 42 % des investisseurs de la génération du millénaire veulent jouer un rôle plus actif dans la gestion de leur patrimoine, en comparaison avec les générations précédentes. Ils veulent prendre leurs propres décisions, tout en ayant accès à un conseiller qui agira comme un accompagnateur dans la réflexion. Les générations plus âgées, telles que les baby-boomers, sont plus enclines à déléguer et à s’en remettre aux jugements et décisions de leurs conseillers.