Que l’énergie en commun
Les débuts de la commission parlementaire sur le projet de loi 106 ont rapidement cristallisé les irritants de la nouvelle politique énergétique du gouvernement Couillard. Les interrogations soulevées ici et là dans les mémoires confirment le caractère confondant et plutôt expéditif de l’approche retenue.
Dès le début des consultations est ressortie clairement cette difficile cohabitation de la Loi sur les hydrocarbures au sein d’un projet de loi concernant la mise en oeuvre de la Politique énergétique 2030. Les deux aspects n’ont que le mot énergie pour dénominateur commun, alors que leurs objectifs sont contradictoires et que les enjeux respectifs en matière d’acceptabilité sociale s’opposent. Québec va-t-il s’obstiner à faire la sourde oreille à ces demandes répétées l’exhortant à scinder le projet de loi ?
Dans le communiqué accompagnant son mémoire, l’Union des producteurs agricoles a le paragraphe juste. « Le projet de loi 106 est une pièce législative importante qui comprend deux grands enjeux soit, d’une part, la mise en oeuvre de la Politique énergétique 2030 et, d’autre part, l’adoption d’une loi encadrant le développement et la mise en valeur des hydrocarbures au Québec. L’UPA est d’avis qu’un consensus social et politique se dégagera rapidement autour du premier objectif. Toutefois, à l’instar de la Loi sur les mines qui a dû faire l’objet de trois projets de loi avant d’être finalement adoptée, la future loi sur les hydrocarbures soulève des préoccupations sociales, environnementales, économiques et politiques d’envergure qui nécessiteront un travail colossal de la part des parlementaires, ce qui retardera d’autant la mise en oeuvre de la politique énergétique du Québec. D’où la nécessité de scinder le projet de loi. » La CSN est du même avis, laissant entendre que Québec voudrait se servir de l’un pour imposer l’autre.
Au début du mois, un groupe de citoyens et d’écologistes réunis sous le Front commun pour la transition énergétique allait plus loin en suggérant de retirer le volet hydrocarbure du projet de loi 106. À leurs yeux, l’orchestration d’une transition énergétique au Québec devenait le prétexte pour articuler plutôt la stratégie québécoise en matière d’exploration et d’une hypothétique exploitation des énergies fossiles.
Monopoliser l’attention
Si elle n’est pas débattue séparément, la première législation du Québec en matière d’hydrocarbure risque effectivement de monopoliser l’attention sur un supposé potentiel pétrolier et gazier québécois qui reste à définir. Surtout que, si les réserves probables devenaient prouvées, il faudrait ensuite en déterminer leur potentiel commercial. Et elles se situeraient, pour l’essentiel, dans des zones vulnérables ou protégées. Sans oublier les conclusions venant des évaluations environnementales stratégiques publiées en juin, confirmant une inadéquation entre la valorisation des hydrocarbures et le développement durable, notamment en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre. Leur exploitation est difficilement conciliable avec les objectifs de Québec en matière de lutte contre les changements climatiques, pouvait-on lire.
D’autant, aussi, que la stratégie québécoise de réduction des émissions de GES se veut beaucoup plus structurante, engageante et mobilisatrice. Et que le projet de politique énergétique présenté au début d’avril comporte un objectif consensuel, des cibles ambitieuses mais réalistes, mais que tout reste à faire et à convaincre quant aux moyens pour les atteindre. Parmi les irritants, mercredi, sur les ondes de Radio-Canada, des experts mettaient déjà en question la pérennité de la créature coiffée du titre Transition énergétique Québec. Évoquant ses imperfections, ils se demandaient si cet organisme ne relevant pas du bureau du premier ministre allait avoir les moyens financiers et contraignants de remplir son mandat. Mardi, les milieux d’affaires s’inquiétaient des dédoublements avec d’autres organismes dans l’appareil gouvernemental, craignant un risque de complexité administrative et de doublons des responsabilités.
Autre point à revoir : ce développement de la filière éolienne compromis parce que subordonné à l’élimination des surplus chez Hydro-Québec Distribution. Et les engagements financiers. Quelque 4 milliards sur 15 ans, à peine 267 millions par année, pour amener le Québec à consommer 40 % moins de pétrole sur l’horizon et à émettre 37 % moins de GES qu’en 1990.
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